Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, en avait fait une promesse de campagne. Son pays sera, dans les mois qui viennent, le premier membre du G7 à légaliser l'usage du cannabis récréatif. Outre-Atlantique, les états américains sont de plus en plus nombreux à avoir franchi le pas : ainsi, la Californie s’est, elle, associée le 1er janvier dernier aux 7 autres états ayant déjà fait le choix d’une légalisation totale (22 autres en ayant légalisé la consommation à des fins médicales), et ce bien que la « marijuana » reste prohibée par les autorités fédérales.
En France, nous n'en sommes pas là, mais l'idée de la dépénalisation trouve de plus en plus de partisans. Ainsi en témoigne la récente parution de « Toxic »*, un plaidoyer appuyé pour la légalisation de l'usage du cannabis rédigé par cinq médecins, dont l'ancien ministre Bernard Kouchner et l'addictologue William Lowenstein. Selon eux, seule la légalisation permettrait d'encadrer la production, la vente et la consommation, comme pour le tabac et l'alcool. De même, à en croire les résultats d'un sondage IFOP pour Écho Citoyen et Terra Nova, les Français sont 50 % à se déclarer favorables à la dépénalisation versus 41 % en décembre 2017.
Quoi qu’il en soit, si la question de la dépénalisation relève du débat d'idées, il faut aussi l'appréhender sur un plan purement toxicologique. Car le cannabis, sous forme d’« herbe » comme de « shit », reste une drogue lorsque son usage n’est pas encadré par une prescription médicale. Sa consommation affecte de nombreuses fonctions physiologiques essentielles.
Ainsi, le cannabis agit de façon dose-dépendante sur le cœur. Il déclenche des épisodes d’arythmie, de vasodilatation, d’hypertension et, globalement, induit une augmentation du travail cardiaque. Toutefois, un phénomène de tolérance semble limiter l’incidence de ces effets avec le temps.
Lorsqu’il est fumé, le cannabis crée une inflammation durable de l’arbre respiratoire associée au développement d’une bronchite chronique.
Altération de la mémoire à court terme
En revanche, les liens entre consommation de cannabis et cancérogenèse restent discutés. Son rôle dans l’apparition d’un cancer bronchopulmonaire est peu clair au plan épidémiologique, mais son usage potentialise a minima le risque induit par le tabac régulièrement associé : le cannabis, en se consumant, libère des substances toxiques volatiles analogues à celles contenues dans la fumée du tabac.
Sur la fonction immunitaire, le cannabis a un effet ambigu. Certains cannabinoïdes sont favorables à l’immunité (cannabidiol notamment) alors que d’autres ne le sont pas. La plupart des auteurs conviennent que le cannabis a globalement des effets délétères sur l’immunité.
À court terme, cette drogue peut améliorer la durée globale du sommeil mais au détriment probable de son architecture.
Les effets cognitifs varient selon les modalités et la durée de consommation de la plante. Très rapidement, le cannabis altère la mémoire à court terme, la mémoire acquisitive, la mémoire de travail et la mémoire procédurale. Il réduit l’attention, inhibe les perceptions sensorielles et les fonctions exécutives, autant de signes associés à des perturbations dans l’établissement des connexions neuronales. Il induit, à plus long terme, peu de perturbations neuropsychologiques lorsque la consommation a commencé tardivement. En revanche, des débuts de consommation précoces, avant l’âge de 15 ans, s’associent à des déficits récurrents ultérieurs, affectant l’attention visuelle, la fluence verbale, l’impulsivité et les fonctions exécutives. Autant d'effets susceptibles de réduire le QI. Et même l’arrêt ultérieur de la consommation ne s’accompagnera pas d’une restauration des déficits cognitifs. Les adolescents dépendants avant l’âge de 18 ans ont plus de difficultés à cesser ou réduire leur consommation par la suite que des sujets devenus dépendants plus tardivement. La neuro-imagerie confirme l’existence d’altérations structurelles et fonctionnelles centrales chez les usagers chroniques.
Dépendance et troubles mentaux aigus ou chroniques
Enfin, sur le plan psychique, il est connu depuis les années 1980 qu’un usage prolongé du cannabis induit une dépendance et s’associe à des troubles mentaux aigus ou chroniques dont une exacerbation des réactions anxieuses, des troubles de l’humeur, des bouffées délirantes et des réactions d’allure psychotique. Un usage chronique et précoce serait lié à une plus grande vulnérabilité à la schizophrénie des sujets présentant une prédisposition génétique. La relation entre ces troubles et la consommation de cannabis reste cependant peu claire, car il est compliqué de prendre en compte la quantité et la composition exacte des produits utilisés. De même, les signes cliniques du manque chez un sujet devenu dépendant, ou encore l’usage associé d’autres types de psychotropes (drogues ou médicaments), peuvent rendre difficile l'établissement d'un lien entre l'usage de la drogue et ces maladies.
Une légalisation de l’usage récréatif, avancent ses partisans, constituerait un pas vers la régulation d’une production mieux contrôlée, ayant plus de chances d’échapper au trafic et permettant d’instaurer une politique de prévention digne de ce nom. Elle permettrait aussi de collecter des taxes sur un produit dont la cession échappe actuellement à l’État. Les données préoccupantes sur l’impact sanitaire de l’usage de cette plante - hors éventuel contexte médical -, légitiment cependant les interrogations de beaucoup : le tabac, autre drogue inhalable, bien que soumis à régulation législative, occasionne toujours des dizaines de milliers de victimes directes et indirectes malgré l’accumulation de publications médicales et épidémiologiques soulignant de façon accablante sa toxicité…
*« Toxic, le combat des 5 médecins de la drogue » (Odile Jacob, 271 p. 19,90 euros), par Bernard Kouchner, William Lowenstein, Jean-Pierre Daulouède, Bertrand Leibovici, et Patrick Aeberhard.
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