Respectivement, pharmacien d’officine et directeur d’établissement de répartition pharmaceutique, Gérard Eap et Vincent Theodoly témoignent de l’ampleur de la tragédie qui a frappé Mayotte au passage du cyclone Chido, samedi 14 décembre. Au-delà des drames humains qui se nouent au cœur même du réseau pharmaceutique, l’urgence est d’assurer la continuité des soins et l’approvisionnement en médicaments d’une population en détresse.
« Des morts en pagaille que les autorités ne veulent considérer. Les dialyses se sont arrêtées, les survivants parmi les dialysés ont pu être évacués. Je veille la nuit à côté de la pharmacie pour éviter les pillages et j’essaie de remplir mon rôle de pharmacien la journée », a témoigné ce matin Gérard Eap, titulaire à Dzaoudzi, dans un message adressé à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qu’il représente sur l’archipel. Le pharmacien, qui détient pourtant une expérience dans l’humanitaire, est anéanti par l’ampleur du désastre : « Je soigne des bras et des jambes coupés. On m’a même ramené un gosse décédé pour savoir ce que je pouvais faire ». Sans compter que sans eau, ni électricité, les maladies commencent à apparaître. « Je donne à ceux qui ne peuvent pas payer ou n’ont pas de Sécu. On essaie de faire honneur à la profession… »
C’est dans cette course contre la montre qu’est également engagé Vincent Theodoly dirigeant de PHARMAR (La Réunion) et COHARMAY (Mayotte), deux filiales du grossiste répartiteur CERP Bretagne Atlantique. « Nous sommes lancés dans un sprint pharmaceutique et dans un marathon lié à l’urgence de la situation », résume-t-il pour décrire des conditions très complexes que connaît la chaîne pharmaceutique. Sur les 27 officines que dénombre le territoire, une douzaine manque encore à l’appel. « Nous avons pu établir des contacts progressivement avec une quinzaine de pharmacies. Mais les communications – les réseaux sont coupés – tout comme l’énergie restent nos deux principales préoccupations. » Son établissement qui compte une vingtaine de salariés est toujours sans nouvelle de quatre d’entre eux. Aucun dégât majeur à part des infiltrations ne sont en revanche à déplorer dans les espaces de stockages où seul un moteur de chambre froide a été endommagé par la chute d’un madrier. Les stocks sont par conséquent intacts et le groupe électrogène fonctionne. « Notre priorité est désormais de maintenir le stock en sécurité pharmaceutique et d’assurer les livraisons vers les pharmacies qui auront la garantie de pouvoir conserver ces produits dans les conditions requises », déclare-t-il. Des groupes électrogènes seront mis à la disposition des officines qui, elles-mêmes, fonctionnent en mode dégradé afin de pouvoir économiser l’énergie. Les commandes sont ainsi passées par téléphone auprès de l’établissement réunionnais.
Le grossiste-répartiteur qui est en lien constant avec l’ARS et la préfecture a également pour autres inquiétudes d’avoir accès aux carburants pour ses véhicules. Car les stocks qui permettent de répondre à une demande classique, renforcés par des containers en route depuis La Réunion, doivent être acheminés au plus vite vers les populations sinistrées. « La priorité est donnée aux produits antiseptiques, antipyrétiques, antispasmodiques et antibiotiques mais nous devons aussi anticiper sur les maladies infectieuses qui peuvent rapidement surgir, prévoir des vaccins antitétaniques, sans oublier qu’avec ces fortes pluies, les antipaludiques vont être nécessaires. Nous devons également assurer l’approvisionnement en produits de soins d’urgence, en matériel médical », énumère Vincent Theodoly. « Notre objectif est de gérer intelligemment les ressources et les capacités de stockage, quitte à opérer des arbitrages », poursuit-il. La pharmacie de ville doit aujourd’hui suppléer l’hôpital et sa pharmacie totalement détruits. « Nous restons debout et nous devons continuer à le rester et pour cela nous devons être sécurisés », ajoute le dirigeant de COHARMAY. Tout comme Gérard Eap, qui veille la nuit à côté de sa pharmacie pour éviter les pillages, le grossiste-répartiteur espère que ses chauffeurs ne seront pas pris à partie lors de leurs tournées. « Pour l’instant, nous n’avons pas été concernés par les pillages, ni les pharmacies, j’espère que la population comprendra que nous faisons de notre mieux. »
En écho à ces témoignages poignants, la solidarité de la profession se met en place. L’USPO envisage de se coordonner avec les organisations humanitaires sur le terrain « pour mieux organiser les aides au niveau du circuit d’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux ». Son président, Pierre-Olivier Variot, a déjà alerté le directeur général de l’assurance-maladie afin de pouvoir soutenir les officines mahoraises par des avances de trésorerie, comme cela avait été le cas au moment des incidents en février dernier. Le syndicat a également demandé aux assureurs de la branche (Klesia et APGIS) de reporter les encaissements et de mettre en place un dispositif d’aide pour les salariés à la caisse de retraite.
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