Le Quotidien du pharmacien.- Comment, il y a 20 ans, la carte Vitale a-t-elle révolutionné les habitudes des professionnels de santé et des assurés ?
Pierre Peix.- L'arrivée de la carte Vitale a été synonyme d'une certaine modernité partagée. Elle a apporté, tant pour les professionnels de santé que pour les assurés, plus de fluidité et de rapidité dans les échanges. Rendez-vous compte que le délai moyen de remboursement est passé de 20 jours à 5 jours. Il faut se souvenir d'où nous venions. Avant, une carte "papier" était envoyée chaque année aux assurés avec tout ce que le traitement administratif des demandes de prise en charge comportait d'archaïque, notamment au sein des pharmacies… La proportion des dossiers de remboursement assurés au moyen de la Carte Vitale est passée de 53 % en 2000 à 94 % en 2017.
Quels ont été (et sont encore) les freins à son développement ?
Comme pour tout changement, il y a certains freins à son développement. Mais rappelons que globalement son introduction s'est bien déroulée. Notamment parce que celle-ci a fait l'objet de négociations conventionnelles avec les professionnels de santé : pharmaciens, médecins et auxiliaires de santé. Côté pharmacies, l'adoption du dispositif a été plutôt rapide, car les officines étaient déjà largement informatisées et les éditeurs de logiciels métier ont très vite joué le jeu. Les choses ont été un peu plus lentes avec les médecins libéraux, en lien avec l’informatisation des cabinets médicaux pour laquelle des aides à l'équipement informatique ont été accordées à la fin des années quatre-vingt-dix.
Côté assurés, l'adhésion à la carte Vitale a vite été unanime. À quoi attribuez-vous ce succès ?
C’était l’époque du boom de l’usage de la carte à puce et nous allions dans le sens de la modernité. Et les assurés ont vite observé qu'ils avaient tout à y gagner : des remboursements plus simples, plus fiables et plus rapides, le bénéfice était immédiat. On peut dire que la « carte verte » a été adoptée massivement, s’installant dans la vie quotidienne des assurés, en trouvant sa place dans le portefeuille des assurés auprès de la carte bleue.
Justement, cette nouvelle carte n'a-t-elle pas été perçue comme une seconde carte de crédit, comme un sésame à la dépense ? Avez-vous observé un sursaut de consommation de soins lors de son introduction ?
Non, pas du tout. Nous n'avons rien objectivé de tel. Ni hausse des remboursements, ni usage abusif.
Bien que souvent évoquées, les fraudes à la carte Vitale semblent rester du domaine du fantasme. Peut-on parler d'une parfaite infaillibilité du dispositif ?
Les abus d'usage de la carte Vitale restent extrêmement marginaux. Sans compter que l'ajout de la photo en 2007 a encore rendu plus difficile ce type de pratique. Et quant à parler de fraude par contrefaçon de cartes, elle est peu probable. En effet, le principe de couverture santé universelle qui existe en France rend cette falsification parfaitement inutile.
Après le projet de carte biométrique, qui a finalement été abandonné, quelles seront les prochaines évolutions de la carte Vitale ?
Nous allons mettre en place un projet de dématérialisation de la carte Vitale. L'idée de développer une « application carte Vitale », utilisable à partir d'un smartphone et permettant les échanges avec les professionnels de santé, est actuellement à l'étude. Les modalités pratiques du dispositif sont en cours d’expertise.
N'y aura-t-il décidément jamais de données médicales sur la carte verte ?
Introduire des données médicales dans la Carte Vitale, il n'en est pas question et il n'en sera jamais question pour plusieurs raisons : des raisons techniques, car la puce ne pourrait matériellement pas les accueillir, mais aussi des raisons liées à la confidentialité des données. Mais surtout, parce que l'hébergement des données à caractère médical est désormais clairement confié au DMP. La carte Vitale reste et restera un support exclusif de données administratives.
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