1937. Allemagne nationale-socialiste. Deux chimistes de l’IG Farbenindustrie de Hoechst-am-Main, Max Bockmühl (1882-1949) et Gustav Ehrhart (1894-1971), synthétisent des analgésiques dérivés de la péthidine dont l’un retient leur attention, le « Hoechst 10820 ». Bien que les premiers essais sur animaux semblent a priori peu concluants, la molécule est brevetée en 1941. Mais le bombardement de l’usine Hoechst retarde la recherche : l’« Amidon » restera prescrit, de façon limitée, par les médecins militaires - qui préfèrent la péthidine, mieux connue et disponible en quantité.
Fin du conflit. Le Hoechst 10820 passe aux mains des Américains et, dès 1945, une commission de spécialistes souligne son intérêt. Le laboratoire Eli-Lilly développe sans tarder des recherches sur la molécule rebaptisée « méthadone » par l’American Medical Association : les premiers travaux sont publiés par Horace S. Isbell (1898-1992) en 1947 (ceux de Bockmühl et Ehrhart ne le sont qu’en… 1949 !). À ce moment, utilisé à des posologies trop importantes et mal toléré, cet antalgique, commercialisé comme Dolophine, ne semble guère promis au bel avenir que l’on sait !
La célébrité arrivera d’ailleurs. Testée dès 1946 chez des patients héroïnomanes de l’hôpital de Lexington (Kentucky), la méthadone est, jusqu’au début des années 1960, administrée pour faciliter le sevrage en opiacés, en cures brèves à doses dégressives, avec des résultats inégaux. C’est dans ce contexte que le Narcotics Committee of the Health Research Council de New York mandate en 1962 un spécialiste des maladies métaboliques, Vincent P. Dole (1913-2006), pour découvrir des médicaments aptes à « traiter » l’héroïnomanie alors véritablement épidémique aux États-Unis. Dole prend connaissance d’un ouvrage novateur (The Drug Addict as a Patient) publié en 1956 par Mary E. Nyswander (1919-1986), psychiatre spécialisée dans la prise en charge des héroïnomanes. Tous deux montrent, avec le docteur Marie J. Kreek, que la méthadone, administrée quotidiennement par voie orale à la dose de 80-120 mg/j, autorise une existence socialement acceptable et empêche durablement (contrairement à la morphine médicale utilisée jusqu’alors) de ressentir le manque en héroïne - dont elle est pharmacologiquement très proche -.
Bien que le risque d’usage abusif ait été anticipé par Dole et de Nyswander, le gouvernement Nixon, préoccupé par l’augmentation de la délinquance liée à la toxicomanie, autorisa en 1971 un emploi large de la méthadone : plus de 80 000 Américains y avaient recours deux ans plus tard.
Le désinvestissement dans le suivi des patients donna lieu à des dérapages qui suscitèrent des critiques acerbes et furent à l’origine d’une légende qui voulait que la méthadone, appelée initialement « adolphine », ait été créée par les nazis en l’honneur de Hitler… Au-delà des controverses, les résultats globaux des programmes de substitution furent satisfaisants et l’expérience américaine inaugura les traitements aujourd’hui proposés dans la plupart des pays.
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