L'engouement pour la cosmétique naturelle, les produits de parapharmacie bio, conformes à un cahier des charges rigoureux, ou encore, pour les médecines alternatives, gagne du terrain depuis une dizaine d'années. Les industriels et les officinaux ont d'ailleurs adapté leur offre en conséquence. Une étude récente, menée par le groupement Wellpharma, par le biais de son Observatoire de la santé (auprès de 1 360 membres du Club Wellpharma), confirme cette tendance : 82 % des consommateurs affirment être sensibles au caractère respectueux pour la santé des produits. Et 94 % désignent le pharmacien comme étant le professionnel de santé légitime pour les conseiller dans leurs achats éco-responsables.
Une démarche encore marginale en officine
En incitant, dès 1993, leur patientèle à rapporter les médicaments non utilisés à l'officine via l'association Cyclamed (lire l'encadré), les pharmaciens se sont très tôt positionnés en tant qu'acteurs de la protection de l'environnement. Pourtant, aujourd'hui (26 ans plus tard) l'éco-responsabilité n'a pas pris beaucoup d'ampleur au sein des officines françaises. Contrairement aux pays anglo-saxons, et notamment au Canada, cette tendance reste en effet marginale. Elle se développe de façon isolée, à l'initiative de quelques pharmaciens titulaires ou adjoints motivés par leurs convictions personnelles. De fait, aucune démarche nationale ou régionale, organisée et fédératrice, n'incite les officinaux à s'investir dans le développement durable (DD).
De même, peu de groupements proposent un accompagnement abouti en la matière aux pharmaciens. « Aujourd'hui, tout le monde voudrait s'engager vers une démarche éco-responsable, mais personne ne sait vraiment comment s'y prendre pour cela ! », constate Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d'officine (UDGPO). Par ailleurs, les officines se trouvent au cœur de tendances antinomiques. « D'une part, le retour au naturel (attrait des patients pour les produits bio, et les médecins alternatives…). Et, d'autre part, le mouvement actuel qui combat la « fake médecine ». La pharmacie doit choisir son camp : elle peut s'ouvrir à l'éco-responsabilité, mais à condition de faire preuve de sérieux d'un point de vue scientifique. Elle ne peut donc pas vendre ni conseiller tout et n'importe quoi, sous couvert d'éco-responsabilité. Pour nous, la pharmacie française a d'autres priorités que le DD. Avant de vouloir être certifiés éco-responsables, les officinaux devraient faire en sorte d'obtenir leur certification professionnelle. En effet, comme les médecins, les pharmaciens devront bientôt se soumettre à une procédure de certification de leurs compétences et de leurs connaissances », rappelle Laurent Filoche.
Des initiatives variées pour devenir durables
L'engagement éco-responsable peut se concrétiser, en pharmacie, via des initiatives variées, conformes aux sensibilités du titulaire et/ou de l'adjoint. « Il s'agit, par exemple, de réfléchir à l'isolation, au chauffage et à l'éclairage de l'officine pour diminuer la consommation d’énergie ; d'opter pour une filière de recyclage et de destruction du papier. Ou encore, de mettre en place des poubelles de tri pour le recyclage des déchets (cartons, flacons, métal…) ; de bien gérer son stock pour éviter le gaspillage et l'accumulation de médicaments périmés », détaille Estelle Bugni, pharmacienne et co-fondatrice (avec Cécile Mazellier) de SFC Formation Consulting (Lyon), organisme formant les pharmacies et les laboratoires à la qualité et à l'éco-responsabilité.
Une démarche éco-responsable doit, en outre, impliquer toute l'équipe officinale. Ainsi, titulaires et adjoints peuvent inciter le personnel à venir travailler en transports en commun, à pied, en vélo, en trottinette… Il est également important d'impliquer le patient. Pour cela, l'officinal pourra, par exemple, lui délivrer uniquement les médicaments qu’il utilisera ; choisir des gammes écoresponsables pour ses produits de parapharmacie. Ou, par exemple, proposer des actions de récupération des radiographies usagées afin de les faire recycler. « Nous accompagnons les pharmaciens dans la mise en place d’une démarche éco-responsable via des formations sur site et la mise en place d’objectifs personnalisés. Nous avons également une plateforme de e- learning sur laquelle nous envisageons de mettre en ligne une formation à l’éco-responsabilité. Or, aujourd’hui, peu de pharmacies semblent intéressées par l’éco-responsabilité. Les freins identifiés sont le manque de temps des titulaires : ils ne souhaitent pas s’imposer des contraintes supplémentaires, ni dépenser de l’argent pour être accompagnés en matière de DD », confie Estelle Bugni.
L'exemple du groupe PHR
Même constat pour Lucien Bennatan, président du groupe PHR, l'éco-responsabilité n'est pas considérée comme un sujet fondamental pour les pharmaciens. « Aujourd'hui, ils se consacrent davantage aux évolutions liées à leur cœur de métier. Nous les comprenons. Néanmoins, le DD est un sujet incontournable. Il s'agit d'une évolution à laquelle les officinaux doivent se préparer pour répondre aux attentes de leur patientèle, notamment des nouvelles générations », affirme Lucien Bennatan. Une évolution que le groupe PHR souhaite anticiper.
De fait, dès 2011, à l'occasion des premières Assises du développement durable, les enseignes Viadys et Pharma référence (groupe PHR) et 18 autres enseignes avaient signé une charte intitulée « Enseigne responsable ». Deux ans plus tôt, le groupe PHR avait créé le label « Pharmacie Durable ». Ce label (validé par le Bureau Veritas Certification France) comprenait trois volets : social, environnemental et santé. Les pharmaciens souhaitant obtenir le label devaient alors suivre une formation dédiée. « Malheureusement, peu de pharmacies ont été intéressées par cette démarche. Nous avons donc dû abandonner le label « Pharmacie Durable ». Mais, nous avons décidé d'introduire des notions de DD dans notre référentiel Qualité. Ainsi, aujourd'hui, une centaine d'officines certifiées (ou en cours de certification Qualité) sont sensibilisées à l'éco-responsabilité », note Lucien Bennatan. Le référentiel Qualité du groupe PHR est très protocolisé : les pharmaciens doivent suivre une formation (entre 6 et 9 mois) avec des animateurs de réseau et via Internet avant d'obtenir la certification. « Les notions de DD ne s'apprennent pas dans les facultés de pharmacie. Notre rôle, en tant que groupement, est de défricher le terrain pour les pharmaciens, de leur faire prendre conscience des évolutions comportementales et sociétales. Aujourd'hui, un nombre croissant de clients sont sensibles aux démarches durables mises en place dans les officines. Ils sont prêts à payer plus pour obtenir des conseils et des produits conformes à leurs modes de vie. S'investir dans le DD est donc un investissement éthique, social et économique qui permet de se démarquer de ses concurrents. Mais, dont les résultats au niveau du chiffre d'affaires ne sont perceptibles qu'à moyen ou long terme », conclut Lucien Bennatan
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