Pourquoi se concurrencer quand on peut s'unir ? Plus qu'une réelle question, ce constat qui relève du bon sens est à l'origine même de la création de l'OCP.
L'entreprise de répartition est en effet le fruit d'une fusion entre Piot, Lemoine & Royer d'une part, J.Merveau & Compagnie d'autre part, Michelat, Souillard & Compagnie, enfin. Trois « maisons » qui auraient pu, sur le plan commercial, se mener la vie dure. Toutes fondées à la fin du XIXe siècle, elles se retrouvent, en plein entre-deux-guerres, dans le même quartier de Paris, le Marais, en plus d'assurer toutes les trois la distribution d'accessoires pharmaceutiques et de médicaments, activité qualifiée de « commissionnaire en spécialités de la place de Paris ». Là ne sont pas leurs seuls points communs puisque les trois entreprises répondent aussi aux mêmes principes : valeurs familiales, sens de l'opportunité, politique de croissance. Concordances qu'André Royer, l'une des têtes pensantes du futur trio, ne peut que constater. Quand, dans les années 1920, il arrive à convaincre ses associés puis ses principaux rivaux de l'utilité d'une fusion « nécessaire pour conserver la plénitude d'intérêts particuliers et servir l'intérêt général professionnel », il insuffle en fait son premier souffle à l'OCP.
Le 31 décembre 1924, les statuts de la toute nouvelle société sont publiés. Baptisée Office Commercial Pharmaceutique, elle installe son siège au 71, rue de Temple, position centrale, et se dote d'un capital de 12 millions de francs. Sous l'effet de la fusion, elle est la plus importante organisation commerciale pharmaceutique de France, avec 17 établissements - trois situés à Paris et 14 en province – qui emploient mille personnes. Chaque semaine, 180 tonnes de marchandises - sans compter l'emballage en osier des colis envoyés en province - empruntent les circuit de cette gigantesque machinerie qui mobilise 125 conducteurs de camionnettes et triporteurs, 75 cyclistes et 250 représentants commerciaux, rien que pour la capitale et sa banlieue. Mastodonte dès sa création, la jeune entreprise porte haut les valeurs de la pharmacie d'officine, des idéaux que partagent les onze personnes qui siègent à son comité d'administration.
Envergure nationale
Rapidement, l'OCP devient un maillon central de la chaîne de santé française. Son réseau de points de vente, sa puissance de distribution, la modernité de son organisation font de la structure un acteur majeur de l'industrie pharmaceutique dont les laboratoires et les officines veulent se rapprocher. Durant l'entre-deux-guerres, l'entreprise se structure, accordant une place bien définie à chacune de ses activités : directions nationales, service Paris-banlieue qui prend en charge les livraisons entre la capitale et ses environs proches, service province qui assure les expéditions dans toute la France, service des dépôts généraux qui réapprovisionne tous les grossistes-répartiteurs en produits pharmaceutiques que compte le territoire – concurrents compris – et qui témoigne de la mission de santé publique que s'est fixée l'OCP, service des échanges chargé de recevoir et trier les produits non conformes retournés par les pharmaciens en direction des fabricants.
La production de spécialités pharmaceutiques et leur demande, qui se sont considérablement développées dès la seconde moitié du XIXe siècle nourrissent l'émergence de l'industrie pharmaceutique tout en offrant au métier de grossiste-répartiteur une définition propre. Un champ d'activité dans lequel l'OCP occupe la position enviée de répartiteur national, couvrant tous les types de besoins des officines, de la grosse cavalerie (articles à forte rotation) au réassort (produits exceptionnellement demandés). Pour rester compétitif et conserver ses parts de marché face à son principal concurrent, le CNPF (Comptoir national de la pharmacie française), l'OCP doit densifier son réseau de point de vente afin d'occuper la plus large partie du territoire. Autour des imposantes succursales, se multiplient donc des dépôts qui finissent par devenir des agences du répartiteur. En parallèle, une diversification de l'offre sous la forme de nouveaux services proposés aux patients (parfumerie, optique médicale, aménagement décoratif et artistique des locaux) est entreprise.
Automatisation
Rien ne semble pouvoir freiner le répartiteur jusqu'à ce que se profilent la seconde guerre mondiale et les turbulences qu'elle annonce. Aux percées de la concurrence, aux grèves encouragées par le Front populaire, succède la mobilisation provoquée par l'entrée en guerre. Mais l'OCP, porté par son esprit de famille, fait front et continue autant qu'il le peut d'approvisionner les pharmaciens. Certes la réquisition des véhicules et l'absence du personnel ne facilitent pas une situation que vont compliquer d'avantage encore la ligne de démarcation, ainsi que l'entrée en vigueur du Service du travail obligatoire. Au sortir de la guerre, le bilan est lourd et de nombreux points de vente ont été détruits. Le répartiteur doit rassembler ses forces et reconstruire son réseau.
L'histoire, cependant, lui prépare une surprise et non des moindres. En 1946 est instaurée la Sécurité sociale, et avec elle, le remboursement des médicaments. Tous les métiers liés à l'industrie pharmaceutique connaissent alors un essor sans précédent. L'OCP ne dérogera pas à la règle. Pour répondre à la demande du marché du médicament, l'entreprise réorganise et renforce son réseau de point de vente, sans oublier de moderniser son outil de travail (prise de commande par dactylo téléphonistes, puis assistée par ordinateur, avant les débuts de la télétransmission dans les années 1970). En 1962, elle regroupe huit de ses sites parisiens dans un immense bâtiment de 25 000 m² aux installations automatisées, situé rue des Ardennes, dans le 19e arrondissement de Paris. Mais son expansion est freinée par deux écueils majeurs : la chute du taux de marque, qui perd 4 points sur les produits remboursés, et l'extension de la TVA aux spécialités pharmaceutiques. Le développement de l'outil informatique permettra au répartiteur de surmonter ces difficultés, notamment en l'autorisant à informatiser sa facturation. Une fois encore, rien ne semble résister à ses velléités d'expansion.
De l'office au groupe
Les années 1970 sont l'occasion pour l'OCP de s'ériger en groupe, anticipant ses perspectives à l'étranger, facilitant aussi la diversification de ses activités. Sous son impulsion, l'orthopédie sera relancée en pharmacie, le MAD renforcé et le rayon des produits vétérinaires étoffé. En parallèle, de nouveaux services sont proposés aux pharmaciens, comme des stages de formation, activité à laquelle un département est dédié. Dans les années 1980, la position dominante du répartiteur l'incite à tourner son regard vers l'Europe. La société Tredimed, qu'il crée en association avec les répartiteurs allemands et anglais, lui donnera un accès aux officines européennes, avant de gagner la Belgique, la Pologne, l'Italie et le Portugal. Si bien que, en 1994, le groupe s'envisage sous un angle européen avec sept pays investis, 25 000 officines clientes, 92 points de vente et 5 900 collaborateurs, pour un chiffre d'affaires dépassant les 33 milliards de francs.
Aujourd'hui, l'OCP occupe plus de 31 % des parts de marché en France et son chiffre d'affaires frise les 6 milliards d'euros. Son réseau de 44 établissements lui permet d'assurer la distribution de 2 millions de boîtes de médicaments par jour à une clientèle de 16 000 officines (dont 2 000 dans le secteur hospitalier). Des résultats enviables que le groupe n'a pu obtenir qu'en réalisant des choix stratégiques. En 2013, il franchit l'Atlantique pour rejoindre McKesson, un des leaders mondiaux des services de santé et de la logistique du médicament aux États-Unis. Trois ans plus tard, pour pallier la baisse récurrente des dépenses de santé, l'OCP met en œuvre l'offre Premium vouée à faciliter le travail quotidien de l'officine. Au centre du concept, un nouveau modèle de distribution permet d'optimiser la disponibilité des produits. Simple et réactif, il repose sur la centralisation et la synchronisation quotidienne des demandes des officines, des livraisons faites par les laboratoires et des stocks des établissements OCP. Capable de traiter plus de 300 millions d'unités par an, ce système a pour objectif de supprimer les manquants liés à la distribution.
À ses côtés, une autre innovation a vu le jour. Complète et sécurisée, la plateforme digitale Link centralise les fonctionnalités clefs du quotidien de l'officine et permet au pharmacien de piloter ses missions tout en restant connecté à ses patients par le biais d'une application mobile. À ce jour, Link a séduit plus de 8 500 titulaires. Mais là ne se bornent pas les projets d'avenir du répartiteur. Récemment, il a imaginé un nouveau type de collaboration en réunissant sous son aile trois importants groupements de pharmaciens, PHR, Pharmactiv et Réseau Santé. Cette combinaison synergique, propre à mutualiser les moyens, préfigure la mise en œuvre de projets d'envergure dont l'officine devrait, sans nul doute, profiter très prochainement.