Ils attendent en moyenne d’avoir 64,11 ans (1) pour franchir le pas. Ces titulaires qui choisissent de partir à la retraite sont, génération baby-boomer oblige, chaque année de plus en plus nombreux. Selon les statistiques de la Caisse d’assurance-vieillesse des pharmaciens (CAVP), 1 405 titulaires avaient fait valoir leurs droits fin 2017. Ils étaient 1 163 deux ans auparavant (2). Mais, paradoxalement, le nombre de leurs confrères qui rempilent bien au-delà de l'âge légal, augmente d’année en année. En 2018, ils étaient ainsi 1 244 âgés de 66 ans et plus (3) à être encore en exercice. Soit, 5,7 % de plus qu’en 2017.
Ces seniors irréductibles représentent aujourd’hui 4,7 % des pharmaciens inscrits en section A, contre 4,4 % en 2017. Ces cohortes sont désormais équivalentes à celles des jeunes titulaires de 26 à 31 ans, imprimant ainsi à la pyramide des âges la configuration d’un losange presque parfait. Cet allongement de la durée de vie professionnelle n’est certes pas propre à la profession. Il correspond au recul général du départ à la retraite en France. Cependant, le nombre croissant de titulaires à retarder leur décrochage professionnel reflète une réalité spécifique au marché officinal. « Les titulaires partent plus tard à la retraite, soit parce que leur affaire tourne parfaitement et donc pour eux la vente va signifier une baisse significative de leur revenu, soit parce que leur pharmacie est très difficilement vendable, ce qui les condamne à attendre un potentiel acquéreur », constate Philippe Becker, du cabinet Fiducial. Un dernier dilemme auquel semblent confrontés de plus en plus de titulaires (voir ci-dessous).
Les titulaires sont donc bien avisés de préparer tout au long de leur carrière la vente de leur officine car, rappelle Philippe Becker, « le produit de la cession va représenter un capital important pour leur retraite. Ils doivent tout faire pour que la pharmacie qu'ils exploitent soit attractive pour le marché ! ».
Les réalités du marché
Rien d'étonnant donc à ce que le travail des experts-comptables s'oriente plus que jamais vers une activité de conseil. « Bien souvent, ces pharmaciens en fin de carrière ont acquis leur officine à un prix élevé, notamment lors de la bulle qu'a connu le marché officinal. Ils restent donc bloqués sur un prix fixé d'avance et refusent de céder à un montant inférieur. Cela peut se comprendre. Cependant, ils s'épuisent non seulement physiquement et psychologiquement mais aussi financièrement en réinjectant parfois dans le compte courant. C'est à nous de leur rappeler la réalité du marché », note Mathéa Quercy, experte-comptable auprès du cabinet éponyme.
La retraite est par conséquent un sujet abordé de plus en plus tôt avec les titulaires, souvent même dès qu'ils atteignent la cinquantaine. Car anticiper est le maître mot pour ces futurs retraités qui ne pourront compter en moyenne que sur une pension de 1 500 à 1 800 euros. « L'objectif va donc être de garantir le niveau de vie. Il va falloir compenser en envisageant en cours de carrière, vers l'âge de 50 ans, quand l'officine est remboursée, des opérations telles une OBO (owner by out), qui consiste à vendre son officine à soi-même en créant une holding à laquelle on revendra ses parts », expose Philippe Richard, conseiller en gestion du patrimoine auprès du cabinet Opti Patrimoine. « Cette démarche présente deux avantages, argumente-t-il, le titulaire agit en connaissance de cause puisqu'il s'agit de sa propre entreprise et cela permet de dégager un capital qui sera réinvesti de manière sécurisée en fonction du profil familial et personnel du futur retraité. »
Lâcher prise
Comme le rappelle la CAVP, les pharmaciens ont également la possibilité de maintenir ou de reprendre une activité libérale, alors même qu'ils perçoivent leurs pensions de retraite (4). Une solution pour ceux qui ne veulent, ou ne peuvent, lâcher prise. Une transition dans la douceur est également de plus en plus fréquemment évoquée. Pour répondre à la poussée des jeunes générations de diplômés tentés par l'aventure de l'officine, la profession met en place des dispositifs de transmissions intergénérationnelles (voir édition « abonné »). « Depuis trois ou quatre ans, la question de la transmission est devenue plus systémique et de plus en plus de titulaires sont réceptifs à ces dispositifs qui leur permettent de passer la main progressivement, au travers de différentes étapes de capitalisation, à un adjoint qui porte les mêmes valeurs qu'eux », relève Mathéa Quercy, recommandant toutefois de penser aux délais imposés. Si le pharmacien pourra conserver ses titres dix ans au sein d'une officine dont il a été titulaire, il ne pourra les détenir que deux ans en tant que simple investisseur. À noter que cette forme d'investissement, jusqu'à cinq officines différentes, offre au titulaire la sécurité d'un domaine qu'il maîtrise parfaitement, celui de l'officine. Et auquel il ne tournera donc pas définitivement le dos.
(1) CAVP chiffres clés édition 2018
(2) CAVP chiffres clés édition 2017
(3) Ordre national des pharmaciens. Démographie des pharmaciens. Panorama au 1er janvier 2019.
(4) Dans ce cas, les cotisations versées à la CAVP au titre de cette activité ne donneront aucun droit supplémentaire, ni dans le régime de base ni dans le régime complémentaire.
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