Le cisplatine a une histoire ancienne puisqu’il fut initialement synthétisé par Michele Peyrone (1813-1883) en 1844 : ce chimiste italien lui laissa son nom de « chlorure de Peyrone » ou de « sel de Peyrone ». Sa structure, complexe, fut élucidée un demi-siècle plus tard par le chimiste suisse Alfred Werner (1866-1919, Prix Nobel 1913) puis il se perdit dans les limbes de la chimie des décennies durant…
C’est ensuite dans les années 1960 qu’une expérience conduite dans le laboratoire du biophysicien américain Barnett Rosenberg (1926-2009), à l’université du Michigan, révéla l’extraordinaire intérêt thérapeutique de ce composé. Comme souvent, cette découverte dut tout au hasard - à ce que les Anglo-Saxons appellent la serendipity -. Rosenberg n’était effectivement en rien pharmacologue et s’intéressait encore moins au traitement des cancers. Et donc il n’avait nullement pressenti le devenir de son travail lorsqu’il eut l’idée en 1964 de tester l’influence des champs électromagnétiques sur la cinétique de croissance de colonies d’Escherichia coli mises en suspension dans un liquide nutritif tamponné. C’était une simple question de curiosité : comment les chromosomes, hautement polaires, allaient-ils réagir ? Bien sûr, il fut le premier surpris de produire ainsi des bactéries étrangement filamenteuses, mesurant environ… 300 fois leur longueur ordinaire. Rosenberg se renseigna et apprit que ces bactéries devenaient filamenteuses lorsqu’elles étaient exposées à certaines substances antitumorales. Effectivement, cet effet ne devait rien aux champs électromagnétiques mais bien à un composé qui se formait lors de la réaction électrochimique entre les deux électrodes de platine supposées inertes et le chlorure d’ammonium contenu dans le milieu de culture. Ce composé se révéla n’être autre qu’un complexe du platine, plus précisément le cis-dichlorodiammine-platine II connu comme cisplatine : le sel de Peyrone, qui n’avait jamais été testé en microbiologie et encore moins en cancérologie (les dérivés du platine passaient jusqu’alors comme trop toxiques pour mériter l’intérêt des pharmacologues !).
Testé sur des sarcomes de la souris
Rosenberg et ses associés, Loretta Van Camp et Tom Krigas, publièrent leur découverte dans Nature en 1965. Des tests montrèrent qu’il empêchait la division de la cellule sans altérer les phénomènes associés à la croissance de la bactérie, qui s’allongeait démesurément. Cette observation suggéra à l’équipe de Rosenberg, associée à celle de Virginia H. Mansour, de tester l’action du cisplatine sur des sarcomes de la souris en 1968 : ce complexe se révéla bien d’une particulière efficacité. Des essais rapidement conduits chez l’homme donnèrent également des résultats étonnants, au prix toutefois d’effets indésirables importants (nausées et vomissements, néphrotoxicité) qu’il fallut apprendre à gérer grâce à des thérapies adjuvantes. L'efficacité du cisplatine dans le traitement du cancer testiculaire puis dans celui de l’ovaire fut démontrée dès 1973 par les oncologues H.J. Wallace, Eve Wiltshaw et B. Carr - Daniel M. Hayes ayant alors prouvé qu’une hydratation suffisante permettait de réduire considérablement la toxicité rénale du nouvel antitumoral qui débuta dès lors la carrière que l’on sait -.
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