L’histoire de la phagothérapie aurait pu commencer en Inde en 1896 lorsqu’un bactériologiste britannique, Ernest H. Hankin (1865-1939), suggéra qu’un principe mystérieux, ultrafiltrable, présent dans l’eau du Gange, inactivait le bacille cholérique. Il ne sut en tirer de conclusion pratique… Cette histoire, nous la devons donc à un singulier biologiste autodidacte franco-canadien, Félix d’Hérelle (1873-1949), qui nota en 1909 au Mexique que des criquets mourraient en masse, infectés par une bactérie Coccobacillus acridiorum.
Ayant entrepris de la répandre au sein des peuplements de l’insecte ravageur, il constata que le germe ne prospérait pas dans certaines cultures où apparaissaient des zones, dites « claires », dénuées de bacilles, un phénomène qu’il observa ensuite en Tunisie et qu’il associa à une attaque virale en 1915 - année où un biologiste anglais, Frederick W. Twort (1877-1949) fit cette observation sur des microcoques -.
Revenu à Paris en août 1915, d’Hérelle cultiva des prélèvements fécaux de patients dysentériques : il isola des taches « claires » un filtrat « viral » capable de détruire les bacilles. Le 15 septembre 1917, Émile Roux présenta cette découverte à l’Académie des Sciences, nommant alors l’organisme mystérieux présent dans le filtrat « bactériophage ».
D’Hérelle traita en 1919 avec succès des volailles atteintes par la typhose aviaire en produisant des phages à partir de leurs excréments : il théorisa la « phagothérapie » qu’il appliqua en Cochinchine à des buffles atteints de pasteurellose, puis en Inde où il guérit des victimes du choléra.
À la mode dans les Années Folles, cette technique fut appliquée à des infections diverses - peste comprise - avec un succès variable, lié notamment aux mauvaises conditions des préparations phagiques.
D’Herelle fut invité à enseigner à Yale en 1928 mais il en démissionna en 1934 pour gagner l’URSS et développer à Tbilissi avec un collaborateur, Georgyi Eliava (1892-1937), une unité de production de bactériophages. Revenu à Paris en 1936 pour ne pas subir l’infortune de son ami, victime du terrorisme stalinien (fusillé en 1937), d’Hérelle y fonda le « Laboratoire du Bactériophage » qui commercialisa des phages spécifiques (le « Bacté-pyélo-phage » traitait les maladies urinaires, le « Bacté-intesti-phage » les diarrhées, etc.). Des médicaments similaires furent fabriqués dans l’Europe entière et aux États-Unis.
Décadence et renouveau
Le déclin de la bactériophagie s’était cependant annoncé dès les années 1930 lorsque des biologistes américains, Monroe D. Eaton et Stanhope Bayne-Jones, émirent des doutes sur son efficacité ; en 1941, toujours aux États-Unis, Albert Krueger et Jane Scribner la jugèrent dangereuse.
Le développement de l’antibiothérapie en eut raison dans les années 1940 (des spécialités figurèrent toutefois dans le Vidal jusqu’à la fin des années 1970 et la technique perdura derrière le Rideau de Fer) : pour autant, les phages devinrent des vedettes de la biologie moléculaire… Depuis, face aux résistances bactériennes, ils donnent lieu à un intérêt nouveau. Ceci sera une autre histoire
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