En Europe, du nord au sud des Alpes, la marge officinale connaît de très grandes variations. Elle atteint ainsi 3 % en Autriche contre 30 % en Italie ! Certains pays comme l’Angleterre ou les Pays-Bas autorisent les pharmaciens à conserver la différence entre le prix d’achat du médicament et le montant du remboursement octroyé par l’assurance-maladie. Cependant, en dépit de ces importantes disparités, la plupart des pays ont abandonné la marge strictement proportionnelle au prix de la boîte au profit de la marge dégressive.
Mais ce changement de paradigme ne suffit plus aujourd'hui. Dans son étude « Missions et rémunération des pharmaciens : éclairages internationaux »*, l'assurance-maladie relève que tous les pharmaciens européens font face au même dilemme. Comment désensibiliser les revenus officinaux des baisses de prix du médicament ? Et comment, dans un contexte de la baisse de la marge de distribution, assurer la pérennité de l'entreprise officinale alors que les frais d'exploitation augmentent ? Parmi les impulsions données par la profession dans divers pays pour corriger ces dérives, nombre d’initiatives se rejoignent pour matérialiser de nouveaux modes de rémunération au travers de nouveaux accords conventionnels. Et ce en dépit de contextes et de système de santé différents.
Des honoraires multiples
Outre leur expertise dans la dispensation, qui reste leur cœur de métier, les pharmaciens font valoir leur implication dans l'accès et la continuité des soins. Hormis les officinaux espagnols dont la rémunération se fonde encore exclusivement sur les marges, « un cas isolé » comme le souligne l'assurance-maladie.
Dans leur quasi-unanimité, les politiques de santé mises en place en Europe au cours de ces dernières années s’accordent en effet à reconnaître l’acte de dispensation en lui dédiant un honoraire spécifique. C'est le cas de l'Hexagone qui compte pas moins de six honoraires et de l'Italie qui a introduit, il y a un an, trois honoraires différents. Ou encore du Portugal qui a opté pour une rémunération forfaitaire équivalant « à 80 % du prix total du conditionnement ». Ce système d'honoraire par conditionnement a également été adopté en Angleterre et en Belgique, tandis que l'Allemagne comme la France l'ont mixé avec un honoraire par ordonnance. Si en Suisse la rémunération par honoraires de prestations tient aujourd'hui du mille-feuille, l'Angleterre a préféré la simplification en concentrant quatre honoraires sous un unique single activity fee (honoraires de dispensation unique).
Missions nouvelles
Mais l'honoraire ne suffit plus aujourd'hui à recouvrir l'étendue des services rendus par le réseau officinal, et tout particulièrement les missions de santé publique qu'il assure. Dans une Europe à deux vitesses, la France, la Belgique et l'Angleterre se démarquent par l'engagement de leurs pharmaciens dans les services pharmaceutiques. Tandis que d'autres pays, comme l'Allemagne, l'Italie ou le Portugal n'en sont encore qu'au stade des négociations ou des expérimentations.
Dans sa globalité, la rémunération du pharmacien européen tend cependant à prendre une forme hybride, comme l'observe l'assurance-maladie, entre des honoraires de dispensation visant à revaloriser la rémunération et l'apparition de rémunérations spécifiques pour rétribuer les missions de santé publique. Y compris les nouveaux rôles du pharmacien dans le parcours de soins. En Angleterre, les pharmaciens peuvent ainsi depuis novembre 2020 délivrer des médicaments de prescription obligatoire sans ordonnance, selon certains protocoles, pour un honoraire de 16,66 euros.
Bien qu'encore minoritaires dans l'exercice officinal, et marginales dans la rémunération du pharmacien, ces missions font tache d'huile en Europe (voir tableau ci-dessous). Elles n'en révèlent pas moins la volonté des politiques de santé d'intégrer de manière croissante les pharmaciens dans l'organisation des soins. L'assurance-maladie souligne « cet essor du nombre de services centrés sur le patient, notamment dans le domaine de la prévention et de l'accompagnement ». Une trajectoire sur laquelle les pharmaciens français ont été propulsés par l'avenant 11 à la convention pharmaceutique de 2017. Et plus encore par la crise sanitaire.
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