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Les sept sujets qui fâchent

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Publié le 20/03/2017
Le premier débat télévisé entre les cinq « principaux »* candidats à l'élection présidentielle se déroulera ce soir sur TF1. À un peu plus d'un mois du premier tour du scrutin, « le Quotidien » a recensé les sujets qui polluent l'exercice de la pharmacie et que la profession aimerait voir pris en compte par le prochain président de la République.
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Crédit photo : VICTOR DE SCHWANBERG/SPL/PHANIE

Stop aux grands conditionnements !

Pour les syndicats, c’est clair, il faut mettre fin aux grands conditionnements. Les emballages trimestriels « n’apportent rien à la santé publique », affirme Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Ils incitent au gaspillage et n’améliorent pas l’observance, tout en entraînant des gestions de stocks inutiles », explique-il. « On ne comprend plus bien ce qui est bon pour les économies et pour l’observance : dispenser à l’unité ou pour trois mois ? », fait pour sa part remarquer Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Au-delà, les représentants de la profession s’agacent de voir sur le marché des grands conditionnements qui ne respectent pas les règles normales de rémunération, c’est-à-dire dont le tarif correspond à 90 % du prix de trois boîtes d’un mois. Et dans ce cas, l’officinal peut perdre entre 10 % et 40 % de sa rémunération, déplore Gilles Bonnefond.

Autre motif de colère : dans les baisses de prix appliquées aux grands conditionnements de médicaments génériques, la contribution de l’industrie pharmaceutique de 5 % sur ces emballages est parfois passée à la trappe. Mais pas celle des pharmaciens.

Sécu : à quand le zéro tracas ?

Ordonnances non conformes, tampons du médecin illisibles, renouvellement tacite non formalisé… autant de raisons invoquées par l’assurance-maladie pour refuser un remboursement. Nombreux sont les pharmaciens à se sentir lésés par ces « indus de la Sécu ». Sans compter les disparités dans les prises en charge d’un département à l’autre (bas de contention, phytothérapie, par exemple…). Loin d’eux la volonté de remettre en cause la réglementation visant la sécurité sanitaire, mais, dans la réalité, les officinaux se sentent victimes d’une administration « trop tatillonne » et « injuste ». Et de s’interroger : que faire quand un patient a besoin en urgence de son médicament et qu’il ne peut obtenir de rendez-vous chez le spécialiste dans les délais ? Devons-nous agir en professionnel de santé ayant l’obligation d’assurer la continuité des soins ou en agent chargé d’appliquer stricto sensu des règles purement administratives ? Face à cette surenchère de contraintes, les pharmaciens veulent obtenir des engagements : une simplification des règles et l’assurance d’être considérés comme des professionnels de santé.

La vente à l’unité en question

La vente de médicaments à l’unité, dispositif testé dans 100 officines sur 14 antibiotiques pendant un an, ne fait pas l’unanimité. Ni chez les pharmaciens, ni chez les médecins. Encore moins au sein de l’industrie pharmaceutique, qui n’y voit qu’un élément pour « compliquer la vie des patients et des pharmaciens d’officine », sans même parler des conséquences sur les chaînes de production. Pourtant, trois candidats à l’élection présidentielle – Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon – brandissent la dispensation à l’unité comme la solution pour faire des économies en évitant le gâchis. Mais les pharmaciens expérimentateurs déplorent le manque de traçabilité, les risques d’erreurs dus à la manipulation des médicaments et l’absence de gain économique pour tout le monde.

Le casse-tête des ruptures de stocks

Vaccins contre l’hépatite B, l’hépatite A, vaccins à valence coqueluche, Marsilid, Oroken enfants, Altim… Les ruptures de stock font malheureusement désormais partie du quotidien des pharmacies. En février 2017, 2,2 % des médicaments (et 22 % des vaccins) étaient en rupture de stock, selon l’Ordre national des pharmaciens. Les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), dont l’indisponibilité peut entraîner des problèmes de santé publique, ne sont pas épargnés : 391 d'entre eux manquaient à l’appel en 2015, selon l’ANSM. C’est dix fois plus qu’en 2008 ! Toutefois, depuis trois ans, le nombre de déclarations de ruptures de ces médicaments majeurs semble se stabiliser, autour de 400 spécialités. Trois classes sont plus particulièrement concernées : les anti-infectieux (et notamment les vaccins), les médicaments du système nerveux et les anticancéreux. Le phénomène est mondial et ses origines sont multiples : indisponibilité de matières premières, problèmes de fabrication, défaut de qualité, ou encore dysfonctionnements liés à la chaîne de distribution du médicament.

Des contrôles abusifs

S’il existe un sujet qui irrite particulièrement les pharmaciens, ce sont les contrôles menés par la DGCCRF. En effet, ils déplorent d’être mis à l’amende pour quelques étiquettes de prix manquantes. Car, dans la très grande majorité des cas, ils mettent tout en œuvre pour informer correctement leurs patients sur les tarifs qu’ils pratiquent. Et ils trouvent les inspecteurs tatillons, voire zélés, quand ils n’ont pas carrément une interprétation différente de la réglementation de celle des autres administrations. C’est ce qui s’est passé avec l’affaire de la facturation d’honoraires de dispensation sur les médicaments remboursables non prescrits. Avant que les services de l’État ne lèvent l’ambiguïté, la DGCCRF n’avait en effet pas hésité à notifier aux titulaires qu’ils ne devaient pas se faire payer ces honoraires en cas de non-prescription, au risque d’être « puni d’une peine d’emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 300 000 euros pour pratique commerciale trompeuse ». Une mise en garde incompréhensible pour la profession qui, dans ce cas, n’avait fait qu’appliquer une mesure édictée par les pouvoirs publics.

Diabète : ne pas oublier le pharmacien

Le dispositif médical du Laboratoire Abbott, qui permet aux patients diabétiques d’auto-surveiller leur glucose sans piqûres grâce à un capteur, est aujourd’hui testé auprès de patients via les cabinets médicaux. Autrement dit, les pharmaciens sont écartés de l’accompagnement de ces malades. Toutefois, en cas de prise en charge par l’assurance-maladie (celle-ci devrait rendre son verdict prochainement), ils sont bien décidés à ne pas voir ce marché leur échapper. Ils s’estiment en effet plus légitimes à suivre ces patients chroniques que La Poste et le fabricant lui-même. Il y a plusieurs raisons à cela. Le pharmacien peut assurer l’éducation du patient dans la lecture et l’interprétation des données, le suivi, le service après-vente et la gestion des Dasri qui résulteront de l’usage de l’appareil. Dans le cas d’une commercialisation directe par le fabricant, il est fort peu probable que La Poste se charge des déchets !

Rétrocéder ou pas ?

Quasiment tous les titulaires y ont un jour recours. La rétrocession, cette pratique officieuse et illégale consistant à l'achat mutualisé de médicaments par un groupe informel de pharmaciens, divise les pharmaciens. Sans irriter vraiment, elle dérange. Notamment les groupements qui disposent de centrales d'achats (CAP) et de structures de regroupement à l'achat (SRA). Christian Grenier, président de Fédergy, est ainsi parti en lutte contre cette pratique dont il estime qu'elle pourrait faire exploser le monopole. Chronophage pour certains, tel Gilles Bonnefond, la rétrocession est au contraire pour d'autres la seule bouée de sauvetage de l'officine. Déplorant que les CAP et SRA ne fonctionnent pas suffisamment bien, Philippe Gaertner milite, lui, en faveur d'une réglementation de la rétrocession des produits non remboursables (OTC, parapharmacie), qui permettrait aux pharmaciens de défendre l'économie de leur officine dans un environnement hostile. La remise à plat des conditions d'achat est urgente.

* François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

M.B., C.D., D.D., M.M. et C.M.

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3335