DEUX études, l’une menée par le Pr Philippe Jaury et l’autre par le Pr Michel Reynaud vont peut-être apporter d’ici à 2014 les preuves de sûreté et d’efficacité du baclofène réclamées par l’Agence nationale de sûreté des médicaments (ANSM). Après avoir autorisé en avril dernier la mise en place de l’essai clinique Bacloville coordonné par le Pr Jaury, l’ex-Afssaps reconnaissait pour la première fois les bénéfices du baclofène dans l’alcoolo-dépendance, tolérant par ailleurs son usage sous-conditions chez certains patients. L’agence encourageait par ailleurs le lancement d’autres études cliniques émanant « d’équipes académiques ou d’industriels » dans le but « d’optimiser l’emploi de la molécule ». C’est désormais chose faite, avec le coup d’envoi donné mercredi dernier à l’étude « Alpadir » coordonnée par le Pr Michel Reynaud. « Très clairement, nous ne sommes pas rivaux avec l’étude du Pr Jaury », déclare le Pr Reynaud. « On est vraiment complémentaire », ajoute-t-il. Le principal but d’Alpadir est d’évaluer durant 6 mois l’efficacité du baclofène à la posologie cible de 180 mg par jour dans le maintien d’une abstinence des patients alcoolo-dépendants après sevrage pendant 20 semaines de traitement (du début de la 5e semaine, phase d’augmentation de posologie, à la fin du 6e mois de traitement). L’essai se penchera secondairement sur les diminutions de consommation d’alcool chez les patients traités non sevrés.
Portant sur une période d’évaluation plus longue (1 an) avec des doses plus fortes (jusqu’à 300 mg), l’essai Bacloville ne mesure pas seulement le degré d’abstinence du patient vis-à-vis de l’alcool, mais également le retour à une consommation plus normale conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les études Bacloville et Alpadir relèvent toutes deux de l’essai multicentrique randomisé en double aveugle. Alpadir va inclure dans une quarantaine de centres hospitaliers et CSAPA (centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie) 316 patients volontaires dépendants à l’alcool ayant déjà fait au moins une tentative de maintien de l’abstinence sans avoir jamais utilisé de baclofène. Depuis son lancement à la fin du mois de mai, l’étude Bacloville a réuni les deux tiers de la cohorte visée : 216 personnes sur 320, principalement réparties dans sept centres d’investigation (Avignon, Lille, Montpellier, Nice, Paris, Poitiers, Strasbourg).
L’AMM en vue.
Le critère d’inclusion de l’étude du Pr Jaury s’avère plus large que celle du Pr Reynaud, à savoir une demande de prise en charge pour l’alcool, que le patient soit dépendant ou non, sevré ou non et non obligatoirement en échec thérapeutique. Ces patients ne doivent également pas avoir auparavant utilisé de baclofène. « On a quand même du mal à trouver des patients qui n’ont pas déjà pris du baclofène », confie le Pr Jaury qui espère une fin d’inclusion de la cohorte de patients participant à l’essai « Bacloville » d’ici au mois de janvier prochain. Pour financer son étude portée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Pr Jaury bénéficie d’une enveloppe de 750 000 euros au titre du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), complétée par un apport de plus de 500 000 euros émanant d’un donateur privé anonyme. Après avoir initialement déposé un dossier de PHRC en 2006 pour l’étude Alpadir, les Pr Reynaud et Detilleux (hôpital Cochin, Paris) obtiennent en 2008 un financement de l’ordre de 300 000 euros, insuffisant pour mener à bien l’essai. En quête d’un promoteur, ils convainquent la société pharmaceutique française Ethypharm (spécialisée dans l’innovation galénique) qui accepte d’apporter les fonds supplémentaires dans l’optique de déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché dans le maintien de l’abstinence des patients alcoolo-dépendants. Du fait de la durée de l’étude Alpadir, cette éventuelle demande d’AMM ne peut concerner que la France, l’agence européenne du médicament (EMA) exigeant des essais portant sur une durée d’au moins une année. Les résultats complets des deux études sont attendus dans le courant de l’année 2014.
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