Antiarthrosiques d’action lente

Les effets secondaires du déremboursement

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Publié le 14/09/2015
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Le déremboursement des antiarthrosiques symptomatiques d’action lente laisse les patients seuls face à la prise en charge de leurs douleurs. Rhumatologues et associations de patients insistent pour une meilleure information du patient sur les risques liés à l’automédication.

Six mois après le déremboursement des antiarthrosiques symptomatiques d’action lente (AASALs), le Laboratoire Expanscience, les professionnels de santé, ainsi que les associations de patients dressent l’état des lieux de la prise en charge de l’arthrose, une maladie touchant 17 % de la population. Jusqu’alors 1,5 million de patients était traité par AASALs. Il s’agit pour la plupart de personnes âgées, polymédiquées présentant des comorbidités et un risque iatrogénique majoré. Près de la moitié des patients arthrosiques présente un risque cardio-vasculaire et/ou gastro-intestinal.

Le déremboursement fait craindre à l’ensemble des acteurs, un report vers d’autres thérapies plus problématiques comme le recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), aux infiltrations corticoïdiques et surtout à l’automédication (paracétamol, AINS en vente libre). Des craintes qui se sont déjà confirmées. La baisse des ventes d’AASALs depuis mars, traduit une désaffectation pour ces produits sur l’ensemble du marché. Expanscience enregistre ainsi une chute de 45 % de ses ventes à l’unité. Le laboratoire s’attendait à pire. « Nous sommes parvenus à endiguer cette baisse en incitant les médecins généralistes et les pharmaciens à communiquer avec leurs patients sur les choix à faire en matière thérapeutique », relate Bruno Boezennec, directeur des opérations rhumatologie chez Expanscience.

Des pharmaciens très attendus

Reste cependant une urgence à soulager la douleur des patients. « Ils ont un sentiment d’abandon qui nécessite un réel besoin de conseil médical et pharmaceutique. L’intervention du pharmacien est attendue en première ligne », constate Laurent Grange, rhumatologue au CHU de Grenoble et président de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR). En effet, les enquêtes patients révèlent dans 80 % des cas un impact important sur le moral et la qualité de vie, tandis qu’un quart des personnes redoute des déformations et leurs conséquences esthétiques. De plus, le déremboursement a suscité l’incompréhension des patients qui s’estiment désormais mal suivis sur le plan médical.

Un poids socio-économique

Certes, les différents acteurs ne souhaitent pas remettre en cause la décision du déremboursement. Ils ne peuvent cependant s’empêcher d’en évoquer les conséquences socio-économiques. Le Dr Laurent Grange rappelle ainsi que lors de la première modification de remboursement des AASALs (de 35 % à 15 %), 79 % de reports sur les IPP/AINS avaient été observés. Ces alternatives ne sont cependant pas seules en cause. D’autres surcoûts sont à craindre, notamment en orthopédie alors que, jusqu’à présent, on posait deux fois moins de prothèses du genou (coût : 15 000 euros) en France que dans les autres pays européens.

Très sceptique sur les économies pouvant résulter du déremboursement des AASALs à la lueur de l’expérience des mucolytiques et des expectorants désormais déremboursés, Stéphane Billon, économiste de la Santé rappelle de son côté que l’arthrose est la première cause d’incapacité fonctionnelle pour les personnes de plus de quarante ans. La maladie a engendré 5 millions de journées de travail perdues en 2002, et 180 millions d’euros d’indemnités journalières. « Soit autant de perte de productivité, de revenus et de cotisations sociales », conclut l’économiste. Raison de plus pour éduquer les patients et les informer sur les risques du paracétamol, des AINS et de l’automédication, comme l’y exhorte le Dr Grange, appelant à « remobiliser les troupes - médecins et pharmaciens - autour du patient ».

Expanscience, pour sa part, intensifie ses services digitaux dédiés aux patients sur ses sites Arthrolink et Arthrocoach. Le laboratoire met également des outils à disposition des professionnels de santé, comme une banque de données radiologiques et pour les médecins généralistes, l’application de Lequesne, un indice algofonctionnel évaluant le handicap du patient.

D’après une conférence de presse d’Expanscience.
Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3199