LES TRAVAUX sur les estrogènes de synthèse faisaient florès dans les années 1920-1930 : deux biochimistes anglais, James Wilfrid Cook (1900-1975) et Edward Charles Dodds (1899-1973), réussirent en 1938 la synthèse d’un bisphénol aux propriétés estrogéniques puissantes, le diéthylstilbestrol (DES). Directement testé par ses découvreurs et par Colin L. Hewett, il parut réaliser un excellent traitement préventif des fausses couches ou des accouchements prématurés, de la carence folliculinique post-ménopausique, de l’insuffisance estrogènique, de l’inhibition de la fonction galactogène, etc. Il fut préféré au bisphénol A, obtenu en 1891 par le chimiste russe Alexander Pavlovich Dianin (1851-1918), comme aux estrogènes naturels purifiés car il se révéla actif par voie orale et de synthèse industrielle aisée. Ayant tout pour être attractif, il fut commercialisé dans de nombreux pays (Distilbène, Furostilboestrol, Stilbestrol-Borne, Stilboestro). La FDA américaine l’agréa en 1941 dans quatre indications : vaginite atrophique, vaginite à gonocoque, troubles de la ménopause, engorgement mammaire ; six ans plus tard, il fut de plus agréé dans la prévention de l’avortement spontané.
Grandeur et décadence.
Dès 1948, un couple de gynécologues de Harvard, Olive W. Smith et George S. Smith, protocolisèrent - et systématisèrent même - le traitement de la menace d’avortement par des cures récurrentes de DES, de la 6e à la 35e semaine d’aménorrhée. Leur protocole, adopté par beaucoup de leurs pairs, contribua à banaliser durablement l’usage du DES, bien que l’existence de complications iatrogènes pendant la grossesse fût prouvée par d’autres spécialistes dès le début des années cinquante.
En 1971, Arthur L. Herbst, gynécologue à Boston, suggéra que la survenue d’adénocarcinomes à cellules claires du vagin observée chez des jeunes filles de 15 à 22 ans était liée à l’usage de DES par leur mère pendant la grossesse. La collecte des cas de ce cancer particulier confirma cette corrélation. L’alerte fit scandale aux États-Unis et la FDA interdit l’utilisation du médicament en obstétrique. L’Angleterre suivit en 1973, la Belgique et les Pays-Bas en 1975, le Canada et l’Irlande en 1976, la France, l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas en 1977, l’Australie en 1981, la Hongrie en 1983… avec un retard d’autant plus étonnant que de multiples publications soulignèrent dès 1974 le risque transgénérationnel lié à l’utilisation du DES, chez les filles (malformations génitales, cancer du vagin, stérilité, grossesses extra-utérines, avortements spontanés, morts néonatales) mais aussi chez les garçons (malformations urétrales, kystes de l’épididyme, cryptorchidie, hypotrophie testiculaire, oligospermie).
Le DES ne reste plus indiqué que dans le traitement du cancer de la prostate (Distilbène). Toutefois, la génération née entre les années quarante et 70 a été exposée in utero à cet estrogène. L’âge de procréer, pour ces enfants, se situe entre 1970 et 2010 : anomalies génitales et stérilité représentent un problème de santé publique actuel, illustratif des risques iatrogènes liés aux médicaments…
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