LE PHARMACIEN d’officine peut repérer de manière précoce une conduite addictive. Beaucoup d’occasions se présentent dans la pratique officinale pour aborder notamment la question de l’alcool, et pourtant de nombreux freins subsistent. Une étude (Pouyet-Poulet 2002) a montré que 82 % des pharmaciens interrogés déclaraient avoir été confrontés à des problèmes de consommation excessive d’alcool. Cependant, ils ressentaient une réticence à aborder le sujet alcool au comptoir. Il n’était que 3,8 % à parler spontanément d’alcool à leurs patients et 44,2 % déclaraient même ne jamais avoir l’occasion d’en parler. Pour ceux qui en parlent, c’est pour la grande majorité (86 %) à l’occasion de la délivrance de médicaments. Dans 75 % des situations, il existe un sentiment de gêne entre le patient et le pharmacien. Pour les deux tiers des pharmaciens, l’alcool reste un sujet délicat, voire tabou.
Pour en parler, faut-il encore être formé ? À l’heure actuelle, il n’existe pas de formations au Repérage Précoce et à l’Intervention Brève (RPIB) spécifiquement dédiées aux pharmaciens d’officine. « Dans ce contexte, il semble nécessaire d’inclure une telle formation dans le cursus des études pharmaceutiques », souligne Judith André (faculté de pharmacie, Amiens).
Intérêt d’une formation.
C’est ainsi qu’un projet pilote de formation au RPIB à l’officine a été proposé à trois facultés (Amiens, Angers et Paris Sud). « Un tiers de l’enseignement était théorique, le reste pratique avec des jeux de rôle au comptoir », précise le Pr Mickaël Naassila (faculté de pharmacie, Amiens).
Le RPIB est un entretien bref (5-20 minutes) dispensé individuellement dans une optique motivationnelle à des personnes ayant une consommation à risque ou excessive. On peut aborder le sujet au comptoir, mais ensuite, il faut réaliser l’intervention brève dans un espace de confidentialité. À l’issue de la formation, les futurs pharmaciens ont beaucoup plus d’aisance à parler d’alcool car leurs connaissances sur le sujet sont plus importantes. « Cette formation apporte un savoir faire et un savoir être face aux problèmes de santé et facilite le dialogue et l’orientation du patient », explique Jean-Baptiste Deballon (pharmacien à Amiens).
Des questionnaires standardisés.
En pratique, le pharmacien participe au repérage précoce du risque alcool en s’aidant de questionnaires standardisés qu’il propose soit de manière systématique (lors de campagnes de dépistage mises en place dans son officine), soit de manière opportuniste (lors de la détection d’une possible interaction médicamenteuse…) Deux questionnaires sont particulièrement adaptés à la pratique officinale : l’AUDIT qui est un auto-questionnaire de 10 questions à remplir par le patient, ou encore le FACE (Formule pour apprécier la consommation d’alcool en entretien) qui comprend 5 questions à poser lors d’un entretien en face à face avec le patient.
Ce repérage permet de classer les patients dans 3 catégories : faible risque, haut risque et suspicion de dépendance à l’alcool. Lorsqu’un haut risque est détecté, le pharmacien propose alors une intervention brève qui consiste à délivrer un conseil simple et court (check-list en 8 points) de modération de la consommation d’alcool.
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