L’ACCUMULATION du peptide amyloïde bêta (ou Abeta), un fragment protéolytique de la protéine précurseur de l’amyloïde (APP) trouvée dans la membrane des neurones, est une caractéristique de la maladie d’Alzheimer. Selon les données récentes, les oligomères d’Abeta42 seraient les formes pathogènes ; toutefois les mécanismes de leur neurotoxicité restent inconnus.
Un nouvel éclairage est maintenant apporté par Sung Yoon (The Ohio State University, Columbus) et coll. dans une étude publiée dans « Neuron ».
Les chercheurs révèlent que, dans des neurones hippocampiques in vitro, l’Abeta42 induit un blocage de la traduction de l’ARN en protéines, par le biais d’une activation de la kinase de l’AMP (AMPK) qui inhibe la voie mTOR (voie qui contrôle la synthèse de nouvelles protéines). Ce blocage de la traduction induit alors un stress du réticulum endoplasmique (RE).
Ce stress du RE entraîne, parmi d’autres effets, l’activation de l’enzyme kinase JNK3. JNK3 phosphoryle alors l’APP au codon T688, ce qui favorise son endocytose et la production d’Abeta.
L’activation de JNK3 jouerait ainsi un rôle essentiel pour maintenir une boucle de rétroaction positive qui favorise la production continue d’Abeta42.
Cette conclusion est étayée par plusieurs expériences. Lorsque les chercheurs traitent du tissu cérébral vivant de souris par un médicament bloquant la voie mTOR, ou un médicament induisant un stress du RE, une nette augmentation d’Abeta est observée, mais seulement lorsque l’enzyme JNK3 est présente.
Les chercheurs ont vérifié que l’activité de JNK3 est bien accrue dans le tissu cérébral (cortex frontal) des patients atteints d’Alzheimer comparés aux sujets normaux, et dans celui des souris FAD, un modèle de maladie d’Alzheimer d’apparition précoce, par rapport aux souris témoins.
Enfin, in vivo chez la souris FAD, la délétion du gène JNK3 entraîne une réduction de 90 % des taux d’Abeta42, qui persiste au fil du temps avec une baisse de 70 % observée un an après. De plus, la délétion de JNK3 entraîne une baisse du nombre des plaques amyloïdes, une augmentation du nombre des neurones (86 % de la valeur normale, au lieu de 74 % de la valeur normale chez la souris FAD) avec normalisation de leur production des protéines, et aboutit à une amélioration de la cognition (80 % de la normale au lieu de 40 % de la normale).
« Ces souris FAD sont des modèles pour la forme la plus agressive de la maladie d’Alzheimer et produisent la plus grande quantité d’Abeta. Cette réduction de 90 % des taux d’Abeta est la plus grande baisse rapportée jusqu’ici en traitant des modèles animaux par manipulations pharmacologiques ou génétiques », souligne le Dr Yoon.
Une maladie métabolique.
« Nos résultats suggèrent donc que l’activation de JNK3 joue un rôle central dans le développement de la pathologie de la maladie d’Alzheimer, en exacerbant le stress métabolique qui est provoqué par l’accumulation d’Abeta42. Cette étude identifie JNK3 comme une nouvelle cible prometteuse d’une intervention thérapeutique pour la maladie d’Alzheimer », concluent les chercheurs.
« Cela fait apparaître la maladie d’Alzheimer comme une maladie métabolique sous le contrôle étroit de JNK3. »
Parmi les prochains objectifs, Yoon envisage de voir si des petites molécules inhibitrices de JNK3 pourraient améliorer la fonction cognitive dans des modèles murins d’Alzheimer.
L’étude ouvre également la voie a d’autres approches. « Le fait que nous ayons découvert que la synthèse des protéines est considérablement affectée dans la maladie d’Alzheimer nous ouvre la perspective d’évaluer une variété de médicaments qui sont déjà développés pour d’autres maladies progressives chroniques partageant ce point commun d’une perturbation de la production des protéines », fait entrevoir Yoon dans un communiqué.
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