LA GRANDE PIONNIÈRE en ce qui concerne les nouvelles missions du pharmacien, c’est la province d’Alberta, au Canada. Là-bas, tout commence en 1962 avec l’octroi du droit de substitution de princeps par des génériques pour les pharmaciens. Puis, en 2007, le droit de prescrire certains médicaments ainsi que l’autorisation de pratiquer des injections, dont les vaccins contre la grippe. « Aujourd’hui, l’Alberta est l’un des endroits du monde où l’éventail des services prodigués par les pharmaciens est le plus large », note Luc Besançon, secrétaire général de la Fédération Internationale pharmaceutique (voir encadré).
Bien entendu, pour élargir ainsi leurs pratiques, les pharmaciens doivent suivre des formations obligatoires et répondre aux exigences fixées par le Collège des pharmaciens d’Alberta (équivalent de l’Ordre des pharmaciens). L’excellence se doit d’être au rendez-vous.
Québec : la loi qui changera tout.
Les autres provinces du Canada suivent petit à petit. Notamment au Québec, où les choses se mettent progressivement en place. « Dans un contexte de pénurie de médecin de famille, le pharmacien joue un rôle de première ligne. Déjà, localement, nous pouvons modifier une ordonnance, ou prescrire certains médicaments comme les IPP, l’acide folique, la contraception, le traitement hormonal substitutif, les substituts nicotiniques, etc. », indique Isabelle Tremblay, membre de l’Ordre des pharmaciens du Québec.
Et ce n’est qu’un début. « Nous sommes en attente de la promulgation de la loi 41, qui permettra d’officialiser de nouvelles missions pharmaceutiques dans toute la province », avance Bertrand Bolduc, président de l’Ordre des pharmaciens de la Belle Province. Le pharmacien verra alors son champ d’action aussi étendu qu’en Alberta.
Au Québec, toutes ces nouvelles missions seront rémunérées, de l’ordre de 12 à 20 euros, et feront l’objet d’une formation adéquate. « Normalement, la loi devrait s’appliquer dès cet été », espère Bertrand Bolduc.
Suisse : des pharmaciens forment les médecins.
La Suisse fait, elle aussi, figure de modèle. « En 2001, pour pallier une baisse de plus de 20 % des prix du médicament, la rémunération des pharmaciens a été modifiée en profondeur », indique Luc Besançon. Ainsi, pour que la profession reste viable, cette rémunération du pharmacien a été déconnectée du prix des médicaments, et l’on a pris en compte le financement de leurs prestations intellectuelles.
Par exemple, aujourd’hui, le pharmacien suisse est rémunéré pour animer des « Cercles de Qualité » dans certains cantons, comme celui de Fribourg. « Ces cercles réunissent 5 à 8 médecins autour d’un ou deux pharmaciens formateurs. L’objectif est de rationaliser les prescriptions des médecins, en analysant la fréquence et le volume des prescriptions, la pénétration des génériques », détaille Matthieu Goldschmidt, pharmacien adjoint en Suisse. La rémunération n’est pas symbolique : « le pharmacien formateur touche 160 euros de l’heure pour animer de tels cercles », poursuit le jeune adjoint. Et les organismes payeurs sont satisfaits de l’opération : ces cercles permettent de réaliser des économies annuelles en médicaments de 90 000 à 140 000 euros par médecin participant.
Toujours en Suisse, le programme NetCare permet au pharmacien de prendre en charge certains symptômes à l’officine avec la dispensation de médicaments à prescription médicale facultative. Si besoin, une visio-consultation avec un praticien peut être organisée à l’officine. Celui-ci pourra même faire parvenir une ordonnance par fax. Pendant la phase pilote, entre avril 2012 et juin 2014, 200 pharmacies ont participé et plus de 5 000 conseils NetCare ont été proposés, le plus souvent pour des infections des voies urinaires (environ 40 % des cas) et des conjonctivites (25 %). Bilan : 73 % des cas ont pu être traités de façon définitive par le pharmacien. Seulement 20 % des cas ont conduit à l’appel d’un médecin, via une téléconsultation. Face à ce succès, « le projet NetCare sera étendu à toutes les pharmacies cette année », rapporte Luc Besançon.
Freins et limites.
Les exemples de nouvelles missions pharmaceutiques mises en place à l’étranger ne manquent pas. Au Danemark, les pharmaciens envoient des SMS aux patients afin de leur rappeler de bien suivre leur traitement. En Écosse, ils font le suivi du sevrage tabagique. En Irlande, au Portugal, en Italie, aux Philippines, aux États-Unis et dans certaines régions du Royaume-Uni, l’officinal peut vacciner. Au Japon, l’une de ses missions est de vérifier qu’aucun produit dopant ne figure sur les ordonnances des sportifs de haut niveau… Toutes ces initiatives ont montré leur efficacité, tant sur la santé des patients que sur les économies pour le pays.
Mais, parfois, une rémunération insuffisante peut freiner la mise en place des nouvelles missions. Pas seulement. Le patient mal informé des nouveaux rôles du pharmacien, peut aussi refuser de bénéficier de ces nouveaux services. Sans parler des réticences des autres professionnels de santé. « Pour réussir ce pari, l’Australie a choisi de donner un petit coup de pouce financier aux médecins : ces derniers sont ainsi rémunérés pour appliquer les recommandations des pharmaciens à la suite d’un entretien thérapeutique pour les patients polymédiqués », évoque Luc Besançon. Enfin, les pharmaciens doivent eux aussi être convaincus de l’intérêt de ces nouvelles missions, qui permettent de mettre en avant ses compétences dans le domaine de la santé.
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