C’est une cohorte que nous envient nos voisins européens. En 2011, l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) a recruté 18 329 enfants, qui ont fait l’objet par la suite d’un suivi régulier (6 en 7 ans). Une cohorte inspirante : à ce jour, 80 projets de recherche ont été déposés sur la cohorte, par 47 chercheurs émanant de 23 institutions. Ils ont déjà donné lieu à 35 publications.
Les mères de ces enfants aussi ont participé au recueil de données : elles ont réalisé un entretien à la maternité, où ont été recueillis des échantillons biologiques et de poussière domestique. Cela a permis à l’équipe Inserm de Rennes (UMR 1085) de mener un travail très complet pour évaluer la contamination des femmes enceintes par les pesticides. L’objectif : repérer la pollution domestique et agricole pendant la grossesse, la quantifier avec des données biologiques et la mettre en regard de la santé des enfants.
Insecticides et produits antipuces
L’usage de pesticides au foyer a été évalué par questionnaire aux deux mois de l’enfant. Il en ressort que les insecticides sont utilisés massivement, par 78 % des femmes interrogées, cela étant surtout renforcé par l’ancienneté du logement, la saison et le fait de vivre en maison individuelle. Les produits contre les puces et les tiques arrivent en deuxième position, suivis des traitements pour le jardin.
Concernant la pollution agricole, la moitié des femmes de la cohorte Elfe habitaient à moins de 50 mètres d’une zone cultivée pendant leur grossesse, ce qui a pu être évalué à l’aide de registres cadastraux spécialisés. Pour une femme sur 10, cette zone occupe plus de 30 % de l’espace situé dans un rayon de 500 mètres autour du domicile et, pour un quart, plus de trois cultures différentes y sont réalisées, avec deux profils types : céréales et maïs dans le Nord-Ouest, céréales et vignes dans le Sud-Est.
Dans ces deux zones, 311 cheveux de femmes collectés à la naissance de leur enfant ont pu être analysés, pour 140 molécules d’intérêt. Aucun cheveu n’était indemne, 90 % des molécules ont été détectées. Les cheveux les plus pauvres en pesticides en présentaient au moins 25 et les plus riches 65. On retrouve avant tout de la perméthrine (présente aussi dans les traitements de literie, ce qui n’a pas été évalué dans le questionnaire à 2 mois), mais aussi de nombreuses familles de pesticides : organophosphorés, organochlorés, pyréthrinoïdes, etc.
Deux fois plus d'hypospadias
Dernier volet de ce travail, qui n’a pas encore été publié : une étude cas-témoins à partir de 50 cas d’hypospadias et 8 153 témoins (ont été exclues les agricultrices et les zones hyperurbaines). Celle-ci révèle une augmentation du risque de malformation lié à l’usage domestique d’antipuces et antitiques (OR ≈ 2,2) et à la proximité de champs de blé, colza ou orge (OR ≈ 2,5), tandis que les cultures fourragères (moins souvent traitées) ont un effet protecteur (OR ≈ 0,5). En revanche, aucune association n’a pu être mise en évidence avec les 123 cas de cryptorchidie.
Autres données originales alarmantes, la présence de pesticides dans les cheveux des femmes a pu être corrélée aux données anthropométriques à la naissance de leur enfant. Des associations jusqu’ici inconnues ont été mises en évidence, et dont la physiopathologie n’est pas encore identifiée. Dans les deux sexes, le bitertanol, le fipronil, les pyréthrinoïdes, le prochloraz et l’isoproturon augmentaient le poids de naissance et/ou le périmètre crânien des nouveau-nés, tandis que les organophosphorés et le propoxur ont été associés, plus classiquement, à des retards de croissance.
Deuxième journée scientifique Elfe, 11 septembre 2018.
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