Quand les médicaments non utilisés sont remis au pot commun

Depuis le 1er janvier 2009, le recyclage des médicaments non utilisés à des fins humanitaires est interdit en France. En cause : des spécialités trop souvent périmées et inadaptées aux besoins, dont la destruction revient alors aux bénéficiaires, et une perte de traçabilité après la première dispensation. Qui dit que le médicament a été conservé dans les conditions adéquates ?

Mais au Sénégal, un projet mis sur pied en mars 2015 voit la situation d’un œil nouveau. Jokko$anté est un concept de pharmacie communautaire virtuelle qui s’appuie sur une application Internet, disponible sur mobile. Il s’agit de récupérer les gisements de médicaments non utilisés dans les foyers et de les mettre à disposition du plus grand nombre. Jokko$anté est donc « un système communautaire de dépôt, de stockage, de partage et de financement croisé des médicaments qui fait passer la boîte à pharmacie de l’échelle familiale à l’échelle du département, de la région voire du pays ».

Économie circulaire

Car au Sénégal, les médicaments sont chers, ce qui rend leur accès difficile. Seule la moitié de la population bénéficie d’une couverture médicale et celle-ci prend rarement en charge les médicaments. Jokko$anté (jeu de mots avec Jokkolanté qui signifie, en wolof, échange, et le mot santé dont la première lettre ne représente pas le dollar mais le caducée pharmaceutique) repose sur trois mécanismes. L’économie circulaire : « les membres de Jokko$anté déposent leurs médicaments non utilisés et non périmés dans les centres de santé affiliés et reçoivent des points en échange, qui pourront être utilisés pour récupérer d’autres médicaments en cas de besoin et sur présentation d’une ordonnance ». Le financement croisé : des entreprises peuvent financer des médicaments, le patient qui en bénéficie est informé par SMS du nom de la société qui prend en charge son traitement. Enfin, les membres de Jokko$anté peuvent s’échanger ou s’acheter des points. Après deux ans de fonctionnement, les retours sont positifs. Selon les porteurs du projet, « le système garantit à chaque membre un bénéfice à la hauteur de sa contribution et sert de filet de sauvetage aux personnes démunies dans les situations difficiles ». Le projet est soutenu par l’Initiative RSE Sénégal, qui promeut la responsabilité sociétale des entreprises du Sénégal et des pays de l’Afrique de l’Ouest, et par le groupe de téléphonie Sonatel.