Gestion de la crise sanitaire

Pourquoi l'Allemagne continue de faire mieux ?

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Publié le 29/09/2020
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Avec 272 337 cas de Covid-19 depuis le début de la pandémie et 9 386 morts, l’Allemagne continue de faire nettement mieux que ses voisins européens (au 21 septembre 2020). Si la précocité et l’efficacité des mesures prises, et le nombre élevé de lits de réanimation disponibles peuvent expliquer ce bon résultat, des actions plus locales, mais aussi certains aspects plus sociologiques, ont pu aussi y contribuer. Explications.

L’Allemagne a commencé à tester dès la fin du mois de janvier et poursuit ces opérations de manière ciblée, dans des centres de dépistages publics comme dans les laboratoires privés. Les hôpitaux n’ont jamais été saturés et, même si le nombre de cas repart à la hausse depuis la rentrée, ils concernent surtout des personnes jeunes, risquant moins de complications : pour cette raison, les hôpitaux ont réduit le nombre de leurs lits de réanimation destinés aux patients Covid, dans des proportions variables selon les régions.

Le pays combine des mesures fédérales, comme le port du masque dans tous les transports en commun, avec des mesures régionales décidées par les 17 Länder. Selon les régions, les événements culturels et sportifs ne peuvent accueillir plus de 100, 200, 500 ou 1 000 participants. Dans les écoles et lycées, le port du masque n’est pas obligatoire dans les salles de classe de toutes les régions, et si des cas se déclarent dans une école, les réponses sont elles aussi locales, et vont rarement jusqu’à la fermeture de la classe ou de l’établissement.

La situation varie aussi dans les restaurants et les bars. En Bade-Wurtemberg, le masque est obligatoire, même sur les terrasses, et les clients doivent donner leurs coordonnées pour être contactés en cas d’éventuels clusters, ce qui n’est pas le cas partout. Toutefois, en raison de la recrudescence des cas, Munich vient d’instaurer une obligation du port du masque dans certaines rues très fréquentées du centre-ville, la première mesure de ce type en Allemagne.

L’application de traçage « Warn App », disponible depuis juin, a été téléchargée par 18 millions de personnes, mais les rares études disponibles à son sujet montrent qu’elle est très peu utilisée et génère des erreurs, ainsi qu’une défiance croissante de la population pour des raisons de confidentialité.

Cet été, quelques quartiers de plusieurs villes ont été provoisirement « reconfinés » suite à l’apparition de clusters. En outre, un système assez compliqué de tests et de quarantaine pour les personnes rentrant des « zones à risque » a été mis en place. Ces zones concernent actuellement l’Espagne et la Croatie, mais aussi les Hauts-de-France et la Réunion, certains cantons suisses, la région d’Amsterdam, Vienne, la Bohême centrale et Budapest, et sont régulièrement actualisées. Les contrôles sont loin d’être systématiques, mais de lourdes amendes sont prévues en cas de non-respect de ces règles. Jusqu’au 15 septembre, ces tests obligatoires étaient pris en charge par l’État, mais ils doivent désormais être payés par les voyageurs eux-mêmes.

Les virologues s’accordent pour prédire un fort rebond de la maladie et un hiver « difficile ». Le plus connu d’entre eux, le Berlinois Christian Drosten, estime que même si la situation allemande est meilleure qu’ailleurs, elle pourrait basculer rapidement. Selon lui, si l’Allemagne a moins de cas que ses voisins, c’est aussi parce que les Allemands sont plus nombreux à vivre seuls ou en couple que les Français ou les Espagnols, dont les foyers sont beaucoup plus larges, mais il estime que les mesures de prévention sont désormais globalement comparables d’un pays à l’autre. De plus, des comportements sociaux pourraient aussi expliquer certaines différences. La sacro-sainte bise française, par exemple, est considérée, surtout dans le nord et l’est de l’Allemagne, comme une familiarité déplacée, et même les poignées de main y sont rares et réservées à des occasions importantes, ce qui limite d’autant les risques de contagion.

Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du Pharmacien