Dispensation adaptée ou intervention pharmaceutique, à peine lâchées ces deux expressions font déjà couler beaucoup d’encre. Et interrogent les pharmaciens. L’adaptation des posologies aux besoins réels du patient ne fait-elle pas déjà partie de leur exercice officinal au quotidien ?
« Beaucoup de pharmaciens font une intervention pharmaceutique dans la pratique », reconnaît Luc Besançon, docteur en pharmacie, fondateur directeur du cabinet Pharmacy & Consulting et ancien directeur de la Fédération internationale pharmaceutique (FIP). Pour autant, remarque-t-il, « à l'heure actuelle, le volume de ces activités n'est pas formalisé, et par conséquent les informations ne sont pas partagées avec l'assurance-maladie. Aussi, pas de formalisation, pas de rémunération. Tandis que si l’intervention pharmaceutique était formalisée et qu’une traçabilité était assurée, toutes les conditions seraient alors réunies pour que le pharmacien soit rémunéré ».
De fait, la rémunération du pharmacien est la condition sine qua non du succès de ce futur acte et de son effet bénéfique sur l’iatrogénie… et les finances de l’assurance-maladie. « Tant qu'à être obligé de faire une dispensation adaptée, d'un point de vue strictement économique, il est bien sûr plus intéressant pour le pharmacien de refuser la dispensation de produits peu coûteux et de courte durée, que de ne pas délivrer des prescriptions de plus longue durée », argumente Luc Besançon. Un contexte qui invite à mettre en place un dispositif de compensation financière.
Des ordonnances revues et corrigées
L'impact financier, immédiatement évoqué par Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) (voir ci-dessous), a été étudié par les pays étrangers - essentiellement anglo-saxons - qui ont mis en place la dispensation adaptée, élargie dans la majorité des cas à l’intervention pharmaceutique. En effet, il convenait autant de mettre en place une incitation financière pour le pharmacien, que de pallier un manque à gagner pour l’officine. Ainsi, explique Luc Besançon, « le modèle gallois du « Discharge Medicines Review » (DMR), qui consiste en une analyse par le pharmacien de la prescription de sortie hospitalière et de la première prescription relais du médecin généraliste, prévoit une rémunération de l’officinal entre 25 et 30 £ (soit 29,32 et 35,18 euros) ». Cette somme recouvre plusieurs interventions du pharmacien : conciliation médicamenteuse avec le médecin généraliste et en cas de divergences, discussions pour exposer les éventuelles modifications de traitement, puis, dans une seconde étape, entretien pharmaceutique avec le patient jusqu’alors tenu à l’écart des échanges. « Nous observons que moins de 3 % des prescriptions sont modifiées », indique Luc Besançon. Dans ce concept gagnant-gagnant, la NHS, l’assurance-maladie britannique, bénéficie d'un retour sur investissement trois fois supérieur au financement d’un dispositif qui lui a coûté au total 68,50 £ (soit 80,33 euros).
En Nouvelle-Zélande, le pharmacien peut s’appuyer sur une analyse biologique pour juger de la pertinence de la prescription, voire ajuster le traitement. C’est notamment le cas du suivi de la toxicité de la clozapine à partir d’analyse de laboratoire qu’il peut lui-même initier préalablement à sa dispensation. Les pharmaciens québécois, et leurs confrères d’autres provinces, peuvent eux aussi recourir à une prescription d’analyses biologiques pour s’assurer de l’efficacité de la thérapie médicamenteuse et au besoin, sécuriser l’ajustement des doses sur la base du résultat de ces analyses.
Le refus de dispensation rémunéré
Cela fait du reste plus de quatre ans que les officinaux canadiens sont autorisés à modifier la dose d’un médicament afin d’atteindre les cibles thérapeutiques. Et si leurs confrères de l’Alberta sont rémunérés pour l’analyse pharmaceutique considérée comme un acte intellectuel, les pharmaciens québécois peuvent même percevoir un honoraire pour refus de dispensation. « Ce qui se rapproche davantage du modèle proposé par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) », relève Luc Besançon en référence à la dispensation adaptée « à la française » qui devrait permettre de réduire la quantité prescrite des boîtes de médicaments à posologie variable.
Dénommée « opinion pharmaceutique » au Québec, l’intervention pharmaceutique est strictement encadrée par une codification (voir encadré), une analyse et un résultat d’analyse. Le médicament prescrit entre-t-il en interaction avec un autre déjà pris par le patient ? La situation du patient l’empêche-t-elle de prendre ce médicament ? Le cas échéant, le pharmacien rédige une « opinion pharmaceutique » qu’il transmet au médecin prescripteur, un formulaire écrit dans lequel il explique ses réserves et émet des recommandations afin de trouver un médicament de substitution. De même, le pharmacien peut modifier le dosage ou la posologie prescrits lors de la reconduction d’un traitement lorsqu’il est jugé inapproprié en raison de renseignements cliniques consignés au dossier patient ou fournis par le patient.
À l’extrême, l'officinal peut donc même refuser de dispenser un médicament qu’il juge inapproprié, note l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Pour émettre une opinion pharmaceutique, le pharmacien est rémunéré 20,42 $ (14 euros) ; en cas d'un refus de dispensation, il sera « dédommagé » à hauteur de 9,24 $ (6,32 euros). Dans tous les cas, l'opinion pharmaceutique doit être transmise par écrit au prescripteur et une copie doit être conservée au dossier patient. Preuve que quand la concertation existe, l’interprofessionnalité peut être préservée.
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