LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Est-on certain qu’il y aura une nouvelle pandémie dans les années à venir ?
PR BRUNO LINA.- C’est une absolue certitude, tout en sachant que la date de ces pandémies est imprévisible, ce qui implique une vigilance permanente au niveau mondial, afin de détecter à temps l’émergence d’un nouveau virus grippal issu d’un réservoir animal qui aura pu s’adapter à l’espèce humaine.
Le problème de fond est plutôt d’envisager le risque d’une pandémie grave, ce qui est une question de nature différente.
En effet, nous avons connu, d’une part en 1918-1920 une gigantesque pandémie, connue sous le nom de « Grippe espagnole », qui a entraîné un nombre considérable de décès, et, d’autre part, celle de 2009, dont la mortalité associée a été relativement faible, en dépit du nombre de cas.
Quel bilan peut-on tirer aujourd’hui de la pandémie de 2009 ?
Son impact a été inférieur à ce qui avait été imaginé, mais il n’a pas été anodin. Un bilan se dresse essentiellement en analysant le nombre de décès observés. Pour cette évaluation, il faut d’abord rappeler l’importance de bien distinguer deux éléments dans la mortalité associée à la grippe, à savoir la mortalité directe et la mortalité indirecte, induite, liée à une décompensation d’une pathologie chronique, pouvant survenir plusieurs mois après l’infection grippale.
En ce qui concerne notre pays, on estime à un peu moins de 500 le nombre de décès directs, avec peu de surmortalité car les personnes fragiles ont été bien protégées et les personnes âgées n’étaient pas à risque de faire des grippes graves. Nous avons donc enregistré très peu de cas de mortalité induite, à l’inverse de ce que l’on observe habituellement au cours des épidémies de grippe saisonnière qui sont caractérisées par une mortalité indirecte bien supérieure à la mortalité directe.
Mais la situation a été très différente dans d’autres pays qui n’ont pas eu le temps ou les moyens de faire des campagnes de prévention. C’est ainsi qu’en Afrique, ou en Amérique du Sud par exemple, la mortalité liée à la pandémie de 2009 a été de l’ordre de 10 à 20 fois supérieure à celle observée en Europe, sans commune mesure avec ce qui est constaté lors d’une épidémie de grippe saisonnière annuelle. Il convient donc de relativiser le coté modéré de cette pandémie.
Pouvez-vous nous rappeler les points clés de la chronologie de la pandémie de 2009 ?
Le début a été un peu flou comme très souvent en pareil cas. En mars 2009, un signalement émanant du Mexique faisait état de l’apparition d’un certain nombre de foyers de grippe dans ce pays. Puis, début avril, deux cas étaient observés sur le territoire des États-Unis, au Texas et en Californie, causés par un virus d’origine porcine strictement identique. Dans le courant de ce même mois a été établie la parfaite similitude entre ces derniers et les virus isolés à partir de prélèvements réalisés sur des patients Mexicains.
Une information fut alors diffusée avertissant du risque d’infection humaine par ce nouveau virus.
Le 24 avril étaient signalés un petit foyer en Californie et un important au Mexique.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a alors estimé qu’il existait un risque de pandémie. Puis tout est allé très vite, avec le signalement le 28 avril de cas en Espagne, Grande-Bretagne, Canada, en plus des États-Unis et du Mexique, puis le 30 avril dans certains pays d’Amérique Centrale. Enfin, le 11 juin, la pandémie était déclarée et tous les continents étaient touchés. À ce stade se posait alors la question, primordiale, de savoir si, par rapport à ce qui était observé sur les premiers patients, le niveau de mortalité allait rester stable, diminuer ou augmenter.
Quand un nouveau virus adapté à l’homme émerge d’un réservoir animal, aviaire ou porcin, la vague épidémique se répand comme une traînée de poudre.
Qu’est devenu le virus pandémique A(H1N1) ?
Il est devenu un virus saisonnier, comme tous les autres virus pandémiques précédents. Il est d’ailleurs incorporé au vaccin de la présente campagne de vaccination. Il s’agit de la souche dénommée A(H1N1) California.
La pandémie de 2009 a-t-elle entraîné une modification du système de surveillance épidémiologique ?
Peu de choses ont évolué car le système de surveillance, mis en place à partir de 1948 sous la supervision de l’OMS, est très performant. Je rappelle à ce sujet que la surveillance mondiale s’appuie sur un dense maillage de laboratoires (Centre National de Référence ou CNR), présents dans presque tous les pays, avec un renforcement dans les zones, essentiellement l’Asie, où sont situés les réservoirs de virus potentiellement pandémiques. La France en possède un avec trois laboratoires localisés à Paris, Lyon et en Guyane.
Le règlement sanitaire international fait obligation à chaque pays d’informer sans délai la communauté scientifique et médicale de la détection de tout nouveau virus grippal sur leur territoire. Puis les virus détectés par les CNR sont plus complètement analysés dans un Centre Collaborateur Régional de l’OMS, qui se situe à Londres en ce qui concerne l’Europe.
Enfin, il existe au niveau mondial un consortium des cinq Centres Collaborateurs Régionaux.
Quelle est l’actualité sur le front des virus grippaux émergents susceptibles d’être à l’origine d’une nouvelle pandémie ?
Trois nouveaux virus aviaires font l’actualité en ce domaine : A(H5N1), A(H7N9) et A(H6N1).
A(H5N1), qui a été identifié en 2003 est à l’origine de plusieurs centaines de cas, et ne présente pas de signe d’adaptation à l’homme, ce qui serait d’ailleurs une très mauvaise nouvelle.
A(H7N9), apparu en 2012, a donné environ 150 cas humains et semble un peu moins agressif avec une mortalité un peu inférieure à 50 %, contre un peu plus de 60 % pour H5N1. Mais sa surveillance est rendue difficile par l’ignorance où nous sommes encore quant à la détermination de l’espèce réservoir.
Quant au A(H6N1), il a n’a été identifié que voici quelques semaines à Taïwan et n’a été rendu responsable que de quelques cas. Ces trois virus sont actuellement sensibles aux antiviraux, mais sont potentiellement capables d’évoluer vers la résistance.
En quoi les mesures mises en œuvre lors des épidémies saisonnières peuvent-elles aider à lutter contre une pandémie ?
Ces mesures sont très utiles car elles induisent au sein de la population le développement de mécanismes réflexes qui seront précieux pour diminuer l’intensité de la transmission. Comme par exemple l’hygiène des mains avec l’usage de solutions hydroalcooliques et la distanciation sociale (ne plus se serrer la main ni s’embrasser), ou le port d’un masque par les patients.
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