En matière de troubles de l’humeur, les données de la littérature sur la contraception sont très discordantes. Une revue systématique de 46 études sur trente ans, publiée en 2016, avait conclu à l’absence d’effet global des contraceptifs oraux combinés (COC) (1). La plupart des femmes n’avaient aucune modification de l’humeur, et les auteurs ont souligné que la survenue éventuelle de troubles de l’humeur semblait concerner plutôt des femmes prédisposées. De nombreuses études se sont penchées sur l’impact du type de progestatif, du schéma ou de la voie d’administration : les progestatifs les moins anti-androgéniques, les schémas en continu et la voie vaginale pourraient être associés à moins de troubles de l’humeur. Une revue systématique de 26 études, dont cinq contrôlées randomisées, publiée cette année, a conclu à l’absence d’effet négatif sur l’humeur des contraceptifs progestatifs (2).
Un travail randomisé en double aveugle publié en 2013 avait de son côté mis en évidence des modifications de l’activité cérébrale en IRM fonctionnelle et de l’humeur chez des femmes qui avaient déjà présenté des troubles de l’humeur après la prise d’une contraception orale (3). Et deux publications récentes mettent en évidence un risque accru de dépression ou suicide chez des femmes prenant une contraception hormonale. La première, qui a analysé les données de plus d’un million de femmes suivies six ans en moyenne dans le cadre d’une vaste cohorte danoise, montre une association entre la prise d’une contraception hormonale et un diagnostic ultérieur de première dépression, en particulier chez les adolescentes (4). La seconde, qui porte sur quelques 500 000 femmes suivies prospectivement pendant huit ans en moyenne dans un registre danois, retrouve une association entre la prise d’une contraception hormonale et le risque de suicide, là encore surtout chez les adolescentes (5).
Face à ces données contradictoires, il est difficile de conclure, mais il semble toutefois important de « bien apprécier le profil psychologique des femmes au moment du choix d’une contraception, notamment pour les adolescentes », comme le souligne la Dr Brigitte Letombe (Lille).
Quant aux éventuels mécanismes d’action de la contraception sur le désir, ils sont très mal connus. Peu d’études se sont penchées sur l’impact de la contraception sur la libido, et, s’il est logique de penser que les COC ont un effet positif sur la sexualité, par l’amélioration de la confiance en soi et de l’estime de soi, aucune vaste étude ne l’a jamais démontré. De même, leurs éventuels effets négatifs sont peu documentés. Plusieurs revues de la littérature ont conclu à l’absence d’impact chez une majorité de femmes, tandis qu’un petit pourcentage rapportait une altération ou une amélioration de la libido. Les modifications du désir résultent de la combinaison d’effets biologiques, psychologiques et sociaux, difficiles à appréhender dans le cadre d’études contrôlées randomisées.
Présentation de la Dr Brigitte Letombe (Lille) lors du Congrès Infogyn.
(1) Schaffir J et al. Eur J Contracept Reprod Health Care. 2016 Oct;21(5):347-55.
(2) Worly BL et al. Contraception. 2018 Jun;97(6):478-89.
(3) Gingnell M et al. Psychoneuroendocrinology. 2013 Jul;38(7):1133-44.
(4) Skovlund CW et al. JAMA Psychiatry. 2016 Nov 1;73(11):1154-62.
(5) Skovlund CW et al. Am J Psychiatry. 2018 Apr 1;175(4):336-42.
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