L’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) viennent de publier un bilan des données de consommation d’antibiotiques et du niveau de l’antibiorésistance en France entre 2004 et 2014. Malgré une légère baisse de la consommation d’antibiotiques en 2014, la France reste à un niveau de 30 % supérieur à la consommation moyenne européenne. C’est trois fois plus qu’aux Pays-Bas, en Norvège ou en Suède.
La France championne européenne
En ville, la consommation nationale d’antibiotiques est très au-dessus de la moyenne européenne et classe la France au deuxième rang des pays les plus forts consommateurs, juste derrière la Grèce. À l’hôpital, « la situation est plus difficile à analyser en raison de différences dans les champs couverts par les statistiques hospitalières d’un pays à l’autre », note le rapport. On estime néanmoins que notre pays se situerait au cinquième rang européen des pays les plus consommateurs.
Lorsqu’il s’intéresse à la nature des molécules utilisées, le rapport de l’ANSM et de l’InVS s’inquiète que, en ville comme à l’hôpital, le recours à l’acide clavulanique + amoxicilline continue de progresser, alors qu’il est particulièrement générateur de résistances. De même, à l’hôpital, on observe un usage plus important des carbapénèmes, antibiotiques dits de dernier recours.
Des résistances endiguées
Cependant, globalement, étant donné la forte consommation d’antibiotiques dans l’Hexagone, on peut se féliciter que les résistances ne soient pas en pleine explosion. « La France n’a pas la résistance aux antibiotiques qu’elle mériterait, en regard de l’usage désordonné qu’elle fait de ces médicaments indispensables, irremplaçables, mais menacés », commentent Jean Carlet (président de l’Alliance mondiale contre la résistance aux antibiotiques) et Benoît Shlemmer (président du plan « antibiotiques » depuis 2001), dans un éditorial accompagnant le rapport. « De très bonnes mesures d’hygiènes dans les hôpitaux et la mise en place de mesures d’isolement drastiques lors de toute infection ou colonisation par des bactéries multirésistantes l’expliquent peut-être, bien qu’il ne faille pas en être rassuré pour l’avenir », analysent-ils.
Dans le détail, on observe que certaines résistances bactériennes tendent à s’atténuer, alors que d’autres sont en augmentation. Ainsi, en ville, on note depuis plus de dix ans une diminution quasi constante des résistances du pneumocoque à la pénicilline (passant de 39 % à 22 % entre 2004 et 2014) et aux macrolides (passant de 45 % à 23 % entre ces mêmes années). Malgré ces diminutions observées, la France se situe parmi les pays où la résistance à la pénicilline et aux macrolides reste élevée. De même, en milieu hospitalier, les résistances du staphylocoque doré à la méticilline sont en baisse : 17,4 % des staphylocoques y sont résistants en 2014, soit une baisse de 28,6 % par rapport à 2010. Cette évolution favorable est probablement à mettre en lien avec le renforcement des mesures d’hygiène en établissement de santé.
Entérobactéries : la résistance s’organise
En revanche, toujours en milieu hospitalier, la situation est plus inquiétante en ce qui concerne les entérobactéries : la résistance d’Escherichia coli aux céphalosporines, principalement par production de bêta lactamases à spectre étendu (BLSE), est en augmentation, passant de 10 % à 12 % entre 2011 et 2014. Rappelons que E. coli est responsable de la plus fréquente des infections bactériennes en milieu hospitalier comme en ville : l’infection urinaire. La résistance de Klebsiella pneumoniae par le même mécanisme de BLSE est, elle aussi, en augmentation exponentielle, passant de 24 % à 28 % entre 2011 et 2014. Quant aux entérobactéries productrices de carbapénèmases, leur nombre augmente graduellement mais elles ne représentent actuellement que moins de 1 % des souches, contre 62 % en Grèce et 33 % en Italie.
Par ailleurs, dans le domaine vétérinaire, même si la situation n’est pas mirobolante, on peut se féliciter d’un recul du recours aux antibiotiques de près de 13 % entre 2012 et 2013, ainsi que d’une baisse du taux de résistance des bactéries aux antibiotiques vétérinaires.
Lutte internationale
Dans ce contexte, la lutte contre l’antibiorésistance ne doit pas faiblir. Un plan d’alerte a fixé un objectif de réduction de 25 % de la consommation d’antibiotiques entre 2011 et 2016, mais les résultats tardent à venir : « on sera sans doute loin du compte en 2016 », déplore Jean Carlet. Pour aider à une meilleure coordination des actions, la France vient de créer un poste de délégué interministériel pour l’antibiorésistance. Huit ministères sont concernés : la Santé, l’Agriculture, l’Écologie, l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur, les Affaires étrangères, l’Économie et la Défense. Le délégué interministériel aura pour mission de réduire la consommation des antibiotiques en France, où encore 30 à 50 % des prescriptions sont inutiles, selon un rapport de Jean Carlet. Néanmoins, pour être efficace, la lutte contre l’antibiorésistance ne peut se concevoir que dans sa dimension internationale. Or le pari est loin d’être gagné. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, sur 133 pays, seulement 34 ont adopté un plan complet pour lutter contre la résistance aux antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens.
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