La question des moyens pour développer l’utilisation des biosimilaires est au cœur des débats à l’Assemblée nationale. Mercredi dernier, en commission des affaires sociales, plusieurs députés ont déposé des amendements à l’article 29 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 dans le but de supprimer la disposition qui abroge le droit de substitution biosimilaire à l’officine. Tous ont été rejetés. Olivier Véran, rapporteur général de la commission, explique pour sa part avoir écarté « à regret » ces propositions.
Désireux que les biosimilaires se développent et par tous les moyens, il assure faire « confiance au pharmacien pour prendre les bonnes décisions ». Mais selon lui, si le décret d'application instituant la substitution biosimilaire n'est jamais paru (LFSS 2014), il y a une raison à cela, « c’est trop compliqué ». D’abord à cause de « nombreuses oppositions dans le corps médical et parmi les usagers de santé ». Mais aussi parce que « le biosimilaire n’est pas un générique », le remplacement d’un médicament biologique pouvant entraîner « des fluctuations de doses et de tolérance ». C’est pourquoi le développement de ces médicaments se fait actuellement davantage par la prescription à l’hôpital qui permet de « garantir les conditions de sécurité adéquates ».
Promesse d'économie
L’intervention de la députée et pharmacienne Agnès Firmin Le Bodo, défendant un amendement afin d'ajouter un article en faveur de la substitution biosimilaire, n’aura pas eu plus de succès. Et ce malgré une promesse d’économie annuelle pour l’assurance-maladie de 300 millions d’euros. Même destin pour l’amendement défendu par le député Stéphane Viry préconisant une obligation de prescription en DCI. Olivier Véran explique qu’une disposition de l’article 43 du PLFSS vise à encourager la prescription biosimilaire à l’hôpital et que d’autres dispositifs hors champ législatif ont le même objectif. Des initiatives qu’il approuve, contrairement à l’idée d’instaurer « une règle uniciste d’application permettant de substituer n’importe quel biomédicament par n’importe quel biosimilaire, dans toutes les pathologies et pour tous les patients ».
Sans nul doute, d’autres amendements favorables à la substitution biosimilaire vont tenter de se frayer un chemin au sein du PLFSS 2020 dans les semaines à venir. C’est dans ce cadre que l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) diffuse, depuis mercredi dernier, une vidéo pédagogique sur le biosimilaire à l’intention du plus grand nombre. Publiée sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, YouTube), elle a aussi fait l’objet d’un mailing vers les pharmaciens, les invitant à la transmettre aux députés de leur circonscription.
Intéressement à la prescription
En attendant, la politique actuelle semble vouloir appuyer le développement des biosimilaires par la seule prescription. En particulier à l’hôpital, où l’opportunité de bénéficier de médicaments de même efficacité pour un coût moindre ne peut être ignorée. Mais ce n’est pas la seule raison. Ainsi, l’intérêt pour les biosimilaires du Pr Gilles Freyer, directeur de l’institut de cancérologie des Hospices civils de Lyon (HCL), tient autant à sa curiosité scientifique qu’à ses préoccupations sur le financement du système de santé. Un engagement que confirme la pénétration « fulgurante » des biosimilaires dans les établissements des HCL. « L’Europe, c’est 15 années d’utilisation de médicaments biosimilaires sans problème, avec un processus extrêmement exigeant que nous envient beaucoup de pays dans le monde », souligne-t-il. Résultat, que ce soit au sein des établissements des HCL ou de l’AP-HP, certains biomédicaments ont été intégralement remplacés par un biosimilaire, sans que les soignants y voient de différence.
Cette politique visant à miser sur la prescription médicale et non sur la substitution officinale, notamment portée par le Laboratoire Sandoz, trouve aussi un écho à l'assurance-maladie. Lors de la commission paritaire nationale avec les syndicats de médecins la semaine dernière, la CNAM a proposé de mettre sur pied un système d'intéressement des médecins libéraux pour les inciter à remplacer dans leur prescription certains médicaments particulièrement chers par leurs biosimilaires. Au programme : un contrat individuel, unique, à durée limitée, sur la base du volontariat, qui accorde au praticien un « retour sur investissement » en lui permettant de percevoir 30 % des économies que sa prescription « efficiente » aura générées. Trois biomédicaments sont visés par l'assurance-maladie, et donc trois médecines de spécialité : Enbrel (étanercept) chez les rhumatologues, Humira (adalimumab) chez les rhumatologues et les gastro-entérologues, Gonal-F (follitropine alfa) chez les gynécologues.
Sans réponse
Un dispositif qui ressemble fort à l'expérimentation d'incitation de primoprescription hospitalière de biosimilaires délivrés en ville - en l'occurrence pour l'insuline glargine, l'étanercept et l'adalimumab - dont le principe repose aussi sur un partage de l’économie dégagée entre l’assurance-maladie et le service hospitalier impliqué. Un modèle que l'UDGPO et la chambre syndicale des groupements et enseignes FEDERGY avaient, dès début septembre, proposé d'utiliser pour développer le marché du biosimilaire en ville en y incluant le pharmacien et le médecin. Proposition restée sans réponse à ce jour. La prescription biosimilaire aurait-elle englouti tout espoir de substitution par le pharmacien ?
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