C'est un feuilleton qui dure depuis maintenant plus de deux mois. Alors qu'on ne l'attendait plus, l'arrêté autorisant les officinaux à réaliser des TROD sérologiques pour le Covid-19 devrait être prochainement publié au « Journal officiel ». La situation qui semblait s'être définitivement enlisée a connu un soudain coup d'accélérateur le 2 juillet lorsque les syndicats ont reçu pour avis le projet d'arrêté. Un nouveau texte qui, une fois paru, donnera enfin la possibilité aux médecins et aux pharmaciens d’officine de « réaliser les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) sur sang capillaire de détection des anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) ». Une victoire pour les représentants de la profession et tout particulièrement pour l'Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO) qui s'est fortement mobilisée au cours des dernières semaines pour faire avancer le dossier. « Nous sommes bien sûr très satisfaits, cela montre que notre action a été efficace, se félicite Laurent Filoche. De nouveaux foyers (clusters) apparaissent, une seconde vague est possible, cela doit tous nous inciter à être vigilant. Le TROD Covid en officine, déjà autorisé dans de nombreux pays à travers le monde, sera une arme de plus pour renforcer la vigilance face à cette maladie. »
Il y a quelques jours, le président de l'UDGPO n'avait pas hésité à employer la manière forte pour que les autorités se décident à accélérer. Alors que la secrétaire d'État auprès du ministre de la Santé, Christelle Dubos, avait annoncé dès le 16 juin que les officinaux pourraient réaliser des TROD sérologiques pour le Covid-19, l'UDGPO et Federgy, ne voyant rien venir, avaient alors menacé de ne plus distribuer les masques issus des stocks de l'État si leurs espoirs venaient à être déçus. L'obstination des syndicats de groupement aura semble-t-il fini par porter ses fruits. S'ils peuvent se réjouir de cette victoire, ils doivent désormais faire face à deux problématiques : la demande existe-t-elle toujours vraiment chez les patients ? Et quel sera le taux d'engagement des officinaux pour réaliser ces tests dont le recours suscite quelques doutes parmi les autorités sanitaires et ulcère les biologistes (voir ci-dessous) ?
« Mieux vaut tard que jamais »
Pour Laurent Filoche, il aurait bien sûr été préférable que les pharmaciens puissent réaliser cet acte dès la fin du confinement, au moment où de nombreux Français voulaient savoir s'ils avaient été infectés ou non, mais « mieux vaut tard que jamais », estime-t-il. Selon le président de l'UDGPO, qui se veut optimiste, la demande existe bel et bien aujourd'hui malgré la décrue de l'épidémie et le début des vacances estivales. « De nombreux patients veulent connaître leur statut sérologique, affirme Laurent Filoche. En tout cas, nous avons reçu des TROD certifiés par le Centre national de référence depuis déjà plusieurs semaines et nous encouragerons nos adhérents à les réaliser. » Conscient que tous les pharmaciens de France ne sautent pas de joie à l'idée d'effectuer ce test, il tient aussi à rappeler que de nombreux officinaux ont aussi exprimé leur appétence pour cette nouvelle mission. Pas surpris néanmoins par le scepticisme de certains de ses confrères et consœurs, il effectue un parallèle avec une récente évolution du métier. « Il existe des réticences chez des officinaux, on ne peut le nier, mais cela était également le cas lorsqu'on a commencé à évoquer la possibilité de vacciner contre la grippe. On a bien vu depuis que cette évolution est un succès. Le TROD Covid est un TROD comme un autre et je pense que les choses évolueront de la même manière que pour la vaccination antigrippale, cela finira par être accepté par la majorité », prédit-il.
Les autotests interdits
Selon nos informations, et conformément à ce que souhaitaient les syndicats, la réalisation des TROD sérologiques en officine ne sera pas soumise à prescription médicale. Autre point important contenu dans le projet d'arrêté : l'interdiction de la vente d'autotests. En effet, « la mise à disposition sur le marché et la vente des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à réaliser des autotests de détection d'anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 sont interdites », précise le texte.
Un prix réglementaire sera-t-il fixé ? Rien n'est moins sûr pour l'instant, des négociations doivent en effet avoir lieu avec la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et ces dernières pourraient aller moins vite que prévu compte tenu du départ récent de son directeur général, Nicolas Revel, nommé le 3 juillet directeur de cabinet du nouveau Premier ministre. Selon les annonces faites par les syndicats au cours des dernières semaines, le prix du test, qui ne sera pas remboursé par la Sécurité sociale, ne devrait toutefois pas excéder une vingtaine d'euros. « Le fait qu'il ne soit pas remboursé ce n'est pas le cœur du débat selon moi. L'idée c'est vraiment de permettre aux patients qui le souhaitent de pouvoir être dépistés, en particulier ceux qui n'ont pas accès à un laboratoire d'analyses médicales, rappelle Laurent Filoche. Conformément à ce que préconise la HAS, il s'agit ensuite d'orienter le patient vers un laboratoire si le TROD est positif. »
Comme le soulignait en effet l'agence dans son avis rendu au mois de mai sur la place des TROD dans la stratégie de dépistage, « les TROD ne permettent pas de poser formellement le diagnostic de Covid-19. Ils ne peuvent se substituer aux examens de biologie médicale réalisés en laboratoire. Il est nécessaire après un TROD positif de confirmer le résultat par un test sérologique ELISA ou TDR, les tests de référence ». Une doctrine qui devra donc être suivie par les pharmaciens qui seront amenés à dépister leurs patients.
La HAS avait également listé les catégories de populations susceptibles de bénéficier de ces tests : « les personnes qui ont eu des symptômes mais qui n’ont pas réalisé de test virologique ; les personnes pour lesquelles le résultat du test par virologique négatif est contradictoire avec le tableau clinique ; les personnels des lieux d’hébergement collectifs, comme les EHPAD, prisons, résidences universitaires… ou celles qui ont été en contact avec des personnes atteintes ». L'agence faisait enfin part, dans cet avis, de la principale incertitude qui subsiste sur l'utilisation de ces tests sérologiques : « la présence d’anticorps garantit-elle une protection, une immunité, contre le virus, et si c’est le cas, sous quelles conditions et pour combien de temps ? Le recul ne permet pas à ce jour de l’affirmer avec certitude. »
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