« Certains fumeurs - très dépendants à la nicotine, ayant vécu plusieurs rechutes, présentant une co-addiction ou des signes d’anxio-dépression - ne sont pas prêts à arrêter la cigarette de façon brutale », souligne Anne-Laurence le Faou, responsable du Centre d’addictologie de l'Hôpital Européen Georges Pompidou. Pour les patients qui ne peuvent pas arrêter de fumer du jour au lendemain, la Haute Autorité de Santé envisage la possibilité d’une réduction de la consommation tabagique avant l'arrêt définitif. Une stratégie qui mérite une attention particulière, notamment si l'on considère la prévalence du tabagisme. « Notre pays compte 12 millions de fumeurs. Un décès sur huit est lié au tabac », déplore le Dr Le Faou. Pour tenter d'y remédier, la France a mis en place un Plan national de lutte contre le tabagisme depuis 2018 faisant suite au Plan national de réduction du tabagisme mis en œuvre depuis 2014. Ces plans comprennent de multiples outils dont l'initiative du « Mois sans tabac », la nouvelle application de Tabac info Service, le remboursement des traitements du sevrage tabagique ou encore, le fonds de lutte contre le tabac dédié à la recherche.
Le sevrage progressif a prouvé son efficacité
Pour sa part, le Dr Le Faou a lancé une étude en vie réelle (1) afin de mesurer les tentatives d'arrêt de 28 156 fumeurs adultes en France, reçus en consultation de tabacologie. « La moitié des fumeurs suivis ont arrêté du jour au lendemain. Seuls 4,4 % ont arrêté de façon progressive », indique le Dr Le Faou. Les taux de sevrage étaient comparables dans les deux cas, sans différence significative. D'après les résultats de l'étude, la stratégie de réduction avant arrêt complet peut être bénéfique chez des gros fumeurs (plus de 21 cigarettes par jour) avec une ancienneté importante et une moindre confiance en eux pour l'arrêt. La réduction ne doit être qu'une étape vers l'arrêt définitif qui, seul, garantit la réduction du risque lié à la consommation de tabac.
Autre message essentiel : les personnes qui souhaitent arrêter de fumer peuvent le faire de façon brutale ou en douceur. « Les deux options sont efficaces si elles sont accompagnées par un professionnel de santé. Les patients qui optent pour l'arrêt progressif peuvent bénéficier d'un traitement adapté à la réduction : la varénicline, par exemple, est l'une des solutions thérapeutiques, en seconde intention (après le traitement de substitution nicotinique) », note le Dr le Faou. Une étude récente, baptisée « Reduce to Quit » (2), menée par Pfizer auprès de 1 510 patients, a évalué l'efficacité et la sécurité de la varénicline dans le sevrage tabagique selon un modèle de réduction progressive sur 12 semaines. « L'étude montre notamment que le taux d’abstinence à 15-24 semaines et à 21-52 semaines est significativement supérieur avec la varénicline (versus placebo) », note le Dr Ivan Berlin, pharmacologue-addictologue à la Pitié-Salpétrière, à Paris.
Le rôle du pharmacien
Outre le médecin, l'officinal a toute sa place dans le suivi du patient désirant arrêter la consommation de tabac. « Un million de fumeurs passent, chaque jour, dans les officines françaises. Le pharmacien est en première ligne pour leur délivrer un conseil adapté à leur souhait et à leur état de santé. En Australie, le pharmacien a l'obligation d'effectuer le suivi des patients en sevrage tabagique. Des études australiennes montrent que ce suivi officinal est efficace dans l'arrêt du tabac », souligne le Dr Berlin. Pour le Dr Le Faou, les pharmaciens devraient, à l'avenir, « lancer des entretiens individuels de sevrage tabagique. Mais beaucoup d'officinaux n'ont pas assez de temps et ne disposent pas de local pour effectuer ce type d'entretiens. Dans l'idéal, le suivi devrait se faire par l'ensemble des professionnels de santé : médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers… Il est également urgent d'intégrer davantage la question du sevrage tabagique dans leur formation initiale ».
1) M. Baha et A.-L. Le Faou, Prev. Med. 63 (2014) 96.
2) J.O. Ebbert et al., JAMA 313 (2015) 687.
D'après une conférence de presse de Pfizer.
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