Les causes de la stéatose hépatique non alcoolique (ou NAFLD pour Non-Alcoholic Fatty Liver Disease) sont multiples et les mécanismes demeurent mal connus. Des chercheurs chinois apportent un nouvel éclairage dans étude parue dans « Cell Metabolism » (1) : ils ont identifié chez l’homme des souches de bactéries Klebsiella pneumoniae qui produisent des quantités élevées d’alcool à partir d’une alimentation riche en sucres. Ces bactéries pourraient être l’une des causes de la NAFLD via cette production endogène d’alcool.
La NAFLD correspond à une accumulation anormale de graisses dans le foie non liée à la consommation d’alcool, mais à l’alimentation et au surpoids. Elle peut évoluer en une forme plus sévère, la stéatohépatite non alcoolique ou NASH (pour Non-Alcoholic Steatohepatitis).
« Des études précédentes avaient déjà mis en évidence des corrélations entre production endogène d’alcool et NAFLD, mais cette nouvelle étude va plus loin en montrant un lien causal, indique au « Quotidien » le Pr Gabriel Perlemuter (2), chef du service d’hépato-gastroentérologie et de nutrition à l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP). Cette étude confirme ainsi le rôle du microbiote intestinal dans l’atteinte hépatique liée au surpoids et le fait qu’un des mécanismes passe par la production endogène d’éthanol par la fermentation du sucre, éthanol qui va exercer ses effets toxiques au niveau du foie ».
Syndrome d'auto-brasserie
Les chercheurs avaient auparavant étudié le cas d’un patient présentant une NASH sévère associée au syndrome d’auto-brasserie (aussi appelé de fermentation intestinale). Ce syndrome rare est caractérisé par une alcoolémie élevée après une alimentation riche en sucres, sans consommation d’alcool. En cause, non pas une levure comme on le pensait initialement mais des souches de bactéries Klebsiella pneumoniae qui produisent des quantités élevées d’alcool en réponse à une alimentation sucrée. Des modifications dans son alimentation et un traitement antibiotique ont permis d’améliorer l’état de santé de ce patient.
La présence de ces bactéries a ensuite été analysée dans une cohorte incluant 43 patients NAFLD (dont 32 NASH) et 48 patients sains « contrôle ». Selon l’analyse de leurs selles, les bactéries Klebsiella pneumoniae ont été retrouvées chez 61 % des patients NAFLD contre 6,25 % des patients sains.
NAFLD induite par greffe fécale
Pour mieux comprendre le lien entre ces bactéries et la NAFLD, des expériences ont été menées sur des souris dépourvues de microbiote, dites axéniques. Dans un premier temps, elles ont été nourries avec des souches de bactéries Klebsiella pneumoniae isolées à partir des selles du patient souffrant du syndrome d’auto-brasserie. Les souris ont rapidement montré des signes de NAFLD. Elles ont ensuite pu guérir après avoir été traitées par un antibiotique ciblant les bactéries responsables.
Dans un second temps, des greffes de microbiote fécal d’un patient NASH présentant les bactéries Klebsiella pneumoniae ont été réalisées, toujours chez des souris axéniques. Celles-ci ont développé une NAFLD. En revanche, lorsque les bactéries ont été éliminées du microbiote fécal avant la transplantation, la maladie hépatique ne s’est pas déclarée.
« Ces observations mettent en évidence le rôle causal des bactéries. Il pourrait donc être intéressant de les rechercher, parmi d’autres causes et d’autres mécanismes », souligne le Pr Perlemuter, précisant que « les chercheurs se sont intéressés exclusivement aux souches de Klebsiella pneumoniae, mais il est fort probable que d’autres bactéries jouent un rôle dans la NAFLD. Il s’agit de tout un écosystème bactérien ».
Pistes thérapeutiques
Ces résultats ouvrent la porte à des perspectives thérapeutiques pour les personnes présentant une NAFLD et des bactéries productrices d’éthanol. « La prise en charge peut passer par la diminution de l’apport en hydrates de carbone à l’origine de la production endogène d’éthanol ou par le fait de cibler et/ou contrôler la croissance de la bactérie responsable via des antibiotiques ou des prébiotiques par exemple, explique l’hépato-gastroentérologue. On peut aussi imaginer contrecarrer les effets de ces bactéries productrices d’éthanol avec des bactéries détoxifiantes ».
Quant à la greffe fécale de microbiote chez l’homme, le Pr Perlemuter reste prudent : « il semble peu probable qu’une seule greffe permette d’éliminer une souche bactérienne dans le cadre d’une maladie chronique, et nous ne connaissons pas les conséquences de greffes multiples provenant de différents donneurs ».
(1) J. Yuan et al., Cell Metab, doi: 10.1016/j.cmet.2019.08.018, 2019/
(2) Le Pr Gabriel Perlemuter est aussi l’auteur du livre « Les pouvoirs cachés du foie », co-édition Flammarion/Versilio, 272 p., 2018.
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