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Grippe : et si les pharmaciens avaient vacciné ?

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Publié le 19/01/2017
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Rien ne permet d’assurer dans quelle mesure la vaccination à l’officine aurait permis de limiter, cette année, l'ampleur de l’épidémie de grippe. Mais une chose est sûre, cette nouvelle compétence des pharmaciens va modifier profondément le profil des prochaines campagnes de vaccination.
vaccination officine

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Précoce et virulente. Tels sont les termes retenus pour qualifier la grippe version 2016-2017, dont le pic est en passe d’être atteint en cette mi-janvier. Cette épidémie aura créé la surprise dès la veille des fêtes de fin d’année, touchant jusqu’à 578 000 personnes et provoquant 2 865 hospitalisations dont 627 cas graves admis en réanimation (chiffres au 16 janvier 2017).

Mais à la différence du virus A(H1N1) pdm09 qui avait fait des ravages chez les jeunes enfants l’année dernière, l’épidémie actuelle a pour principale particularité une forte prévalence du virus A(H3N2) touchant en priorité les plus de 65 ans (voir ci-dessous).

À Lyon, 72 des 110 résidents d’un EHPAD en ont fait les frais. Treize d’entre eux en sont même décédés en l’espace de deux semaines. Cet événement exceptionnel a réveillé la mobilisation des pouvoirs publics, suscitant la mise en place de mesures d’urgence.

Mais au-delà de la question de la couverture vaccinale - 6 des 13 patients décédés étaient vaccinés contre la grippe - et de l’immunosénescence, ces décès ont surtout relancé le débat sur l’obligation de la vaccination des soignants. Force est en effet de constater que 38 % seulement des personnels de l’EHPAD lyonnais étaient vaccinés. Un taux toutefois supérieur à la moyenne nationale observée en milieu hospitalier où l'on atteint péniblement les 25 % à 30 %.

Les pharmaciens doublement impliqués

Le drame de Lyon aurait-il pour autant pu être évité si la totalité du personnel avait été vaccinée ? Aucune étude n’a, à ce jour, apporté un niveau de preuves suffisant sur les bénéfices de la vaccination des soignants. Même s’il est évident qu’elle peut contribuer à réduire la mortalité et la morbidité des personnes âgées en diminuant le nombre d’infections et de syndromes grippaux. Ce dernier constat a amené le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) à recommander en 2016 de la rendre obligatoire en cas de pandémie grippale. Du reste, la question de l’obligation vaccinale sera à l’ordre du jour d’une réunion avec les professionnels de santé, le 27 janvier.

Pour l’heure, rien ne dit que cette éventuelle obligation vaccinale serait applicable aux professionnels de santé libéraux. Mais dans l'affirmative, les pharmaciens pourraient être alors impliqués à double titre dans la vaccination antigrippale. Car l'hiver prochain, on pourra commencer à compter sur l'acte de vaccination réalisé par les officinaux.

Rien ne permet non plus de dire si cette nouvelle mission leur aurait donné, cette année, les moyens d’endiguer la flambée de l’épidémie. Même si les exemples de l’Irlande et du Portugal, où les pharmaciens détiennent cette compétence, livrent des indices encourageants. Un rapport de la Fédération pharmaceutique internationale (FIP) de 2016 relève ainsi dans ces pays une hausse significative de la couverture vaccinale. La FIP rappelle par ailleurs qu’il serait possible, de manière générale, de vacciner une personne sur 8 dans le monde grâce au concours du pharmacien.

Un mouvement d’anticipation

La démonstration n'est plus à faire aux pharmaciens si l’on en juge l’engouement suscité par les formations à la vaccination. L’UTIP, qui fait déjà figurer 35 sessions de formation à son catalogue sous le titre « la vaccination en pratique », affiche déjà de beaux scores d’inscription. « Les sessions de vingt participants chacune se confirment pour Bordeaux, Lyon, Toulouse, et le mouvement s’amorce plutôt bien pour six autres villes. Pour un tout début d’année il apparaît nettement que le sujet intéresse les pharmaciens », analyse Catherine Rorato, directrice des opérations UTIP Innovations.

L’organisme de formation n’a pas attendu la publication des décrets d’application pour programmer son tour de France. « Peu importe qu’ils soient ou non dans une zone d’expérimentation, il est important que les pharmaciens se lancent dès le début des formations. Plus ils montreront leur intérêt et plus ils légitimeront l’élargissement de l’expérimentation à toute la profession », augure Catherine Rorato. Pour Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), cet élargissement est déjà entériné. Ou presque. Il entend en tout cas faire figurer dans la prochaine convention un avenant étendant la vaccination à la « post-expérimentation ».

Les fabricants qui auront commercialisé 9,3 millions de doses cet hiver, soit 2 % de plus qu’en 2015/2016, anticipent eux aussi sur la vaccination à l’officine. Le Laboratoire Pierre Fabre HealthCare confirme ainsi que, tenant compte de l'expérimentation de la vaccination à l'officine, il a prévu de mettre à disposition une quantité plus importante de vaccins Immugrip pour la saison 2017-2018.

Bien qu’il subsiste de nombreuses inconnues sur les régions « pilote » rendant ainsi les projections difficiles, Sanofi Pasteur déclare qu’il intégrera lui aussi ce nouveau paramètre pour calibrer sa production, voire pour ajuster les allocations pour la France. Avantage de taille au calendrier, le décret d’application est attendu fin février début mars, période à laquelle l’OMS émet traditionnellement ses recommandations sur les souches du vaccin de la saison prochaine.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3318