QUALITÉ. Une caractéristique quasi-naturelle pour les médicaments, qui ne serait toutefois plus systématique aujourd’hui. Selon David Simonet, fondateur et P-DG d’Axyntis, « au sein de l’Union européenne, quelque 2 % à 3 % des produits pharmaceutiques commercialisés en toute légalité dans le circuit officiel pâtiraient d’une moindre qualité. » Soit plusieurs millions de boîtes. Et à entendre les services douaniers, cette non-qualité des médicaments progresserait même à vitesse grand V. La raison ? « Une part croissante des matières actives sont fabriquées hors de l’Union européenne », explique le président du leader indépendant de la chimie fine en France.
Des chiffres qui mettent clairement en cause l’organisation économique de la chaîne du médicament. Car celui qui vend le produit final, ne « maîtrise pas forcément le processus de fabrication du principe actif ». Et, selon David Simonet, ces problèmes posent la question de la responsabilité des acteurs qui ont fait le choix d’externaliser leur production, ou encore de la délocaliser pour réduire les coûts. Une évolution toutefois logique, au regard des impératifs stratégiques et financiers qui gouvernent cette industrie et l’incitent à accélérer les délocalisations au nom d’une réflexion capitalistique sur toute la chaîne, et en particulier sur la production.
« La délocalisation des sites de production des multinationales qui, par essence, travaillent sur l’ensemble de la planète complique néanmoins la donne pour les autorités en charge de contrôler la qualité des produits pharmaceutiques », précise encore le fondateur d’Axyntis. D’autant que les fournisseurs eux-mêmes ont tendance désormais à sous-traiter, accentuant ainsi la fragmentation de la chaîne du médicament. Or « plus une chaîne est fragmentée, plus le risque est accru, puisque le risque de l’ensemble de la chaîne sera nécessairement celui du maillon le plus faible », précise encore David Simonet. Dès lors, la multiplication des maillons accentuera naturellement le risque puisqu’ils seront tous plus difficilement contrôlables, soit parce que le donneur d’ordre sera éloigné, soit parce qu’il ne connaîtra plus le métier du sous-traitant.
80 % des principes actifs viennent d’Asie.
Pour tenter de remédier à cette situation inquiétante, les pays membres de l’Union européenne ont durci la législation. Le décret n° 2012-1562 du 31 décembre 2012, relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à l’encadrement de la vente de médicaments sur Internet (« JO » du 1er janvier 2013), est ainsi venu renforcer les règles qui s’appliquent à l’importation de matières premières pharmaceutiques. Transposé en droit français, en juillet dernier, ce texte impose ainsi au fabricant de la spécialité pharmaceutique de fournir une déclaration attestant qu’il a bien vérifié que « le fabricant de la substance active a respecté les bonnes pratiques de fabrication en effectuant des audits ».
Car il n’est pas question de s’opposer à la mondialisation et aux délocalisations, mais simplement de faire respecter des règles qui encadrent ce mouvement, et ainsi de donner l’impression qu’il est maîtrisé. À défaut, « la réduction des coûts sur les produits de santé risquerait fort de déboucher sur des externalités négatives et d’engendrer des conséquences dangereuses pour la santé publique, puisque liées à la qualité et, donc, mesurables en terme d’efficacité elle-même ».
D’autant que quelque 80 % des principes actifs des médicaments commercialisés en Europe sont importés d’Inde… ou de Chine, pays où est né le scandale des héparines. Et les inspections diligentées par la direction européenne de la qualité du médicament (DQM) chez les fabricants de principes actifs, en particulier en Inde et en Chine, ont démontré un taux trois à quatre fois plus élevé de non-conformité par rapport aux bonnes pratiques de fabrication.
L’exemple américain.
D’où la nécessité d’instaurer un bon niveau de contrôle, à l’instar du GDUFA (Generic Drug User Fee Amendments), mis en place en 2012 aux États-Unis. Cette réglementation impose ainsi à toute société souhaitant exporter des principes actifs aux États-Unis à payer des forfaits pour renforcer le pouvoir de contrôle des autorités compétentes et notamment de la FDA (Food and drug administration). Il conviendrait donc, en clair, d’être beaucoup moins libéral et de mettre de place de réelles mesures protectionnistes pour garantir la qualité des principes actifs.
À défaut, les autorités publiques ne pourront se sortir de la schizophrénie qui les incite à la fois à considérer le médicament comme étant à l’origine de tous les maux de la Sécurité sociale et à vouloir garantir une réelle qualité des produits de santé. Et pour permettre aux pouvoirs publics de déployer les moyens de vérification nécessaires, il conviendrait sans doute de demander aux industriels de contribuer au financement de ces organismes en charge du contrôle de la qualité. En contrepartie, l’État pourrait alors leur accorder une simplification de la fiscalité qui les frappe aujourd’hui, et ainsi tendre vers la plus grande lisibilité fiscale réclamée par l’industrie pharmaceutique.
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