Quand on pense à la nocivité environnementale du tabac, on visualise surtout la fumée de cigarettes et les mégots disséminés aux quatre coins de la planète. On oublie souvent que le tabac est une plante dont la culture a de lourdes conséquences sur le plan environnemental. Il n’est plus possible de l’ignorer et, d’ailleurs, « la Convention cadre de l’OMS pour la lutte antitabac évoque ces problèmes environnementaux », insiste la Dr Isabelle Jacot-Sadowski, responsable de l’unité tabac au centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne en Suisse.
Captation des surfaces agricoles
La culture du tabac capte une surface agricole importante, de l’ordre de 4,3 millions d’hectares, soit la taille de la Suisse. Hormis une toute petite part destinée à la fabrication des substituts nicotiniques, cette culture n’a aucun intérêt. « Si ces surfaces étaient utilisées pour des cultures alimentaires, elles pourraient nourrir environ dix millions de personnes », poursuit la Dr Jacot-Sadowski. Par exemple au Malawi, l’un des pays les plus pauvres du monde et dans lequel est pratiquée cette culture à grande échelle.
Pour obtenir de telles surfaces, les exploitants ont été ou sont toujours amenés à pratiquer la déforestation. La culture du tabac nécessite aussi beaucoup d’eau : huit fois plus qu’il n’en faudrait pour cultiver des pommes de terre et autant que pour du riz ! S’y ajoutent d’autres problèmes comme le recours aux pesticides et le fait que cette culture appauvrit beaucoup les sols qui y perdent donc en fertilité.
Pour les travailleurs qui cultivent le tabac, ce travail n’est pas non plus anodin. « La nicotine est absorbée par la peau (notamment en milieu humide) et peut entraîner la maladie du tabac vert, source de nausées, vomissements, céphalées, vertiges, etc., notamment chez les enfants exposés, or ils sont nombreux à aider les adultes. En outre, le processus de dessiccation (séchage des feuilles) à proximité des cultures se fait soit à l’air libre, soit à l’aide de combustibles comme le bois ou le charbon, ce qui accroît encore les problèmes de déforestation et d’émission de CO2 », note la Dr Jacot-Sadowski.
Transport et manufacture, très polluants
Les manufactures étant plutôt situées dans les pays occidentaux, il faut y transporter les feuilles de tabac séchées, ce qui a un coût environnemental. S’y ajoutent les différentes étapes de transformation, avec l’apport d’additifs, d’arômes, la torréfaction, la coupe, le recours au papier blanchi, à l’acétate de cellulose pour les filtres, aux emballages, etc. « Au final, pour produire une seule cigarette, il faut 3,7 litres d’eau (soit 22 000 milliards/an pour cette industrie), 3,5 g d’équivalent pétrole et 14 g de CO2 émis (soit 84 millions de tonnes d’équivalent CO2 au total). C’est énorme ! Ce n’est pas assez connu, alors que ces arguments pourraient représenter un levier différent de celui de la santé pour ne pas commencer à fumer ou motiver certains fumeurs, sensibles à l’environnement, à en finir avec le tabagisme », souligne la Dr Jacot-Sadowski.
La pollution ne s’arrête pas là puisque lors de sa combustion, la cigarette continue de polluer. Idem lorsque le mégot finit sa triste course dans la nature, un seul mégot pouvant polluer jusqu’à 500 litres d’eau.
Entretien avec la Dr Isabelle Jacot-Sadowski, Lausanne
Du 23 au 31 décembre
Menace d’une nouvelle fermeture des laboratoires d’analyses médicales
Addictions
La consommation de drogues et d’alcool en baisse chez les jeunes
Crise sanitaire : le malaise des préparateurs
3 questions à…
Christelle Degrelle