« Est-ce que les petits cancers du sein sont de bon pronostic parce qu’ils sont petits ou sont-ils petits parce qu’ils sont de bon pronostic ? », la problématique est posée dès le titre dans l’étude signée dans « The New England Journal of Medicine » par les Drs Donald Lannin et Shiyi Wang du centre anticancer de Yale.
D’après l’analyse de la base de données américaine du SEER (pour Surveillance, Epidemiology, and End Results), les spécialistes répondent que beaucoup de petites tumeurs ont un très bon pronostic en raison d’une croissance intrinsèquement lente. Selon eux, bon nombre d’entre elles ne se développent pas assez pour devenir problématiques au cours de la vie. Ce serait l’un des ressorts du surdiagnostic lié au dépistage généralisé.
À l’inverse, les auteurs font remarquer que les tumeurs de grande taille responsables de la majorité des décès se développent si vite qu’elles deviennent invasives avant d’être détectées à la mammographie de dépistage, écrivent-ils.
La détection précoce, un bénéfice pas si universel
Pour le Dr Donald Lannin, chirurgien à la faculté de médecine de Yale : « Notre analyse explique à la fois pourquoi la mammographie entraîne du surdiagnostic et aussi pourquoi elle n’est pas plus efficace à améliorer le pronostic de nos patientes. Encore plus important, cela remet en question certaines des croyances fondamentales par rapport à la détection précoce ».
Dans cette étude, les chercheurs ont d’abord répertorié les tumeurs de la base SEER entre 2001 et 2013 d’après les facteurs biologiques : grade, statut pour les récepteurs à l’œstrogène (RE) et à la progestérone (RP). Les douze combinaisons ont été classifiées en trois grands groupes pronostiques : quatre de plus mauvais pronostic (grade 2 RE- RP-, grade 3 RE- RP-, grade 3 RE+ RP-, grade 3 RE- RP+), trois de meilleur pronostic (grade 1, RE+ RP+, grade 1 RE+ RP-, grade 1 RE- RP+), les autres de pronostic intermédiaire.
Pour étudier l’influence de la taille tumorale, les chercheurs ont estimé, en fonction de l’âge, à la fois l’espérance de vie et le délai de latence, c’est-à-dire la durée moyenne entre la détection à la mammographie et l’évidence clinique sans dépistage. « La fraction de femmes qui présentaient une espérance de vie de plus courte durée que le délai de latence était considérée comme étant du surdiagnostic », expliquent les auteurs.
Pour ces projections, les chercheurs ont choisi comme référence le chiffre de 22 % pour le surdiagnostic, - comme l’avait estimé une étude récente publiée dans la même revue en 2016 par l’équipe de Gilbert Welsch - , avant d’étalonner selon le principe que le groupe le plus favorable présente un taux plus élevé et le groupe le moins favorable un taux plus bas.
Délai de latence de 15 à 20 ans
Les chercheurs montrent que le surdiagnostic est constaté principalement chez les sujets âgés ayant des tumeurs biologiquement favorables, à croissance lente. « Ce papier montre que le délai de latence varie fortement selon le type de tumeur, explique le Dr Lannin. Une large part de cancers agressifs ont un délai de latence ≤ 2 ans, tandis qu’une autre part de cancers du sein grandissent si lentement que le délai de latence est de 15 à 20 ans ».
Pour les spécialistes, la taille de la tumeur influençant le pronostic, il est nécessaire d’intégrer ce critère pour adapter la prise en charge. Pour faire régresser le problème du surtraitement et de l’anxiété générés par le surdiagnostic, les auteurs misent sur « l’information des médecins, des patientes et du grand public que certains cancers sont indolents » et sur le développement d’algorithmes de traitement pour aller « vers une médecine personnalisée ».
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