Ainsi que l’a rappelé Catherine Rioufol (pharmacien PU-PH, Hospices civils de Lyon, présidente de la Société française de pharmacie oncologique - SFPO), les anticancéreux par voie orale disponibles en ville sont de plus en plus nombreux et ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes, notamment en ce qui concerne leurs effets indésirables (sources de mauvaise observance) et le risque d'interactions médicamenteuses associé à leur utilisation. Et de souligner que l’officinal a toute sa place dans la prise en charge de ces patients, sous réserve de travailler dans un cadre multidisciplinaire, avec les autres professionnels de santé, tant hospitaliers que libéraux.
De ce point de vue, le retour d’expérience d’Oncoral, dont Catherine Rioufol est partie prenante, apparaît particulièrement révélateur des bénéfices apportés par une telle approche. Oncoral (dispositif d’accompagnement pour le suivi des chimiothérapies orales) est un parcours de soins personnalisé et coordonné en réseau ville-hôpital initié en 2014 qui débute, après la réunion de concertation pluridisciplinaire et la prescription, par une première consultation à l’hôpital assurée par un binôme pharmacien/infirmier. Le patient est ensuite suivi par les professionnels libéraux en étroite relation - médecin traitant, officinal, infirmier - (notion de pluridisciplinarité de proximité) via une messagerie sécurisée permettant de partager les informations du dossier ainsi que les documents remis au patient. Ce qui permet, notamment, une homogénéité du discours et des reformulations efficaces tout au long du traitement.
Cette démarche s’appuie sur des recommandations élaborées par les pharmaciens experts de la SFPO, notamment en ce qui concerne les entretiens pharmaceutiques à l’officine, ainsi que l’accès aux fiches Oncolien et aux monographies d’ONCO Thériaque.
Oncoral accompagne actuellement environ 250 patients par an. Il ressort de l’analyse de la base de données PACOME (PAtient Cancer Oral Medication), alimentée par Oncoral, que ce dernier entraîne une baisse significative des problèmes médicamenteux à 6 mois, incluant une diminution de la fréquence des effets indésirables de grades 3 et 4 et un niveau d’observance modérée/optimale supérieur à 90 %.
En route pour les entretiens pharmaceutiques
La publication au « Journal officiel » du 30 septembre 2020 de l’avenant 21 de la convention nationale de la pharmacie d’officine a ouvert la porte à la réalisation d’entretiens pharmaceutiques à l’officine concernant la chimiothérapie anticancéreuse orale. Audrey Thomas-Schoemann (service de pharmacie clinique-oncologie médicale, hôpital Cochin, Paris) en a détaillé les principales modalités.
Ce type d’accompagnement pharmaceutique s’adresse aux patients de plus de 18 ans traités soit au long cours (hormonothérapie-tamoxifène, anastrozole, exémestane-méthotrexate, hydroxycarbamide, bicalutamide), soit dans un autre cadre (inhibiteurs de tyrosine kinase, immunomodulateurs).
L’avenant 21 impose la réalisation de trois entretiens la première année (entretien initial, entretien thématique « vie quotidienne et effets indésirables », entretien thématique « observance ») et deux par an chacune des années suivantes (mêmes types d’entretiens thématiques que lors de la première année).
Attention aux médicaments modifiant le pH
Celui-ci prévoit également une rémunération à hauteur de 60 (traitements au long cours) ou 80 euros (« autres traitements ») pour la première année et de 20 ou 30 euros par entretien à partir de la deuxième, selon la même dichotomie, ainsi qu’une fiche de suivi.
Le pharmacien doit s’attacher à réunir le plus d’informations possible avant le premier rendez-vous (chimiothérapie orale, médicaments déjà connus par ailleurs, motif d’hospitalisation, caractéristiques physiopathologiques du patient, origine du patient — domicile, EHPAD… - score MMS…), sans oublier l’automédication ainsi que les traitements complémentaires, typiquement de nature phytothérapeutique, susceptibles d’être à l’origine d’interactions médicamenteuses délétères.
En matière d’automédication, attention en particulier aux médicaments modifiant le pH gastrique qui sont susceptibles d’influencer parfois considérablement la biodisponibilité des inhibiteurs de tyrosine kinase, au millepertuis, au curcuma…
La prévention et la gestion des effets indésirables constituent bien sûr des points très importants. Tout comme la transmission d’informations au médecin traitant, à l’oncologue, ainsi qu’éventuellement au pharmacien hospitalier.
D'après les 72es JPIP.
Les sources documentaires clés :
SFPO : www.sfpo.com
Interactions médicamenteuses : thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM (https://ansm.sante.fr), thériaque (www.theriaque.org).
Interactions impliquant la phytothérapie : www.mskcc.org Soins de support : AFSOS (www.afsos.org).
Du 23 au 31 décembre
Menace d’une nouvelle fermeture des laboratoires d’analyses médicales
Addictions
La consommation de drogues et d’alcool en baisse chez les jeunes
Crise sanitaire : le malaise des préparateurs
3 questions à…
Christelle Degrelle