Sur la place de l'hôtel de ville du Havre, un barnum semblable à tant d’autres propose des tests Covid et des résultats en seulement 10 minutes. Rien de bien surprenant à première vue. Pourtant, ce barnum a bien une particularité. Si trois officines sont situées autour de la place, le pharmacien qui a obtenu l'autorisation de la mairie du Havre pour ouvrir ce barnum ne travaille dans aucune d'entre elles. Selon « France Bleu », ce dernier est basé à Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, ville distante de 150 km de la sous-préfecture de la Seine-Maritime. Interrogée par le média local, l'infirmière embauchée pour effectuer les prélèvements indique « ne pas savoir qui est le pharmacien pour qui elle travaille » et précise avoir été recrutée par « une agence d'intérim médical ».
« Il faut que la réglementation évolue »
Ouvrir un barnum loin de son officine : une initiative qui ne plaît guère aux syndicats. Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) s'est récemment insurgé contre ce type de pratique et exige du changement. « J'ai demandé à Thomas Fatôme (le directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie), d'intervenir auprès du ministre de la Santé pour que la réglementation évolue au sujet de ces barnums distants des officines. Ce n'est pas possible d'avoir des barnums au Havre qui dépendent d'une pharmacie de Mantes-la-Jolie. Le professionnel de santé doit être sur place, à proximité immédiate du barnum. C'est valable pour les pharmaciens, mais aussi pour tous les professionnels de santé », estime Philippe Besset. Une position partagée par Pierre-Olivier Variot, son homologue de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Il n'est pas normal que quelqu'un travaille pour un professionnel de santé qu'il ne connaît pas, estime-t-il tout d'abord. Un pharmacien peut gérer un barnum à 200 mètres de son établissement, mais seulement si l'un de ses adjoints se trouve à l'intérieur. Dans tous les cas, Il faut que le barnum soit à proximité de la pharmacie et que le nom du professionnel de santé qui en est responsable soit affiché. Aujourd'hui ce n'est pas le cas et il est impossible de savoir qui est derrière. On a dit à l'assurance-maladie qu'elle devait faire quelque chose car cela va finir par se retourner contre les pharmaciens », redoute le président de l'USPO.
Si cette pratique peut être néfaste pour l'image des pharmaciens, est-elle illégale pour autant ? Selon Pierre Béguerie, président de la section A du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, il semble en tout cas impossible d'ouvrir un barnum loin de son lieu d'exercice sans contrevenir aux règles en vigueur. « Si un pharmacien obtient l'autorisation d'ouvrir un barnum, il doit être en mesure de surveiller la réalisation des actes de prélèvement. Or, s'il est installé à 150 km du barnum en question, je ne vois pas trop comment cela est possible », observe-t-il. « Quant à l'enregistrement des résultats sur Si-Dep, une infirmière est en effet autorisée à le faire. En revanche, si ce n'est pas elle mais le pharmacien qui est à l'origine de l'ouverture du barnum, alors la responsabilité d'enregistrer les résultats incombe au pharmacien », résume Pierre Béguerie.
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