BIEN AVANT que l’accompagnement des patients sous AVK devienne réalité, de nombreux pharmaciens réalisaient déjà des entretiens pharmaceutiques dans des domaines variés, tels le diabète, les risques cardio-vasculaires, l’hypertension artérielle, l’obésité, la diététique, l’asthme, le tabagisme, voire même des pathologies lourdes, comme le cancer. Et ce gratuitement. C’est le cas notamment de Céline Ropars, titulaire à Auterive (Haute-Garonne), de Philippe Lemarquis, titulaire à Aire-sur-Adour (Landes) ou encore d’Antoine Bordas, titulaire à Saint Jean d’Angély (Charente-Maritime), que le « Quotidien » a interrogé.
Combien de temps dure un entretien ?
Certains y consacrent beaucoup de temps. Dans l’officine de Philippe Lemarquis un entretien peut ainsi durer jusqu’à 1 heure, à raison de 5 à 10 entretiens chaque jour. Antoine Bordas passe, lui, de 30 à 45 minutes avec un patient. La fréquence est d’une dizaine d’entretiens par mois lors des périodes creuses et jusqu’à 40 certains mois. En trois ans, le titulaire de Saint Jean d’Angély et son équipe en ont mené environ 200. « Les rendez-vous sur le tabagisme notamment, ont rencontré un vif succès », indique Antoine Bordas. Céline Ropars réalise pour sa part entre 5 et 6 face-à-face par semaine, d’une vingtaine de minutes chacun. À noter qu’en ce qui concerne le suivi des AVK, l’avenant conclu avec l’assurance-maladie prévoit au moins deux rendez-vous dans l’année par patient.
Comment les patients sont-ils informés de ce service ?
Pour communiquer sur les entretiens qu’il propose, Antoine Bordas privilégie l’affichage : une grande affiche dans l’officine et des plus petites insérées dans les comptoirs en verre. « Nous ne proposons pas directement ces services aux patients. L’objectif est que la démarche vienne plutôt d’eux », explique-t-il. À l’inverse, Philippe Lemarquis mise sur la communication au comptoir. En fonction du profil des patients, il leur propose un accompagnement adapté. Il dispose ainsi d’une petite fiche d’évaluation qui lui permet d’introduire le sujet avec le patient. « En fonction de ses réponses, cela débouche sur une prise de rendez-vous », explique-t-il. Céline Ropars privilégie elle aussi la communication avec les patients au comptoir. Elle organise également des journées ou des semaines de dépistage, en lien avec les grandes journées nationales du diabète ou de l’hypertension, par exemple.
Rappelons que pour les AVK, l’assurance-maladie adressera un courrier d’information aux patients susceptibles d’être concernés, accompagné d’un bulletin d’adhésion. Mais l’intégration au dispositif d’accompagnement pourra également être proposée par le pharmacien à l’initiation du traitement.
Où se déroulent les entretiens ?
Pour mener les entretiens pharmaceutiques, un espace de confidentialité est indispensable. Antoine Bordas, a ainsi complètement réaménagé son local d’orthopédie pour y mettre une table et des chaises. Philippe Lemarquis dispose, lui, d’une salle dédiée. Mais, face au succès rencontré par les entretiens, elle ne suffit plus. « Nous sommes en train de réaménager la pharmacie, avec deux salles de confidentialité pour la prise en charge des entretiens et une autre pour les petits soins et les prélèvements », souligne le pharmacien landais. La pharmacie de Céline Ropars compte également une salle fermée, spécialement aménagée, où le patient peut être, en toute tranquillité, pesé, mesuré et dépisté.
Une formation est-elle indispensable ?
Pour mener à bien ces entretiens, les titulaires ont tous suivi des formations, ainsi que leurs équipes. Tous les trois sont adhérents de Préventime, société qui propose des formations au sein de la pharmacie et un suivi aux officinaux. Chez Philippe Lemarquis, deux à trois personnes partent en formation externe chaque mois et une formation interne est organisée mensuellement par l’équipe officinale elle-même, afin « que tout le monde tienne le même discours face au patient ». Pour les AVK, de nombreux programmes de formation sont d’ores et déjà proposés par l’UTIP formation, mais aussi par des laboratoires et des groupements (voir en page 4).
Quels sont les inconvénients rencontrés ?
Les trois titulaires pointent un investissement conséquent en temps, voire en argent, pour des entretiens non rémunérés pour l’instant. Car pour le suivi des patients sous AVK un forfait de 40 euros par an et par patient sera versé au pharmacien. « Une bonne organisation est nécessaire afin de dégager du temps pour ces rendez-vous », note Céline Ropars. « Il faut une structure qui permette de le faire, estime Antoine Bordas. Cela risque d’être difficile pour une petite officine avec peu de personnel. »
Quels bénéfices peut-on tirer de ces expériences ?
« Les entretiens pharmaceutiques m’ont permis d’impliquer mes adjoints. L’un d’eux a suivi une formation diététique et a pu la mettre en pratique. De plus, la clientèle nous voit différemment. Pour elle, nous ne sommes plus seulement des vendeurs de boîtes, mais des professionnels de santé avec qui il est possible de discuter », apprécie Antoine Bordas. Céline Ropars observe de son côté que ces entretiens permettent de « fidéliser la clientèle », voire de gagner de nouveaux patients grâce au bouche-à-oreille. Enfin, pour Philippe Lemarquis, c’est une démarche qui entre complètement dans le rôle du pharmacien. « Le patient doit ressortir de la pharmacie avec le sourire et en ayant compris son traitement », estime-t-il.
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