LA MÉTHODE de haute précision utilisée a permis aux chercheurs de retracer phylogénétiquement l’origine du parasite. « Nous avons ainsi prouvé que ce sont les gorilles qui ont contaminé les humains, et non l’inverse, comme d’autres travaux l’avaient tout d’abord suspecté », explique Éric Delaporte, co-auteur, chercheur à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) et à l’université de Montpellier.
Ces travaux, apportant un éclairage nouveau sur l’origine primate du paludisme, posent un nouveau défi dans la lutte contre la maladie. « Compte tenu des contacts hommes/singes de plus en plus nombreux en Afrique centrale, notamment du fait de la déforestation massive et des mouvements de population qui s’ensuivent, l’existence d’un réservoir de Plasmodium chez le gorille rend encore plus difficile l’éradication de ce fléau. »
Le travail de Weimin Liu, Béatrice Hahn et coll. réfute de précédentes études qui situaient déjà une origine simienne, mais chez le chimpanzé ou le bonobo. « Nous avons développé une technique de séquençage de l’ADN appelée “single genome amplification”, ou SGA, méthode non invasive pour identifier et caractériser les séquences ADN des espèces de Plasmodium dans des échantillons de fèces de singes sauvages vivants. » Parmi près de 3 000 échantillons prélevés dans différents territoires à travers l’Afrique Centrale, la présence de Plasmodium a été trouvée chez des chimpanzés (Pan
troglodytes) et des gorilles de l’Ouest (Gorilla gorilla) mais non chez ceux de l’Est (Gorilla beringei), ni chez des bonobos (Pan paniscus).
Concordance génétique quasiment parfaite.
Liu et coll. ont analysé plus de 1100 séquences de gènes mitochondriaux, d’apicoplastes (séquences propres au parasite) et de gènes nucléaires provenant des chimpanzés et des gorilles. Ils trouvent une concordance génétique quasiment parfaite entre des organismes du sous-genre Laverania chez des gorilles de l’ouest et P. falciparum.
« Dans l’analyse phylogénétique de séquences mitochondriales complètes, P. falciparum humain a formé une lignée monophylétique, comprenant les espèces ancestrales et les descendants, à l’intérieur des ramifications du parasite du gorille. »
Par ailleurs, ils trouvent que l’infection à Plasmodium est très répandue chez les gorilles de l’Ouest, avec plus de la moitié des individus infectés dans certaines communautés. On ne sait pas si le parasite leur provoque une pathologie, mais ces singes porteurs pourraient constituer des foyers de contamination humaine. « Toutefois jusqu’à présent, nos analyses moléculaires suggèrent que les souches qui ont diffusé de façon épidémique chez l’homme ne sont la résultante que d’un seul événement de transmission gorille-homme dans le passé », souligne Martine Peeters (chercheuse à l’IRD).
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