L’ÉLECTROCHOC est venu il y a près de trois ans. Publié le 4 mai 2007, un décret libéralise le recours aux défibrillateurs externes dans les situations d’urgence. C’est une révolution dans la prise en charge de l’arrêt cardiaque. Autrefois, ces appareils étaient l’apanage des équipes de secouristes. Désormais, ils peuvent être utilisés par tout un chacun, dans une version simplifiée. La France tente de rattraper son retard en la matière. Aux États-Unis, cela fait bientôt trente ans que les défibrillateurs sont disponibles et utilisables par tous. Ce qui explique pourquoi, dans les pays anglo-saxons, le taux de survie après un arrêt cardiaque varie de 10 à 30 %, alors qu’il ne dépasse pas 3 % dans l’Hexagone, qui déplore 50 000 décès par an…
L’équipement en défibrillateurs externes est mis en place progressivement, à commencer par les enceintes sportives, comme les gymnases, les stades ou les piscines. Dans le privé, aussi, on suit le mouvement. Des enseignes de la grande distribution communiquent sur la mise à disposition de ces appareils dans leurs magasins. Et de plus en plus d’entreprises s’équipent au profit de leurs salariés. Il y aurait actuellement entre 30 000 et 40 000 défibrillateurs en service sur le territoire français. Dont 1 500 à 2 000 installés ou en cours d’installation dans les officines, estime Jean Occulti, pharmacien et formateur aux premiers secours depuis une trentaine d’années. Cela représente 6 à 9 % des pharmacies. Les cabinets médicaux sont moins bien équipés, alors qu’ils sont autorisés à le faire depuis 1998. « Le taux d’équipement des pharmacies est encore faible, mais encourageant », souligne Jean Occulti. En 2008, une enquête menée en Champagne-Ardenne montrait que seulement 2 officines sur 440 disposaient d’un défibrillateur. Globalement, les pharmacies ont le matériel minimum pour prendre en charge les situations d’urgence les plus fréquentes, comme les hémorragies ou les hypoglycémies. Cependant, une majorité de titulaires confiaient leur crainte d’engager leur responsabilité civile dans la réalisation des gestes de premier secours. C’est là un obstacle majeur, qui explique en partie leur sous-équipement. Le coût de l’appareil, de 1 500 à 2 000 euros HT, n’est pas seul en cause. D’ailleurs, il peut être fortement réduit par l’implication de groupements de pharmaciens (PHR, PharmaVie, Giphar, Alrhéas, etc.), qui ont un rôle moteur dans l’équipement de leurs adhérents.
Responsabilités.
La prise en charge de cette urgence vitale peut effrayer. Mais, comme tout citoyen, le pharmacien doit assistance à personne en danger. Le Code pénal (art 223.6) sanctionne le refus volontaire de porter secours ou assistance à une victime. Il faut tenter de maintenir la personne en état de survie jusqu’à l’arrivée des secours. De plus, selon le Code de la santé publique (art R.4235-7), le pharmacien doit, « quelle que soit sa fonction et dans la limite de ses connaissances et de ses moyens, porter secours à toute personne en danger immédiat, hors le cas de force majeure ». Ces dispositions imposent une obligation de moyens, pas de résultats. On ne pourra vous reprocher que de n’avoir rien fait. « Appeler les secours, cela ne suffit pas, stipule Jean Occulti. Si vous n’avez pas de défibrillateur, vous devez savoir effectuer une ventilation cardio pulmonaire en attendant les secours. » L’idéal étant, bien sûr, de disposer de cet appareil au sein de son officine. De plus en plus, le public s’attend à l’y trouver. « Entre 100 et 200 arrêts cardiaques impliquent chaque année des pharmacies, directement ou par sollicitation de commerçants voisins », constate Jean Occulti. Pour s’équiper, certaines officines s’adressent à la mairie, qui peut participer aux frais.
Avant de faire l’achat, il faut vérifier qu’un schéma d’implantation ne concerne pas les abords de la pharmacie et éviter le doublon. Le défibrillateur peut alors être placé sur la devanture, dans un boîtier protecteur sécurisé, en accès 24 heures sur 24. Ce qui impose le suivi rigoureux du dispositif. Il y a aussi possibilité pour le pharmacien de louer ce matériel.
Une quinzaine de marques.
Dans l’enceinte de l’officine, les appareils réalisent un auto contrôle sur le fonctionnement du logiciel ou des batteries, de manière quotidienne. En cas de défaillance, il faut qu’une maintenance soit prévue. Pour Jean Occulti, c’est le critère le plus important à considérer au moment de choisir son appareil. La plupart des sociétés disposent d’une hotline à contacter si besoin. Ce service est un argument avancé par les fournisseurs, qui sont une quinzaine à se disputer âprement ce marché émergent. Tous ont obtenu le marquage CE, qui autorise la commercialisation des appareils au sein de la Communauté européenne (voir l’entretien avec Nicolas Thévenet, de l’AFSSAPS). Les marques se nomment Schiller Medical, Philips Laerdal, Zoll Medical, Cardiaid, Medtronic Physio Control, Cardiac Science, Defibtech, Welch Allyn, Boston Scientific, Samaritan, Saint Jude Medical… On trouve des fabricants ou des distributeurs d’une ou de plusieurs marques. Le défibrillateur externe peut être une déclinaison simplifiée du matériel de réanimation professionnel. Il a été conçu pour être utilisable le plus facilement possible, par le plus grand nombre. Néanmoins, il est préférable d’être un peu familiarisé avec ce type d’appareil avant d’avoir à l’utiliser un jour, en urgence. Voici quelques points caractéristiques des produits présentés sur le marché.
-DEA/DSA : il y a deux types d’appareils : le défibrillateur entièrement automatique (DEA) ou semi-automatique (DSA). Dans le premier cas, après analyse, l’appareil décide de lui-même de délivrer le choc, intimant l’ordre de ne plus toucher la victime. Quant au DSA, il comporte un bouton supplémentaire que le sauveteur doit actionner pour provoquer le choc, sur proposition de l’appareil. Il est préférable que l’utilisateur soit initié à son fonctionnement. Le temps d’analyse avant délivrance du choc est de moins de 20 secondes pour les DSA (dépend de la décision du sauveteur) et de 30 secondes environ pour les DEA. Les deux types d’appareil sont tout aussi efficaces et reconnus. Certaines marques proposent un combiné DSA/DEA. Schiller propose également des défibrillateurs portatifs, à usage personnel. Ils concernent des patients en attente de défibrillateurs internes.
-Respect des normes. Les fabricants se réclament de standards internationaux (ILCOR 2005, EN 60601-2-4, etc.), d’institutions françaises (Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire, CFRC), européennes (European Resuscitation Council, ERC) ou américaines (Food and Drug Administration, FDA ou American Heart Association, AHA). Ce sont des gages de qualité supplémentaires.
-Choc délivré. Tous les 5 ans, le Conseil européen pour la réanimation émet des instructions. Celles de 2000 recommandaient un protocole avec 3 chocs groupés alors qu’en 2005, on parlait d’un choc suivi de deux minutes de réanimation cardio-pulmonaire. Les référentiels doivent être revus cette année, en fonction des résultats des enquêtes et des études internationales. La puissance du choc varie de 150 à 350 joules. Elle se manifeste par une onde monophasique (en désuétude) ou biphasique. Dans ce dernier cas, elle peut être, selon les fabricants, rectiligne (par ex Zoll) ou tronquée (par ex Philips ou Cardiac Science). L’énergie délivrée est calculée en fonction de l’impédance du patient ou capacité du courant à traverser le corps humain. Les recommandations sont de délivrer une puissance minimale de 200 joules pour le premier choc, puis les suivants doivent être au moins égaux en puissance au choc initial.
- Electrodes. Elles sont placées sur la poitrine du patient, après l’avoir dénudée (ce qui peut gêner certains sauveteurs) et éventuellement rasée. Des fabricants proposent des électrodes à usage pédiatrique, même si les enfants sont moins concernés par la fibrillation ventriculaire (cas de traumatismes ou de cardiopathies congénitales). Ceux qui ne proposent pas d’électrodes pour enfants ont adapté la délivrance du choc à l’impédance. En général, l’appareil ne module pas sa puissance en dessous de 20 kg. Il est rappelé qu’on ne pratique pas de défibrillation en dessous de l’âge d’un an.
- Messages délivrés. Ils sont sonores et/ou visuels. Dans l’urgence, on écoute plus qu’on ne regarde. Mais dans un environnement bruyant, comme une enceinte sportive, les instructions vocales sont difficilement audibles. Une harmonisation des messages délivrés, parfois mal traduits, est en cours.
- Autocontrôle de l’électronique interne et de la capacité des batteries. Pour la plupart des fabricants, il est effectué de manière quotidienne.
- Batteries. Ce sont des piles non rechargeables et actives pendant plusieurs années en mode veille.
- Transmission des données enregistrées. Tous les appareils enregistrent les actes pratiqués, pour les besoins d’expertises ultérieures. La transmission de ces informations peut s’effectuer à l’aide de cartes mémoires, de ports infrarouges ou via Bluetooth.
- Kit complet. Il n’est pas négligeable de se procurer un appareil avec un rasoir manuel, des ciseaux, un masque de réanimation, des gants en vinyle. Ces éléments permettent de procéder dans les plus brefs délais à l’acte de secourisme.
- Maintenance. Le détenteur de l’appareil est responsable de son bon fonctionnement. Un relevé quotidien permet de le constater, par simple vérification de voyants. On doit s’assurer du dépannage rapide de l’appareil lorsque survient une défaillance. Toutes les sociétés proposent une hotline à contacter. À noter, la maintenance offerte par Cardiaid. Elle intervient de façon systématique 2 ans, puis 4 ans, après la mise en service. Le changement des batteries et des électrodes est effectué, avec fourniture d’un matériel de prêt. Des précautions qui se justifient en particulier lorsque l’appareil est placé dehors, exposé aux conditions climatiques et sans surveillance particulière.
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Françoise Amouroux
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