Le Quotidien du pharmacien.- Le dépistage du cancer a été l'une des victimes collatérales de l'épidémie de Covid-19. Quel bilan dressez-vous aujourd'hui ?
Pr Axel Kahn.- On estime à 50 % la proportion de cancer dont le diagnostic a été retardé pendant la période du confinement. Entre mars et mai, 32 000 cancers ont été diagnostiqués, soit moitié moins que le chiffre que nous aurions dû obtenir sur une période de cette durée. Ce défaut de diagnostic, nous nous y attendions. Néanmoins, nous espérions pouvoir rattraper ce retard et cela n'a pas été le cas, notamment parce que de nouveaux besoins sont apparus par la suite. Des études, comme celle menée par l'Institut Gustave-Roussy, estiment que la mortalité par cancer pourrait augmenter de 2 à 5 % dans les 5 ans. Toutefois, il est compliqué de donner des chiffres précis sur la mortalité à long ou moyen terme. Ce qui est certain, c'est que les retards de diagnostic s'accumulent et cela constitue une perte de chance importante pour de nombreux patients.
Les entretiens pharmaceutiques pour les patients sous anticancéreux oraux ont été officialisés le 30 septembre. Quel regard portez-vous sur cette nouvelle mission confiée aux officinaux ?
J'y suis favorable depuis longtemps et je l'ai évoqué à nouveau lorsque j'ai apporté ma contribution au Ségur de la santé. La télémédecine c'est bien, mais cela ne remplacera jamais un contact humain. On ne pourra pas former des médecins en l'espace de 6 mois, alors il faut s'appuyer sur le maillage territorial des pharmacies. Les officinaux peuvent informer les patients, leur conseiller d'aller consulter si cela est nécessaire… Dans le contexte du Covid-19, ils peuvent les rassurer, les convaincre qu'ils ne doivent pas avoir peur malgré le virus, leur dire que le plus grave ce n'est pas le Covid-19 mais bien le retard dans le diagnostic d'un cancer.
Les syndicats de pharmaciens plaident depuis longtemps pour que la profession soit davantage impliquée dans la prévention du cancer colorectal. Faudrait-il globalement donner plus de pouvoir aux officinaux dans la lutte contre le cancer ?
Le pharmacien peut avoir un rôle très important dans tous les champs du cancer. Rappeler l'importance de se faire vacciner contre le papillomavirus (HPV) comme beaucoup le font déjà, informer sur les signaux d'alarme du cancer, orienter vers un spécialiste… Sur le cancer colorectal, cela fait longtemps que des pharmaciens travaillent en lien avec la Ligue contre le cancer. Bien sûr, ils ne vont pas faire d'endoscopies mais ils pourraient être impliqués pour la mise à disposition des réactifs, en plus de leur mission d'information et de prévention.
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