Les mots du client
- « J’ai découvert sur le thorax une tache blanchâtre qui semble s’agrandir.
- Est-il vrai qu’un vitiligo ne doit pas être exposé au soleil ?
- Le médecin m’a dit que le traitement de mon vitiligo demanderait des mois de patience !
- J’ai lu qu’un vitiligo pourrait résulter d’une infection virale.
- Y a-t-il de nouveaux médicaments pour traiter le vitiligo ? ».
Quelques définitions
Le vitiligo est une affection dermatologique acquise qui se traduit par l’apparition progressive de zones de peau dépigmentée et donc blanches. D’une surface plus ou moins étendue, elles s’observent principalement sur le visage, sur les pieds, sur les mains, au niveau des articulations et des organes génitaux. Si elle n’est ni infectieuse, ni contagieuse, ni douloureuse, elle n’en a pas moins des répercussions psychologiques importantes souvent à l’origine d’une détresse de patients dont elle altère la qualité de vie et qu’elle peut même finir par déprimer. De plus, malgré d’indéniables progrès thérapeutiques, beaucoup d’entre eux restent dans l’attente d’une prise en charge correcte car cette maladie est insuffisamment connue de médecins.
Rappel épidémiologique
Maladie souvent méconnue, le vitiligo n’en est pas moins relativement fréquent : on estime que 0,5 à 1 % de la population mondiale est touchée, quel que soit le sexe, le type ou la couleur de peau. Il peut débuter à tout âge, mais n’en reste pas moins une affection observée généralement chez le sujet jeune : dans 30 % des cas avant 12 ans, dans 50 % avant 20 ans et dans 70 % des cas avant 30 ans.
La composante génétique est évidente : ainsi, si un parent est concerné par la maladie, le risque de survenue d’un vitiligo chez ses enfants est de 3 à 4 %, ce risque s’élevant à 5-7 % si les deux parents sont atteints. Des formes congénitales sont signalées également mais elles sont exceptionnelles.
Chez le médecin
Maladie chronique, le vitiligo relève d’un suivi par un spécialiste dont la première démarche sera de poser un diagnostic de certitude : il est regrettable qu’une prise en charge correcte d’un patient soit retardée du fait que ses lésions sont confondues, par exemple, avec celles d’un pityriasis versicolor, une infection mycosique de la couche la plus superficielle de la peau entraînant la formation de tâches dépigmentées mais pas entièrement blanches et, de plus, squameuses. Les taches du vitiligo sont totalement blanches. La presque totalité des dermatoses se manifestant également par des « taches blanches » entraînent une hypopigmentation mais pas une dépigmentation complète : c’est le cas des eczématides achromiantes et du pityriasis alba, qui correspondent à des hypopigmentations post-inflammatoires. Sur une peau claire, il est toutefois parfois difficile de déterminer si la lésion est complètement blanche. Un examen en lumière de Wood (émettant des proches UV et de la lumière violette), révélant clairement une lésion très blanche dans les achromies véritables et une teinte grisée en cas d’hypopigmentation, permet alors de poser un diagnostic. Au total, le diagnostic de vitiligo reste avant tout purement clinique et ne nécessite pas de biopsie cutanée.
Le dermatologue distingue deux types de vitiligo :
- Le vitiligo non segmentaire, le plus fréquent, se caractérise par des lésions dépigmentées bilatérales et symétriques, inaugurées par l’apparition d’une simple tache blanche de dépigmentation. Tout d’abord localisées, les zones concernées s’étendent généralement par la suite à la faveur de poussées successives. Elles s’observent avant tout au niveau du visage, des mains et des pieds (atteinte acrofaciale) mais peuvent être parfois bien plus étendues : dans la forme dite « généralisée » (vitiligo universalis), la dépigmentation touche l’ensemble du corps. Des lésions aux bords peu nets, la présence de taches de dépigmentation parsemées en confettis signent l’extension progressive de la maladie. Parfois, les mélanocytes présents à la base du système pileux sont eux aussi concernés : les poils et les cheveux deviennent alors blancs (leucotrichie). Une présentation clinique rare se caractérise par des dépigmentations localisées uniquement au niveau des muqueuses. Enfin, d’une façon sûrement plus surprenante, un vitiligo peut également s’associer à des troubles auditifs ou à des troubles oculaires au niveau choroïdien, en raison de la présence de mélanocytes dans ces organes sensoriels.
- Le vitiligo segmentaire, bien plus rare (5 % des cas), se caractérise quant à lui par des lésions nettement circonscrites, unilatérales, n’affectant qu’un territoire cutané qui progressent rapidement durant quelques semaines puis se stabilisent - des récidives sont cependant possibles, même après plusieurs années -. L’origine de ce type de vitiligo pourrait différer de celle du vitiligo non segmentaire (voir plus bas).
S’il lui est impossible de prédire l’évolutivité au long cours d’un vitiligo car il n’y a pas de marqueur biologique connu de son activité, le médecin pourra réassurer pleinement le patient et lui proposer des traitements efficaces. Il devra également le rassurer et combattre une idée reçue vivace : un vitiligo n’accroît pas le risque de survenue d’un cancer cutané. Le risque de développement d’un mélanome ou d’un carcinome est même moindre chez un sujet affecté par cette dermatose que dans la population générale (existence de gènes protecteurs ?) : ceci explique que le patient puisse s’exposer sans crainte au soleil pour repigmenter les lésions (voir plus bas, traitement).
Physiopathologie
Longtemps, le vitiligo resta relégué au rang de maladie psychosomatique ne méritant guère d’attention. On sait aujourd’hui qu’il s’agit en fait d’une pathologie auto-immune se développant sur un terrain génétiquement prédisposé à la faveur de facteurs déclenchants.
L’achromie caractérisant les taches de vitiligo s’explique par la perte des mélanocytes qui synthétisent les mélanines, le principal pigment colorant la peau et dont on distingue deux types : les eumélanines (brun noir, ayant un rôle photoprotecteur) et les phæomélanines (brun clair, non photoprotectrices, pouvant participer au stress oxydatif qui accélère le vieillissement cutané). Produits par les mélanocytes épidermiques, ces pigments sont transférés dans les kératinocytes, les cellules constituant ce tissu protecteur qu’est l’épiderme. Les zones de vitiligo sont dépourvues de mélanocytes (d’où leur aspect blanc), ceux-ci y étant détruits par un processus immun médié notamment par les lymphocytes T. La voie de signalisation IFN-gamma/JAK/CXCL10 jouerait un rôle clef dans leur destruction et elle constituerait à ce titre une cible pertinente pour bloquer l’évolution de la maladie.
En revanche, des précurseurs des mélanocytes (mélanoblastes) sont toujours présents plus profondément dans le derme : ce sont ces cellules qui repigmenteront la peau suite à un traitement (photothérapie par exemple). La voie de signalisation Wnt joue ici un rôle essentiel puisqu’elle conditionne la différenciation des cellules souches mélanocytaires en mélanocytes. Sa répression empêcherait la repigmentation de la peau atteinte et sa stimulation pourrait permettre de recolorer les zones qui répondent mal à la photothérapie (mains et pieds notamment).
Une susceptibilité génétique. Les mécanismes suscitant l’apparition et l’évolution d’un vitiligo impliquent au premier rang une prédisposition génétique. Plus d’une quinzaine de gènes de susceptibilité sont associés à cette maladie (HLA, CTLA4, NLRP1, TYR, etc.). Un petit nombre est impliqué dans le métabolisme mélanocytaire, la majorité (environ 90 %) l’étant dans le fonctionnement du système immunitaire. Ce profil génétique expliquerait qu’entre 15 % et 20 % des personnes atteintes d’un vitiligo généralisé présentent par ailleurs une autre affection auto-immune : fréquemment une hypo- ou une hyperthyroïdie (thyroïdite d’Hashimoto, maladie de Basedow) ou atopie, mais aussi un psoriasis, une polyarthrite rhumatoïde, un lupus, un diabète de type 1, une anémie de Biermer, une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI), etc.
Des facteurs déclenchants. Si les sujets portant un voire plusieurs gènes de susceptibilité ont certes plus de risque de développer un vitiligo, ils ne seront cependant pas systématiquement atteints. C’est donc sur ce terrain génétique prédisposant qu’interviennent, comme souvent dans les maladies auto-immunes, des facteurs environnementaux déclenchant le processus immun. Ainsi, un stress sévère peut favoriser l’apparition ou l’aggravation du vitiligo mais son impact reste relatif : tous les patients ayant un vitiligo n’ont pas été victimes de stress et, inversement, la prise en charge d’un stress n’empêche pas l’apparition des lésions dépigmentées ni leur évolution ultérieure. Sont également suspectés de déclencher un vitiligo, des frictions récurrentes sur la peau ou un contact avec certains produits chimiques allergisants. Ces facteurs favorisants sont à l’origine d’une réaction inflammatoire cutanée type phénomène de Kœbner (induction d'une dermatose sur une peau jusqu’alors saine, à l'endroit d'un traumatisme mécanique ou physique) observé pour le vitiligo comme pour le lichen plan ou le psoriasis. Il suscite la production de molécules pro-inflammatoires impactant directement les mélanocytes et entraînant leur disparition locale.
Une étiologie virale ?
L’origine du vitiligo segmentaire reste discutée et les différences entre les deux formes de l’affection sont mal comprises. Des altérations spécifiques de mélanocytes dans une zone localisée pourraient expliquer les formes segmentaires : elles surviennent probablement lors du développement embryonnaire. Toutefois, des spécialistes ont récemment avancé une hypothèse plus singulière, voyant dans cette présentation une manifestation de réactivation du virus varicelle-zona (VZV). Ceci est suggéré par des observations préliminaires concordantes : les zones décolorées se développent sur un territoire dermatomal à l’instar du zona, un zona peut se développer à la surface d’un vitiligo segmentaire, inversement ce type de vitiligo peut succéder à un zona, etc. La dépigmentation témoignerait de la réactivation du VZV au niveau des ganglions nerveux végétatifs et non sensitifs (d’où l’absence de douleurs). Un traitement antiviral spécifique administré précocement a, dans ce contexte, pu suffire à obtenir une repigmentation de vitiligos segmentaires.
Traiter un vitiligo
La prise en charge d’un vitiligo a un objectif triple : stabiliser la maladie, obtenir une repigmentation, maintenir cette pigmentation une fois obtenue. Il importe de détecter une forme active de façon à bloquer la poussée : il est en effet plus aisé et rapide d’inhiber cette phase processuelle que de repigmenter a posteriori les lésions. Le traitement nécessite dans tous les cas observance et patience : il dure en effet a minima de six mois, souvent jusqu’à deux ans. Ceci posé et compris par le patient, il permet d’espérer une repigmentation complète ou quasi complète dans 70 à 80 % des cas sur le visage, dans 50 % des cas sur le corps, dans 25 à 30 % des cas sur les saillies osseuses ; elle reste en revanche plus rarement obtenue sur les extrémités des mains et des pieds. Le risque de dysthyroïdie auto-immune justifie un suivi de la TSH et des anticorps anti-thyroïde.
Pour cela, le dermatologue associe souvent un traitement pharmacologique à une photothérapie :
- Les lésions localisées sont traitées par l’application séquentielle de dermocorticoïdes de classe forte (par exemple 5 jours sur 7, de préférence le soir, sur une période n’excédant pas 2 à 3 mois d’affilée) ou, hors AMM, de tacrolimus, un inhibiteur de la calcineurine prescrit au dosage le plus fort (Protopic, Takrozem pommade 0,1 %) et appliqué deux fois par jour. Une contre-indication ou une résistance à ce traitement justifie le recours à une photothérapie localisée (lampe ou laser excimer à forte puissance et courte longueur d’onde (308 nm).
Si le visage et le cou sont des localisations où une repigmentation complète ou presque complète est fréquente, des résultats pleinement satisfaisants sont moins aisément obtenus pour d’autres localisations (particulièrement les saillies osseuses, les mains et les pieds) où il sera nécessaire d’associer les thérapeutiques : ainsi une photothérapie sera associée d’emblée aux dermocorticoïdes ou au tacrolimus sur ces zones.
- Les lésions étendues relèvent avant tout d’une photothérapie par UVB à spectre étroit, préférés à la PUVAthérapie car ils induisent une repigmentation plus rapide et homogène et entraînent moins d’effets secondaires. Le patient s’y expose en cabine ou à domicile (UVB 311 nm 2 à 3 fois par semaine durant au moins six mois). Face à un vitiligo couvrant quasiment tout le corps, une solution peut être de provoquer la dépigmentation des zones de peau normales par traitement laser.
- Une maladie très active peut justifier une corticothérapie systémique dite « week-end thérapie », à raison de « minipulses » de glucocorticoïde (cortisone) deux jours par semaine pendant 12 à 24 semaines.
- Des études montrent que l’arrêt du traitement est régulièrement suivi par une récidive, observée dans la moitié des cas dans l’année qui suit, avec une localisation identique. Ce risque justifie l’intérêt porté aux traitements d’entretien, qui reposent notamment sur l’application de tacrolimus topique deux fois par jour, deux fois par semaine. Cette stratégie a rapporté la preuve de son efficacité et est notamment proposée en cas de lésions sur le visage.
Greffe mélanocytaire
La greffe de mélanocytes autologues permet de traiter des lésions stables depuis au moins un an mais aussi un vitiligo segmentaire. Pour cela, une petite zone de peau non dépigmentée est prélevée (anesthésie locale) et les cellules la constituant (dont les mélanocytes et les kératinocytes) sont mises en suspension. Les lésions à traiter sont dermabrasées puis la suspension y est appliquée. La reprise de la pigmentation est progressive, optimale après 3 à 6 mois. Un traitement topique ou par photothérapie peut être utilisé pour améliorer encore le résultat.
Cosmétiques
La micro- ou dermopigmentation est proposée sur les lèvres ou les aréoles mammaires des patients de phototype foncé avec un résultat esthétique satisfaisant. Elle ne doit jamais être réalisée sur d’autres parties du corps qui varient en coloration pendant l’année.
Le maquillage améliore la qualité de vie des patients : il est proposé sur les zones résistantes mais aussi dans l’attente d’une repigmentation médicale. Les autobronzants sont utiles, notamment pour les patients ayant des phototypes clairs.
Voies d’avenir
Inhibiteurs de Janus kinases (JAK). Cette approche pharmacologique a récemment ouvert des pistes nouvelles dans la prise en charge du vitiligo. Le ruxolitinib sous forme topique a été agréé en Europe (Opzelura) en avril dernier mais n’est pas encore disponible en France. Cet inhibiteur de JAK1 et de JAK2 a rapporté la preuve de son efficacité dans deux études de phase III : après un an de traitement du visage, une amélioration des lésions de plus de 75 % a été rapportée dans plus de la moitié des cas et ce bénéfice a même dépassé 90 % chez 30 % des patients ; au niveau du corps, l’amélioration a été de 50 % chez plus de la moitié des patients. Il s’applique sur les zones dépigmentées deux fois par jour, sur une surface maximale de 10 % du corps en même temps, sur des lésions de vitiligo non segmentaire.
Des inhibiteurs de JAK actifs par voie orale sont en développement : le ritlecitinib (inhibiteur de JAK3/TEC), l’upadacitinib (Rinvoq, un inhibiteur de JAK1) et le baricitinib (Olumiant, un inhibiteur de JAK1 et 2), un médicament associé à une photothérapie.
Action anti-oxydante. Compte tenu de l’importance du stress oxydatif cellulaire dans l’évolution d’un vitiligo, un traitement antioxydant local ou oral semble avoir une certaine pertinence dans cette indication. L’apport de superoxyde-dismutase (SOD) associée aux UVB à spectre étroit améliorant significativement la repigmentation, ce traitement semble pouvoir être conseillée sans se substituer à celui décrit plus haut. Il repose sur l’administration d’un complément alimentaire (GliSODin-VSOD) associant un extrait de melon riche en SOD gastroprotégée et une protéine du blé (gliadine) protégeant la SOD. La dose recommandée est de 4 gélules/jour pendant les 3 premiers mois puis de 2 gélules/jour les 3 mois suivants.
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