« NOUS NE SOMMES pas là pour nous prononcer sur la dépénalisation du cannabis, mais pour avoir le droit de l’utiliser dans certaines indications médicales », précise Philippe Riehl, pharmacien d’officine à Strasbourg et trésorier d’Action Sida Ville, association co-organisatrice de cette journée tenue dans les locaux du Parlement européen. Plusieurs exposés ont souligné l’intérêt du cannabis dans la sclérose en plaque, la prise en charge des douleurs cancéreuses, de la maladie de Crohn et des effets secondaires des traitements antirétroviraux. C’est aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suisse que l’usage du cannabis est le plus développé, avec des protocoles précis et une réglementation officielle qui garantit la qualité des produits et la bonne formation des intervenants. Aux Pays-Bas, le Laboratoire Bedrocan commercialise en pharmacie des fleurs de cannabis vendues dans des flacons scellés de 5 g, avec plusieurs dosages et des présentations adaptées aux indications et aux prescriptions, dont certaines sont prises en charge par les caisses de maladie, si l’assuré a souscrit une option pour cela. Les professionnels considèrent la vaporisation dans des inhalateurs comme le meilleur moyen de bénéficier de toutes les vertus du produit, mais il peut aussi se prendre en infusion. La fumée est déconseillée, pour des raisons de santé évidentes… sauf pour les malades en phase terminale.
Rien de tout cela en France, bien sûr, même si un médicament à base de cannabis, le Marinol, est exceptionnellement utilisé comme antidouleur et antiémétique. Classé comme stupéfiant, il fait l’objet d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU), mais ses conditions de délivrance sont si strictes qu’il n’a été prescrit qu’à 11 patients en 2011. Résultat, la quasi-totalité des patients qui désirent utiliser du cannabis l’achètent dans la rue ou le cultivent eux-mêmes, comme le font - mais légalement - les patients canadiens, qui peuvent obtenir le droit d’en planter pour leur consommation médicale personnelle. Cent tonnes de cannabis sont récoltées chaque année en France, sans garantie de qualité ni, bien sûr, d’un usage optimal du produit, sans parler des risques légaux.
« Si ils y étaient autorisés, les pharmaciens pourraient délivrer du cannabis de qualité pharmaceutique tout en informant leurs patients sur son utilisation, mais aussi sur ses mésusages », souligne Philippe Riehl, en rappelant que, actuellement, un pharmacien n’a même pas le droit de parler du cannabis à ses clients, car cela pourrait être considéré comme une incitation ou une apologie, prohibée par la loi de 1970. Comme plusieurs de ses confrères, il estime que le cannabis thérapeutique, et l’information sur ce produit, devrait faire partie des compétences des pharmaciens, au même titre que la substitution des opiacés. Pour cette raison d’ailleurs, le cannabis, s’il était disponible en officine, devrait rester selon lui soumis à prescription et ne jamais devenir un OTC.
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