Longtemps invisibles, bien que nombreux, les aidants ont désormais leur place. La loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015 leur reconnaît un statut. Il y a tout juste un an, le « congé de soutien familial » devenait « congé proche aidant ». Enfin, en décembre dernier, la loi de 2014 permettant le don de jour de congé à un collègue dont l’enfant est malade a vu son périmètre élargi aux aidants. Une reconnaissance tardive que ces derniers ont acquise à la force d’un combat sans relâche mené par le monde associatif.
Les groupements, et plus récemment les laboratoires, comme Teva ou Biogaran, ainsi que les assureurs, abordent de plus en plus fréquemment la situation de ces soutiens des patients au quotidien. Il n'est pas rare que la Journée nationale des aidants soit le point de départ de campagnes d'information. Toutefois, l’officine n’a pas attendu l’officialisation du statut de l’aidant pour se préoccuper de ces intervenants discrets mais efficaces auprès des patients.
Une masse encore silencieuse
Au quotidien, les titulaires et leurs équipes apportent, le plus souvent de manière informelle, un soutien précieux à ces maillons incontournables dans le parcours de soins des patients âgés, chroniques ou en fin de vie. Le vieillissement de la population a contribué à la visibilité des aidants. Mais les proches n’interviennent pas seulement auprès des populations vieillissantes, menacées par la perte d'autonomie et la dégénérescence cognitive. Les aidants sont également nombreux auprès des patients, handicapés, atteints de maladies chroniques complexes ou de cancers, et nécessitant également des soins palliatifs. La montée en puissance de l’HAD (hospitalisation à domicile) a, du reste, favorisé le recours massif à l’entourage du patient. Si la moyenne d’âge des aidants est de 54 ans, ils sont parfois très jeunes comme le révèle une enquête Novartis (1) : 40 % des jeunes aidants sont âgés de vingt ans ou moins. Un tiers d'entre eux sont seuls à aider un proche malade, dans trois cas sur quatre ils lui consacrent plus d'une heure par jour en semaine, et pour près de la moitié, plus de deux heures, le week-end.
Quel que soit leur profil, ces aidants identifient l’officine comme premier point de contact, sinon d’ancrage. En retour, les pharmaciens ont très bien assimilé leur rôle de conseil, comme en témoignent les résultats d'une enquête de la fondation Médéric Alzheimer (2) : 74 % des pharmaciens interrogés déclaraient ainsi répondre assez fréquemment aux inquiétudes exprimées par les aidants, notamment au sujet de leurs préoccupations ou de leurs propres problèmes de santé physique.
Un enjeu pour l'équipe
Qu’elles soient formulées ou non, les attentes de ces aidants sont multiples. Conseils face à l’incontinence, aux soins du quotidien, dans l’observance, la nutrition ou, de manière plus générale, face à la perte d’autonomie… Les besoins très diversifiés des aidants procurent aux titulaires et à leurs équipes autant de « portes d’entrée » dans le dialogue avec ces interlocuteurs privilégiés. Il n’est aucun domaine de l’officine qui ne soit sollicité par la prise en compte des aidants. Des produits comme les dispositifs médicaux et le MAD offrent souvent des solutions appréciées par les aidants démunis face au handicap et à la perte d’autonomie.
Pour autant, le défi de l’équipe officinale n’est pas tant de répondre aux questions de l’entourage des patients que de déceler les besoins non exprimés, parfois même la détresse de ces aidants dont il n’est pas rare qu’ils soient « au bout du rouleau ». Inquiétudes, insomnies, fatigue et même épuisement sont parfois formulés au détour d’une phrase, d’une attitude ou d’un regard. De là, l’intérêt à sensibiliser l’ensemble de l’équipe officinale à l’émergence de ces signes. Si les collaborateurs disposent en général d’un capital « sympathie » et même « empathie » face à l’entourage des patients, une formation peut permettre à l’équipe officinale d’être elle-même accompagnée pour mieux aborder la complexité du statut d’aidants.
Certains groupements de pharmaciens ont identifié ces besoins en proposant des programmes à leurs adhérents. Le groupement PHR a ainsi créé, dès 2014, une formation Alzheimer, incluant l’accompagnement des aidants dans cette approche de la pathologie. Plus récemment, le groupement Pharmodel a mis en place un programme dont un cycle en e-learning. Sous le libellé, « être utile aux aidants », trois supports dont un guide à l'intention des équipes, récapitulent les questions à poser, mais aussi les attitudes à éviter ou encore les phrases inutiles et néfastes. Plus de 90 % des pharmaciens qui y ont eu accès, jugent ces outils pertinents et adaptés.
Si ces outils peuvent soutenir l’accompagnement, il est indéniable que l’exercice au quotidien requiert une posture d’écoute. Jean-Michel Pomiès, titulaire à Muret (Haute-Garonne) qui a participé à l’élaboration de la campagne du groupement Giropharm insiste ainsi sur la complémentarité entre préparatrices et pharmaciens. « Il arrive ainsi que mes collaboratrices, au cours d’une conversation avec un aidant, quand la complexité de la situation le requiert, proposent un entretien personnalisé avec un pharmacien », décrit le titulaire très impliqué dans le suivi oncologique. Il ajoute qu’en Occitanie les pharmaciens ont accès au dossier communicant de cancérologie (DCC), avec l’accord du patient. Cette prise de connaissance du traitement, permet via les fiches émises par la Société française de psycho-oncologie (SFPO) de répondre, moyennant l’accord du patient, aux questions de l’aidant sur le traitement de son proche.
Être un relais informé et connecté
Pour susciter ou libérer la parole des aidants, certains groupements ont mis en œuvre des campagnes annuelles. Affiches, flyers et autres supports relaient l’expertise du pharmacien et de son équipe qu’ils identifient auprès du grand public comme fournisseurs de solutions multiples.
Si le premier rôle de l’officine reste la dispensation de produits (phytothérapie, compléments alimentaires, soins…) et de services (livraison à domicile, piluliers…) destinés à soulager le patient et son entourage, la diffusion d’objets connectés et d’applications.
Les pharmacies du groupement PharmaVie de la région Rhône-Alpes sont ainsi partenaires, depuis le début de l’année, de LiliSmart, une application permettant, grâce à l’intelligence artificielle, de déceler les comportements inhabituels des personnes dépendantes. Un auxiliaire précieux pour les aidants.
Les supports peuvent être plus immatériels. En témoignent les informations utiles que les pharmaciens mettent à disposition des aidants. Le groupement Pharmodel vient ainsi d’éditer une collection de 13 annuaires régionaux recensant les diverses structures (CLIC, CCAS, EHPAD, SSIAD (3), accueils temporaires, associations de malades Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaque, associations d’aidants, café d’aidants, ligne d’écoute…).
Cette expertise supplémentaire du pharmacien est renforcée par son implication au sein d’un réseau territorial. Car, comme le constate Jean-Michel Pomiès, cet accompagnement des aidants connaît également des limites à l’officine. « Notre écoute et nos conseils associés ne suffisent pas toujours à répondre aux besoins. Il faut savoir rester à notre place. Il est alors très utile de pouvoir s’appuyer sur des réseaux de proximité, voire des réseaux territoriaux vers lesquels orienter les aidants », expose-t-il, ajoutant « que ces réseaux territoriaux mettent en général une prise en charge psychologique gratuite à disposition des aidants, ce qui n’est pas le cas en ville, où la consultation est payante ».
En effet, il ne faut pas perdre de vue que l’aidant, exposé par nature à l’usure, peut devenir lui-même patient. Au risque de se mettre en danger, et avec lui le patient qu’il soutient. Face à cette situation, le pharmacien a un rôle de prévention à jouer. Il peut ainsi suggérer à l’aidant de s’octroyer un séjour dans un lieu de répit. En attendant le projet de loi sur le remplacement temporaire de l’aidant à domicile (4) qui devrait être prochainement examiné.
(1) Enquête Novartis-Ipsos menée du 2 au 10 juin 2017 auprès de 501 jeunes aidants âgés de 15 à 30 ans.
(2) Enquête menée en 2013 auprès des pharmaciens maîtres de stages et par les étudiants en sixième année de la filière officine.
(3) Centres locaux d'information et de coordination ouverts aux personnes âgées et à leur entourage, Caisse centrale d'activités sociales, Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et Services de soins infirmiers à domicile.
(4) Également appelé relayage ou encore baluchonnage au Québec.
Les groupements, et plus récemment les laboratoires, comme Teva ou Biogaran, ainsi que les assureurs, abordent de plus en plus fréquemment la situation de ces soutiens des patients au quotidien. Il n'est pas rare que la Journée nationale des aidants soit le point de départ de campagnes d'information. Toutefois, l’officine n’a pas attendu l’officialisation du statut de l’aidant pour se préoccuper de ces intervenants discrets mais efficaces auprès des patients.
Une masse encore silencieuse
Au quotidien, les titulaires et leurs équipes apportent, le plus souvent de manière informelle, un soutien précieux à ces maillons incontournables dans le parcours de soins des patients âgés, chroniques ou en fin de vie. Le vieillissement de la population a contribué à la visibilité des aidants. Mais les proches n’interviennent pas seulement auprès des populations vieillissantes, menacées par la perte d'autonomie et la dégénérescence cognitive. Les aidants sont également nombreux auprès des patients, handicapés, atteints de maladies chroniques complexes ou de cancers, et nécessitant également des soins palliatifs. La montée en puissance de l’HAD (hospitalisation à domicile) a, du reste, favorisé le recours massif à l’entourage du patient. Si la moyenne d’âge des aidants est de 54 ans, ils sont parfois très jeunes comme le révèle une enquête Novartis (1) : 40 % des jeunes aidants sont âgés de vingt ans ou moins. Un tiers d'entre eux sont seuls à aider un proche malade, dans trois cas sur quatre ils lui consacrent plus d'une heure par jour en semaine, et pour près de la moitié, plus de deux heures, le week-end.
Quel que soit leur profil, ces aidants identifient l’officine comme premier point de contact, sinon d’ancrage. En retour, les pharmaciens ont très bien assimilé leur rôle de conseil, comme en témoignent les résultats d'une enquête de la fondation Médéric Alzheimer (2) : 74 % des pharmaciens interrogés déclaraient ainsi répondre assez fréquemment aux inquiétudes exprimées par les aidants, notamment au sujet de leurs préoccupations ou de leurs propres problèmes de santé physique.
Un enjeu pour l'équipe
Qu’elles soient formulées ou non, les attentes de ces aidants sont multiples. Conseils face à l’incontinence, aux soins du quotidien, dans l’observance, la nutrition ou, de manière plus générale, face à la perte d’autonomie… Les besoins très diversifiés des aidants procurent aux titulaires et à leurs équipes autant de « portes d’entrée » dans le dialogue avec ces interlocuteurs privilégiés. Il n’est aucun domaine de l’officine qui ne soit sollicité par la prise en compte des aidants. Des produits comme les dispositifs médicaux et le MAD offrent souvent des solutions appréciées par les aidants démunis face au handicap et à la perte d’autonomie.
Pour autant, le défi de l’équipe officinale n’est pas tant de répondre aux questions de l’entourage des patients que de déceler les besoins non exprimés, parfois même la détresse de ces aidants dont il n’est pas rare qu’ils soient « au bout du rouleau ». Inquiétudes, insomnies, fatigue et même épuisement sont parfois formulés au détour d’une phrase, d’une attitude ou d’un regard. De là, l’intérêt à sensibiliser l’ensemble de l’équipe officinale à l’émergence de ces signes. Si les collaborateurs disposent en général d’un capital « sympathie » et même « empathie » face à l’entourage des patients, une formation peut permettre à l’équipe officinale d’être elle-même accompagnée pour mieux aborder la complexité du statut d’aidants.
Certains groupements de pharmaciens ont identifié ces besoins en proposant des programmes à leurs adhérents. Le groupement PHR a ainsi créé, dès 2014, une formation Alzheimer, incluant l’accompagnement des aidants dans cette approche de la pathologie. Plus récemment, le groupement Pharmodel a mis en place un programme dont un cycle en e-learning. Sous le libellé, « être utile aux aidants », trois supports dont un guide à l'intention des équipes, récapitulent les questions à poser, mais aussi les attitudes à éviter ou encore les phrases inutiles et néfastes. Plus de 90 % des pharmaciens qui y ont eu accès, jugent ces outils pertinents et adaptés.
Si ces outils peuvent soutenir l’accompagnement, il est indéniable que l’exercice au quotidien requiert une posture d’écoute. Jean-Michel Pomiès, titulaire à Muret (Haute-Garonne) qui a participé à l’élaboration de la campagne du groupement Giropharm insiste ainsi sur la complémentarité entre préparatrices et pharmaciens. « Il arrive ainsi que mes collaboratrices, au cours d’une conversation avec un aidant, quand la complexité de la situation le requiert, proposent un entretien personnalisé avec un pharmacien », décrit le titulaire très impliqué dans le suivi oncologique. Il ajoute qu’en Occitanie les pharmaciens ont accès au dossier communicant de cancérologie (DCC), avec l’accord du patient. Cette prise de connaissance du traitement, permet via les fiches émises par la Société française de psycho-oncologie (SFPO) de répondre, moyennant l’accord du patient, aux questions de l’aidant sur le traitement de son proche.
Être un relais informé et connecté
Pour susciter ou libérer la parole des aidants, certains groupements ont mis en œuvre des campagnes annuelles. Affiches, flyers et autres supports relaient l’expertise du pharmacien et de son équipe qu’ils identifient auprès du grand public comme fournisseurs de solutions multiples.
Si le premier rôle de l’officine reste la dispensation de produits (phytothérapie, compléments alimentaires, soins…) et de services (livraison à domicile, piluliers…) destinés à soulager le patient et son entourage, la diffusion d’objets connectés et d’applications.
Les pharmacies du groupement PharmaVie de la région Rhône-Alpes sont ainsi partenaires, depuis le début de l’année, de LiliSmart, une application permettant, grâce à l’intelligence artificielle, de déceler les comportements inhabituels des personnes dépendantes. Un auxiliaire précieux pour les aidants.
Les supports peuvent être plus immatériels. En témoignent les informations utiles que les pharmaciens mettent à disposition des aidants. Le groupement Pharmodel vient ainsi d’éditer une collection de 13 annuaires régionaux recensant les diverses structures (CLIC, CCAS, EHPAD, SSIAD (3), accueils temporaires, associations de malades Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaque, associations d’aidants, café d’aidants, ligne d’écoute…).
Cette expertise supplémentaire du pharmacien est renforcée par son implication au sein d’un réseau territorial. Car, comme le constate Jean-Michel Pomiès, cet accompagnement des aidants connaît également des limites à l’officine. « Notre écoute et nos conseils associés ne suffisent pas toujours à répondre aux besoins. Il faut savoir rester à notre place. Il est alors très utile de pouvoir s’appuyer sur des réseaux de proximité, voire des réseaux territoriaux vers lesquels orienter les aidants », expose-t-il, ajoutant « que ces réseaux territoriaux mettent en général une prise en charge psychologique gratuite à disposition des aidants, ce qui n’est pas le cas en ville, où la consultation est payante ».
En effet, il ne faut pas perdre de vue que l’aidant, exposé par nature à l’usure, peut devenir lui-même patient. Au risque de se mettre en danger, et avec lui le patient qu’il soutient. Face à cette situation, le pharmacien a un rôle de prévention à jouer. Il peut ainsi suggérer à l’aidant de s’octroyer un séjour dans un lieu de répit. En attendant le projet de loi sur le remplacement temporaire de l’aidant à domicile (4) qui devrait être prochainement examiné.
(1) Enquête Novartis-Ipsos menée du 2 au 10 juin 2017 auprès de 501 jeunes aidants âgés de 15 à 30 ans.
(2) Enquête menée en 2013 auprès des pharmaciens maîtres de stages et par les étudiants en sixième année de la filière officine.
(3) Centres locaux d'information et de coordination ouverts aux personnes âgées et à leur entourage, Caisse centrale d'activités sociales, Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et Services de soins infirmiers à domicile.
(4) Également appelé relayage ou encore baluchonnage au Québec.
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