LORSQU’ILS décrivirent à Philadelphie en 1960 un chromosome singulier, caractérisant la leucémie myéloïde chronique (LMC), Peter C. Nowell (1928-) et David A. Hungerford (1927-1993) n’imaginaient pas que leur travail sur ce chromosome… « Philadelphie » ouvrirait, trente ans plus tard, la porte au développement d’une famille de médicaments dont l’importance croit sans cesse depuis : celle des inhibiteurs des tyrosine-kinases (ITK).
Bien que rapide, l’histoire des ITK fut balisée d’étapes dont chacune constitua un apport fondamental à la cancérologie. Première de celles-ci : en 1973, la généticienne américaine Janet D. Rowley (1925-2013) réalisa une découverte essentielle dans la connaissance de cette aberration chromosomique lorsqu’elle montra que la portion finale manquante du fameux chromosome, le 22, était transloquée sur le chromosome 9 chez le patient souffrant d’une LMC. Deuxième étape : aux Pays-Bas, le généticien Gerard Grosveld montra en 1984 que le gène bcr du chromosome 22, déplacé sur le gène 9, y fusionnait avec le gène abl pour former ainsi un gène nouveau (bcr-abl) qui s’exprimait en produisant une protéine hybride associée à la leucémie. Troisième étape : Les travaux de David Baltimore (Prix Nobel de médecine 1975) et de George Q. Daley au Whitehead Institut (Cambridge, Massachusetts), qui parvint à intégrer ce gène dans les cellules de la moelle de souris, puis ceux du généticien américain Owen N. Witte sur la LMC, aboutirent en 1990 à une excellente connaissance du mécanisme moléculaire de la maladie : l’oncoprotéine BCR-ABL produite par le gène de fusion était une enzyme capable de fixer un phosphate sur d’autres protéines pour les activer, une tyrosine-kinase (redevenue en quelque sorte « sauvage ») dont l’activité n’était plus régulée et qui, en activant une multiplication cellulaire anarchique, induisait la formation du clone myéloprolifératif à l’origine de la leucémie.
Une petite molécule.
Le laboratoire Ciba-Geigy s’intéressa au problème au début des années 1990. Un screening systématique des molécules pouvant potentiellement bloquer l’enzyme fut réalisé par Nicholas B. Lydon, un biochimiste anglais travaillant alors en Suisse. C’est une molécule de masse très réduite - une 2-phénylaminopyrimidine - présentant une faible activité inhibitrice constitua le point de départ de la synthèse de dérivés potentiellement efficaces.
En 1994, le cancérologue américain Brian J. Druker contacta Lydon et lui proposa de tester les molécules candidates sur des lignées de cellules leucémiques humaines. Parmi elles, le STI-571, obtenu deux ans plus tôt, fit montre d’une activité sélective et puissante. Les essais cliniques sur ce produit, l’imatinib, débutés en 1998, devaient se révéler concluants dès l’année suivante (les 31 patients atteints de LMC inclus furent mis en rémission, au moins temporaire) et mirent un terme au scepticisme d’un certain nombre de cancérologues.
Rapidement commercialisé, l’imatinib constitua ainsi le premier anticancéreux ciblant le mécanisme moléculaire à l’origine de la maladie. De nombreux autres inhibiteurs des tyrosine-kinases (ITK) sont disponibles depuis : ils sont indiqués en cancérologie mais également dans le traitement de diverses maladies auto-immunes ou orphelines.
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