« LE PANORAMA officinal est en pleine évolution, que ce soit en France ou dans les autres pays d’Europe », indique Jean-Jacques Zambrowski, économiste de la santé, lors des 8e rencontres de l’officine. À cela, plusieurs raisons. « Tout d’abord, la majorité des pays européens faisant face à une crise économique, les gouvernements tentent de limiter les coûts, notamment ceux concernant la santé », indique l’économiste. L’objectif est d’autant plus difficile à atteindre que ces coûts ont tendance à augmenter, avec le vieillissement de la population et l’explosion de certaines maladies chroniques. Ensuite, les patients européens se retrouvent de plus en plus souvent devant des difficultés d’accès du médecin de premier recours.
Apparition de nouvelles missions.
« Dans ce contexte, on demande aux professionnels de santé davantage de coopération », poursuit Jean-Jacques Zambrowski. Pour le pharmacien, cela se traduit par des délégations de tâches, avec l’apparition de nouvelles missions qui se mettent petit à petit en place. En France, le pharmacien peut ainsi réaliser des tests de diagnostic rapide, des entretiens AVK et asthme, et sans doute, demain, pourra vacciner.
Les autres pays européens effectuent la même démarche, chacun à leur rythme. Certains sont plus en avance que la France, et peuvent nous servir d’exemple, comme le Royaume-Uni, où les missions du pharmacien d’officine sont très étendues et bien rémunérées. D’autres pays sont plus en retard, comme l’Espagne, où les conseils pharmaceutiques ne sont pas monnaie courante. Pour preuve, « lors d’un congrès de pharmaciens en Espagne, un officinal s’est plaint d’avoir reçu une amende pour avoir rendu un service au patient, alors qu’au Royaume-Uni le pharmacien est rémunéré pour le faire ! », illustre Caitlin Sorrell, présidente d’Alphega Pharmacie Europe.
Par ailleurs, en parallèle de ces nouvelles missions, on voit apparaître, en France comme dans différents pays d’Europe, un honoraire de dispensation. Pour le pharmacien, ce système permet d’une part de déconnecter sa rémunération du marché du médicament (qui chute), et d’autre part il donne une valeur à son rôle de dispensation du médicament : il devient désormais un professionnel de santé rémunéré pour vérifier l’ordonnance, et dispenser les médicaments tout en assurant la sécurité du patient.
Une réussite non acquise.
Toutefois, la réussite de cette révolution de la profession n’est pas acquise. « En Belgique, les entretiens d’accompagnement de nouvelle médication pour les patients asthmatiques sont instaurés depuis le 1er octobre 2013. Mais seulement 30 % des pharmaciens se sont investis dans cette nouvelle mission », constate avec insatisfaction Charles Ronlez, président de l’Association pharmaceutique belge. De plus, les pharmaciens qui se sont lancés dans l’aventure regrettent le manque de lien avec le médecin et le peu d’intérêt des patients. Pour que le virage de la consultation pharmaceutique soit réussi, l’image de la profession doit tout d’abord changer. Pour cela, il faut tout d’abord s’assurer que les pharmaciens sont bien formés aux nouvelles missions et y excellent. « Nous devrons toujours nous justifier, nous, pharmaciens, de ce que nous entreprenons », insiste Charles Ronlez. Ensuite, il faut que les médecins acceptent les délégations de tâches au pharmacien et en reconnaissent l’intérêt. Enfin, le public doit être informé des nouvelles compétences de son pharmacien. « Car aujourd’hui, dans la tête des patients consommateurs, « on prend rendez-vous chez le médecin », mais on ne fait que « passer » à la pharmacie, commente le président belge. Tout un mode de pensée est à changer. Néanmoins, il faut persévérer. Dans quelques années, je suis persuadé que l’économie de la pharmacie sera plus équilibrée, avec des services rémunérés de façon adéquate (qu’ils soient pris en charge ou non) », conclut-il. Avec le temps, certains pays comme le Royaume-Uni ont bien relevé le défi avec succès.
Dans les Alpes-Maritimes
Dépistage du VIH : une expérimentation à l’officine
Marché de l’emploi post-Covid
Métiers de l’officine : anatomie d’une pénurie
Près de 45 fois plus de cas en 2023
Rougeole : l’OMS appelle à intensifier la vaccination en Europe
Pharmacien prescripteur
Après les vaccins, les antibiotiques