Au vu des différentes études sur le sujet, il apparaît que le fait d'être un fumeur actif est associé à un risque divisé par deux d'être infecté par le Covid. Néanmoins, le risque d'une forme plus sévère chez les fumeurs en cas d'infection reste discuté.
L'effet protecteur du tabac, non retrouvé chez les anciens fumeurs, est lié au récepteur ACE2 qui permet l'entrée du SARS-CoV-2 dans les cellules. « Cet effet protecteur est retrouvé avec le SARS-CoV-1 mais n'est pas retrouvé avec le MERS-CoV et la grippe qui utilisent d'autres voies d'entrée », précise au « Quotidien » le Pr Dautzenberg. Le rôle de la nicotine dans cet effet protecteur est avancé, notamment sur la base de données physiopathologiques, mais doit être confirmé. À noter que les récepteurs nicotiniques sont proches du récepteur ACE2.
Concernant la gravité de l'infection chez les fumeurs, nombre de publications ont mis en évidence un risque accru de forme sévère chez les fumeurs. « Même dans les études les plus pessimistes, on arrive à un risque accru d'un facteur 1,2 à 1,8, mais pas d'au moins 2 comme pour la grippe », nuance le pneumologue.
L'analyse du cluster survenu en avril 2020 sur le porte-avions Charles de Gaulle et qui a fait l'objet d'une publication dans « Nicotine Tobacco Research » apporte un éclairage nouveau. L'étude a porté sur 1 688 marins d'âge médian 28 ans. Ils étaient 48 % à être fumeurs actifs, avec une consommation moyenne de 9,7 cigarettes par jour, 23 % à avoir déjà fumé mais ayant arrêté avant janvier 2020, et 29 % n'avaient jamais fumé.
Au total, 76 % des passagers ont développé un Covid. Le fait d'être fumeur actif était associé à une réduction significative d'infection de 36 % par rapport aux non-fumeurs et aux anciens fumeurs. Un effet dose-réponse a été mis en évidence : l'effet protecteur était plus important chez les plus gros fumeurs. De plus, parmi les personnes infectées, les fumeurs présentaient moins de signes respiratoires et généraux, et avaient moins souvent besoin d'oxygène. « Une exposition quasi permanente au tabac pourrait être plus protectrice, mais cela reste à démontrer », souligne le Pr Dautzenberg. Ces observations faites dans une population jeune et sans comorbidités ne peuvent toutefois être extrapolées à la population générale.
Deux hypothèses pourraient expliquer la survenue de formes moins graves chez les patients fumeurs : « il est possible qu'il y ait moins de SARS-CoV-2 qui entre chez ces patients, entraînant une charge virale moindre et donc moins de risque d'orage cytokinique, avance le pneumologue. Il peut aussi y avoir un effet anti-inflammatoire spécifique de la nicotine. »
Trois essais en cours sur la nicotine
Ces résultats ne doivent pas faire oublier que le tabac tue davantage que le Covid, avec 75 000 décès qui lui sont imputables en 2020 contre 68 000 pour le Covid. D'autant plus que les effets des nouveaux variants ne sont pas encore connus. Le Pr Dautzenberg appelle à recueillir systématiquement les données de tabagisme des patients inclus dans les études Covid.
Néanmoins, la piste de la nicotine mérite d'être poursuivie. Trois études Nicovid menées par l'AP-HP sont en cours. Elles visent à évaluer les effets de la nicotine (non fumée) en préventif chez les soignants ainsi qu'en curatif chez les patients hospitalisés et pris en charge en réanimation. « La nicotine est bien tolérée chez les personnes non fumeuses, mais le risque de dépendance est à surveiller de près », précise le Pr Dautzenberg.
Il rappelle également le fait qu'un fumeur atteint de Covid ne doit surtout pas arrêter de prendre de la nicotine au cours de la maladie - en cas de volonté d'arrêt, des substituts nicotiniques sont donc recommandés. « Les fumeurs ont beaucoup de récepteurs nicotiniques. L'absence de nicotine dans ces récepteurs pourrait favoriser la survenue d'un orage cytokinique », explique-t-il.
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