AU DÉBUT des années 1930, le chimiste américain Thomas Migdley Jr. (1889-1944) fut chargé par la General Motors de concevoir un liquide non-toxique, non-inflammable, ayant un point d’ébullition bas destiné à améliorer les systèmes de réfrigération domestiques commercialisés depuis 1913 aux États-Unis. Il améliora la synthèse des chlorofluorocarbures (CFC), des composés synthétisés dès la fin du XIXe siècle et testa l’innocuité de nombreux dérivés sur l’animal. Les études toxicologiques confirmèrent son pressentiment : ces produits n’étaient pas toxiques car la liaison carbone-fluor était suffisamment stable (l’histoire retient depuis que ces composés, dont le fréon qu’il mit au point, furent à l’origine du fameux « trou d’ozone », d’où une législation mondiale - basée sur le Protocole de Montréal signé en 1987 - visant à en supprimer progressivement l’utilisation).
Dans les années 1940, la recherche sur les solvants halogénés bénéficia des travaux sur la séparation des isotopes de l’uranium - un préliminaire à la fabrication de l’arme atomique -. La guerre finie, un chimiste de l’université Purdue (Indiana), Earl T. McBee (1906-1972), spécialisé dans la synthèse de ces dérivés confia près d’une cinquantaine de nouveaux solvants à un pharmacologue de l’université Vanderbilt (Tennessee), Benjamin H. Robbins (décédé en 1960), spécialisé quant à lui dans l’étude des anesthésiques généraux. Il montra que les produits chlorés, les plus volatiles, étaient les plus convulsivants et que les dérivés bromés ou fluorés, moins volatils, constituaient de meilleurs anesthésiques que l’éther ou le chloroforme alors couramment administrés. Fort de ses observations, les scientifiques de l’Ohio Medical Products, laboratoire spécialisé dans le matériel d’anesthésiologie, développèrent des analogues fluorés que l’on espérait moins explosifs que le mélange oxygène-chloroforme. L’un des solvants, le trifluoro-éthyl-éther ou fluoroxène, synthétisé en 1951 fut testé sur l’homme en avril 1953 par John C. Krantz (1899-1983) à l’université du Maryland. Bien que d’un maniement aussi délicat que l’éther, il fut utilisé pendant trois ans avant d’être abandonné au profit d’un anesthésique alors révolutionnaire car mieux toléré au plan cardiovasculaire et ventilatoire…
Un anesthésique anglais.
Charles W. Suckling (1920-2013), un chimiste anglais du laboratoire ICI Pharma à Widnes, avait travaillé pendant la guerre sur les alcanes halogénés utilisés comme additif dans le fuel des avions. Il synthétisa facilement des dérivés fluorés dont les propriétés physicochimiques théoriques devaient à un usage en anesthésie et qu’il testait sur des insectes avant de les adresser à un pharmacologue catalan réfugié à Manchester pour échapper au franquisme : Jaume Raventos i Gavalda (1905-1982). Le sixième de ces composés, l’halothane, obtenu en janvier 1953, se révéla particulièrement attractif : il agissait rapidement, son innocuité était satisfaisante et il était inerte. Ce produit fut testé sur l’homme en 1956 par Michael Johnstone (décédé en 2007), un anesthésiste de Manchester. Succès considérable : malgré le risque d’hépatites fulminantes, cet anesthésique fut utilisé en France sous le nom de Fluothane pendant plusieurs décennies (et le reste dans les pays en voie de développement compte tenu de son faible coût).
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques