Le 1er juin, l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) lançait son premier challenge sur le bilan partagé de médication. Crise sanitaire oblige, cette compétition s’est réalisée en ligne, en visioconférence, présageant la place qu’aura le télésoin dans l’exercice des diplômés de demain. Mais dans les Hauts-de-France, des pharmaciens ont déjà anticipé ces évolutions. Au cœur de la crise sanitaire, l’URPS Pharmaciens de la région a bousculé le calendrier et devancé la mise en œuvre du télésoin à l’étude avec l’ARS et le GIP Sant & Numérique. Il s’agissait de répondre en toute urgence aux besoins d’une population confinée, n’ayant pas accès aux conseils de son pharmacien.
Le dispositif s’adresse en priorité aux patients sous traitements chroniques. Les modalités technologiques étaient déjà conçues grâce à l’outil régional de télésoin Prédice. Il suffisait aux pharmaciens de déclencher ce service qui comprend toutes les étapes du télésoin : transmission sécurisée de l’ordonnance par le patient depuis son domicile, ouverture du dossier, envoi d’un mail de convocation en ligne au patient, réalisation de l’entretien et enfin rédaction et exportation du compte rendu.
Expérimentation en Occitanie
L'URPS Pharmaciens d'Occitanie s'est aussi saisi du sujet fin avril, à l'appel du président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) Philippe Besset, enjoignant les officinaux à s'emparer des missions du pharmacien correspondant et du télésoin au moment où les patients en ALD ne se montraient ni dans les cabinets médicaux, ni dans les pharmacies. L'idée ? Contacter ces patients pour leur rappeler l’importance de respecter leur prescription, les inviter à retirer leur traitement habituel à l’officine ou organiser le portage à domicile. Mais aussi les inciter à consulter - en présentiel ou à distance - leur médecin traitant.
Aux yeux de Philippe Besset, cette démarche constitue un « véritable acte de télésoin ». Il s’est ainsi rapproché des éditeurs de logiciels pour obtenir des solutions simples afin de tracer ces actes dans le dossier du patient. Cet appel à peine lancé, la présidente de l'URPS Pharmaciens d'Occitanie contactait la FSPF pour lui présenter un projet en gestation. « Nous constations que la sauce avait pris pour la téléconsultation des médecins. J'ai donc contacté le GIP e-santé Occitanie pour que nous puissions disposer d'un outil sécurisé pour la mise en relation pharmacien-patient », détaille la présidente, Valérie Garnier. Onze officines occitanes participent à l'expérimentation de ce nouvel outil depuis le 8 juin et jusqu'au 31 juillet. Cette expérimentation s'adresse exclusivement aux patients pour lesquels le pharmacien est déclaré comme son pharmacien correspondant. Cet acte s'inscrit donc clairement dans une relation de proximité.
Premier entretien présentiel
Si l'expérimentation est un succès, l'URPS Pharmaciens envisage de l'étendre à toute l'Occitanie. À terme, le but est que ce télésoin du pharmacien correspondant puisse aussi bien être proposé par l'officinal que demandé par le patient.
Ces pharmaciens précurseurs ont désormais les textes pour eux puisqu'un arrêté du 18 mai entérine la réalisation des entretiens pharmaceutiques (AVK, AOD, asthme…) et les bilans partagés de médication (BPM), en vidéotransmission. Avec à la clé une rémunération similaire à celle des entretiens en présentiel. Les syndicats qui appelaient de leurs vœux l’avènement du télésoin se sont félicités de cette officialisation. Avec un bémol toutefois pour l'Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). L’arrêté précise en effet que tout télésoin devra être précédé d’un premier entretien en présence du patient. Une contrainte qui soulève quelques interrogations. Car si cet arrêté va permettre aux pharmaciens qui ont déjà commencé des entretiens avec leurs patients de les poursuivre, il sera difficile d'engager la démarche avec un patient âgé obligé de passer un quart d’heure dans l’espace de confidentialité, comme le déplore Gilles Bonnefond, président de l’USPO, en référence à la situation épidémique actuelle.
Une demande des patients
Pour Grégory Tempremant, président de l’URPS Pharmaciens des Hauts-de-France, et instigateur du télésoin dans la région, ce premier entretien en présentiel mérite d'être défini par les pouvoirs publics. En tout état de cause, cette obligation ne devrait pas faire barrage au déploiement du télésoin. Et à son ouverture imminente à d’autres entretiens, au premier rang desquels les entretiens pharmaceutiques d’accompagnement des patients sous chimiothérapie orale. Un avenant conventionnel (n° 21) devrait être signé à la mi-juin entre l’assurance-maladie et les syndicats de pharmaciens (voir « le Quotidien du pharmacien » du 9 juin 2020).
Les syndicats ne sont pas les seuls à refréner leurs ardeurs. Les patients eux-mêmes réclament des entretiens pharmaceutiques réalisés en télésoin, comme l’a rappelé Gérard Raymond, président de France Assos Santé, qui insistait sur le suivi des patients diabétiques lors d’un Webinaire de l’USPO, le 26 avril. Grégory Tempremant estime que ces entretiens pharmaceutiques seront relativement aisés à mettre en œuvre. « Aujourd’hui, l’éducation thérapeutique est très hospitalo-centrée. Or nous avons un grand nombre de personnes dont le diabète n’est pas équilibré. Ces entretiens permettraient à la fois d’appréhender le traitement, l’observance et le suivi hygiénodiététique. Et pourquoi pas le rappel du maniement du stylo autopiqueur comme on le fait au comptoir », suggère le président de l’URPS des Hauts-de-France.
Cet élargissement rapide du télésoin au diabète n’est cependant pas à l’ordre du jour pour Nicolas Revel. Interrogé sur cette éventualité par Gilles Bonnefond, le directeur général de l’assurance-maladie préfère voir les pharmaciens se concentrer sur les entretiens actuels. Une manière de rappeler à la profession que ses objectifs concernant la réalisation des BPM ne sont toujours pas atteints. Parions que le télésoin aidera les pharmaciens à relever ce défi.
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