ON NE PENSE pas souvent à l’infection par Mycobacterium leprae chez les sujets infectés par le VIH. Pourtant, elle peut exister et prendre une présentation de lèpre tuberculoïde borderline, comme le rappelle la publication d’un cas dans le « New England Journal of Medicine ». Ce qui est encore plus inhabituel est la circonstance de la contamination, via le tatou, un réservoir naturel potentiel de la maladie, avec des zoonoses là où il est présent.
L’histoire est celle d’un homme de 41 ans qui consulte pour un muguet buccal un mois après un diagnostic d’infection par le VIH. Il est mis sous trithérapie. Un mois après, il revient avec des nodules cutanés érythémateux, indurés, œdématiés, tendus et douloureux, accompagnés de plaques, au niveau du mollet gauche.Le compte des CD4 s’est alors amélioré, passant de 14 à 246/mm3 et l’ARN du VIH s’est considérablement réduit (de 244 861 à 109 copies/ml).
Les biopsies de lésions cutanées montrent des infiltrats lymphocytaires au niveau du derme et les colorations, puis la PCR révèle la présence de M. leprae dans des macrophages spumeux, permettant d’établir un diagnostic de lèpre.
Le patient n’était pas sorti des États-Unis au cours de sa vie adulte, vivant dans l’Ohio. Toutefois, il était né dans le Mississippi où il avait vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Adolescent, il se livrait à la chasse au tatou et avait eu des contacts directs avec les carcasses.
Retour à l’épisode actuel. Un traitement par dapsone et minocycline est appliqué pendant trente mois. On assiste tout d’abord à une desquamation des lésions de la jambe, laissant place à des ulcérations qui se referment en deuxième intention.
La reconstitution de l’immunité.
Par la suite, le patient reste asymptomatique, à l’exception de douleurs neuropathiques bilatérales persistantes des membres inférieurs, attribuées pour une part à un diabète.
« L’exposition aux tatous des années avant le développement d’un syndrome immunodéficitaire acquis suggère qu’une altération de l’immunité cellulaire par le VIH a probablement facilité l’éclosion préclinique de l’infection par M. leprae, estiment les auteurs. La reconstitution de l’immunité à la suite du traitement par HAART a fait qu’une lèpre tuberculoïde borderline et réversible s’est développée chez lui. »
En conclusion, les cliniciens devraient évoquer le diagnostic de lèpre chez les patients traités pour une infection par le VIH, lorsqu’ils se présentent avec une névralgie, des nodules œdémateux ou des tumeurs du derme, et des antécédents pouvant faire évoquer une exposition possible à la lèpre. Y compris le tatou dans le sud des États-Unis.
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Françoise Amouroux
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