Dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), l’objectif thérapeutique n’est plus seulement la rémission symptomatique mais aussi la cicatrisation complète et durable des lésions intestinales « pour diminuer la fréquence des complications intestinales mécaniques ou cancéreuses », indique le Pr Laurent Beaugerie, gastro-entérologue à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. S’il y a moins d’interventions chirurgicales, les patients développent davantage de cancers digestifs, ce qui justifie un traitement maximal par immunosuppresseurs.
Les thiopurines, immunomodulateurs conventionnels (azathioprine, 6-mercaptopurine), sont efficaces dans la maladie de Crohn et dans la rectocolite hémorragique (RCH). Ils exposent aux risques d’infections virales et de lymphome associé à EBV après 65 ans, en particulier chez l’homme. Les anti-TNFα, avec un recul de 18 ans pour l’infliximab (aujourd’hui biosimilarisé), s’avèrent rapidement efficaces dans les 2 maladies. Le risque d’infections impose néanmoins la recherche d’une tuberculose latente avant traitement et justifie des vaccinations spécifiques (pneumocoque, grippe) ; l’auto-immunisation constitue un effet limitant important à long terme (perte d’efficacité thérapeutique).
En 2017, une étude française sur une cohorte de 189 289 patients atteints de MICI a montré que les anti-TNFα en monothérapie ou en combinaison avec les thiopurines sont associés à un risque accru de lymphomes (1). La monothérapie anti-TNFα (ou thiopurines) est associée à un risque de lymphome multiplié par 2 ou 3 ; la combothérapie (anti-TNFα + thiopurine), à un risque de lymphome multiplié par 6 !
Autorisé dans le Crohn et la RCH en 2e ligne après échec des anti-TNFα, le védolizumab, anti-intégrine-α4β7, a été déremboursé dans le Crohn puis à nouveau remboursé. L’ustékinumab (anti-IL12/IL23) a été récemment autorisé dans la maladie de Crohn. « Malgré le recul de l’utilisation dans le psoriasis systémique sans signaux majeurs de cancers, la prudence s’impose encore quant aux données de sécurité »,
insiste le spécialiste.
Des petites molécules apparaissent
Le tofacitinib inhibe les Janus kinases qui transmettent en intracellulaire le signal de cytokines et déclenchent la transcription de protéines pro-inflammatoires. Autorisé en 2017 dans la polyarthrite rhumatoïde, il a fait preuve d’efficacité dans la RCH. « Nous attendons un prix pour l’utiliser chez les malades sévères et parfois leur éviter l’ablation du côlon ou du rectum », regrette le Pr Beaugerie.
La stratégie thérapeutique actuelle est d’arriver sous immunosuppresseurs à la rémission complète puis de la maintenir par traitement immunosuppresseur au long cours pour éviter la rechute. Efficacité des traitements et rechutes sont surveillées par IRM, endoscopie et calprotectine fécale.
Transplantation fécale
À Saint-Antoine, une nouvelle approche cherche à maintenir la rémission par une transplantation fécale, sans recourir forcément aux immunosuppresseurs. « Dans la maladie de Crohn, explique le Pr Sokol, nous avons présenté au congrès 2018 de l’United European Gastroenterology les résultats d’un essai randomisé pilote de transplantation fécale vs placebo chez des patients mis en rémission par la cortisone. La posologie de la corticothérapie était progressivement diminuée et les patients suivis sur 6 mois. Cette étude avec un échantillon limité suggère la supériorité de la transplantation fécale en termes de maintien de la rémission clinique et de la cicatrisation muqueuse, particulièrement lorsque le microbiote du donneur colonise efficacement le receveur. Nous espérons débuter une étude de plus grande ampleur dans les mois à venir. »
« Cette approche doit s’affiner, note le Pr Beaugerie. Maintenir l’eubiose pourrait nécessiter de réinjecter le microbiote sous forme de flore artificielle ou d’arriver à identifier les bactéries anti-inflammatoires de la flore humaine pour administrer leurs produits de sécrétion ».
M. Lemaitre et al, JAMA 2017 ; 318(17):1679-86.
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