« EN DÉPIT de l’actualité liée au risque de pandémie grippale », que ce soit les personnels de soins, de la médecine du travail, de l’Éducation nationale, des services de PMI, des centres de vaccination, des DDASS et des CIRE (cellules interrégionales d’épidémiologie), « tous les acteurs concernés doivent rester mobiliser ». Le mot d’ordre, comme l’écrit le Directeur général de la santé, Didier Houssin, dans l’éditorial de ce numéro thématique (2009, 39-40), est clair : « Mobilisons-nous. » Les données épidémiologiques rappellent l’évidence : la France connaît « une nette recrudescence de la rougeole, maladie, rappelons-le, éradicable par la vaccination. Des complications graves de la maladie réapparaissent. Deux personnes sont décédées depuis le début d’année : l’une dans un tableau d’encéphalite aiguë et l’autre, qui présentait des pathologies sous-jacentes, de pneumopathie ».
On est loin de l’objectif d’élimination d’ici à 2010 fixé par la Région européenne de l’Organisation mondiale de la santé en 1998. L’ensemble des mesures mises en place en 2005 ne semblent pas suffire. La couverture vaccinale reste inférieure aux 95 % nécessaires à l’âge de 2 ans pour éradiquer la maladie.
Déjà 1 200 cas en 2009
Pourtant l’introduction de la vaccination dans le calendrier français avait eu un impact majeur, avec une réduction de plus de 90 % entre le nombre estimé de cas à la fin des années 1980 (environ 200 000) et celui estimé en 2000 (environ 10 000) alors que le nombre de décès liés aux complications pulmonaires et neurologiques passait d’une trentaine à trois. En 2006 et 2007, 40 et 44 cas étaient recensés par le dispositif de la déclaration obligatoire (DO), un nombre qui a brutalement augmenté en 2008 pour s’élever à 604, témoignant d’une circulation active du virus rougeoleux dans de nombreux départements. « Cette situation, accentuée depuis octobre 2008, se poursuit en 2009 au vu des données disponibles à ce jour – plus de 1 200 cas signalés entre janvier et août, données provisoires », Soulignent Isabelle Parent du Châtelet et coll., auteurs d’un article sur le bilan 2008.
De plus, les chiffres sous-estiment sans doute l’incidence réelle. Des données collectées lors de foyers épidémiques montrent que moins de 10 % des cas sont effectivement déclarés.
84 % de cas auraient pu être évités
La situation actuelle était attendue, compte tenu de la couverture vaccinale trop faible : « L’analyse du statut vaccinal des cas en fonction de l’âge d’éligibilité à la vaccination montre que 84 % (476/569) de l’ensemble des cas survenus en 2008 auraient, sous l’hypothèse d’une efficacité totale de la vaccination, pu être évités par le suivi des recommandations vaccinales », soulignent ces mêmes auteurs. Si l’on restreint l’analyse à la tranche d’âge 13 mois-28 ans, le pourcentage est encore plus élevé (94 %, soit 476/506). La proportion des vaccinés semble particulièrement faible chez les 10-19 ans, comme en témoigne la survenue de plusieurs foyers ayant touché des enfants et des adolescents fréquentant des établissements scolaires confessionnels et/ou partageant des activités de loisirs. Comme en Europe, l’existence de populations réfractaires au vaccin pour des raisons religieuses ou philosophiques est un obstacle majeur qui a favorisé la recrudescence observée à l’automne dernier.
Pourcentage d’hospitalisés élevé
Le bilan 2008 montre également que chez les 17-28 ans, dans 1 cas de rougeole sur 5, l’adolescent ou le jeune adulte n’avait reçu qu’une seule dose de vaccin. « Ce constat est en faveur d’une évolution des recommandations vers un rattrapage à deux doses pour les personnes nées entre 1980 et 1991 quand le virus circule activement, notamment en situation de cas groupés. » De même, la proportion de cas hospitalisés parmi les cas déclarés (près de 20 %), notamment pour les cas adultes, ainsi que la survenue de transmissions nosocomiales « doit conduire à renforcer la sensibilisation au diagnostic de rougeole et aux recommandations vaccinales des professionnels de santé », notent-ils encore.
Transmission soignant-soigné
Le « BEH » présente d’ailleurs deux épisodes d’infection nosocomiale survenus en 2008, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Principauté de Monaco et à Reims. Lors du premier, les investigations ont commencé par la notification en avril 2008 de 4 cas de rougeole, dont un membre du personnel soignant, dans le service d’infectiologie du CHU de Nice et de 2 cas au CH Princesse Grace de Monaco. Au total, 36 cas ont été recensés entre le 1er mars et le 31 mai 2008, touchant principalement l’adulte jeune. Pour 29 d’entre eux, le statut vaccinal était connu et 18 n’étaient pas vaccinés, 10 avaient reçu une seule dose, le dernier avait reçu deux doses (documenté). Deux regroupements de cas ont été identifiés avec transmissions nosocomiales : 12 cas au CHU de Nice, dont 2 soignants ; 5 cas à Monaco dont 2 soignants. Un seul professionnel de santé était vacciné. À Metz, lors de l’épidémie hospitalo-universitaire, 19 cas ont été recensés entre janvier et mars 2008, dont 11 adultes parmi lesquels 4 professionnels et stagiaires de santé du CHU, âgés de 24 à 28 ans.
Lors du recensement des soignants contacts, les investigateurs ont constaté que le statut vaccinal était souvent méconnu. Les membres du personnel ont donc été convoqués par le médecin du travail afin de réaliser une sérologie et, le cas échéant, une vaccination. Dans cette population (1 489 dossiers documentés), 2,3 % des sujets étaient réceptifs (sérologie négative) et parmi eux, 40 % avaient reçu une injection vaccinale unique pendant l’enfance. Cette étude souligne l’importance des mesures de prévention en milieu professionnel, en particulier la documentation sérologique de l’immunité en l’absence d’antécédents cliniques et vaccinaux jugés fiables. « Ces mesures risquent d’être incomplètes et trop tardives lorsqu’elles s’appliquent dans le cadre d’enquêtes autour de cas. L’approche systématique, dès la prise de fonction ou stage et la documentation des personnels déjà en place à l’occasion de leur suivi de médecine du travail est beaucoup plus efficace », suggèrent les investigateurs du CHU de Reims. Une telle démarche est « particulièrement importante chez les jeunes professionnels et stagiaires dont on a pu constater le risque de contamination, dans la tranche d’âge où la couverture est incomplète », concluent-ils.
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