ALARMISTE, le Collectif pour la défense de médecine naturelle affirme qu’une directive européenne va « interdire de nombreux remèdes médicinaux à base de plantes utilisés depuis des milliers d’années et sans les effets secondaires des médicaments issus de la pétrochimie ». L’objectif serait de « sécuriser des milliards d’euros de profit pour l’industrie pharmaceutique pour les années à venir en obligeant les malades à recourir à leurs médicaments ». Comment ? En imposant une « procédure d’agrément extrêmement lourde pour des petits producteurs de plantes médicinales ». Le Collectif veut modifier la directive en question et souhaite pour cela déposer une pétition au Parlement européen qui rassemblerait un million de signatures (plus de 150 000 pour le moment).
La pétition a été largement reprise et/ou critiquée sur Internet. Les pages de commentaires se multiplient sur hoaxbuster.com, le site qui départage le vrai du faux sur la toile. Pour les modérateurs, la directive est « diabolisée » par la pétition et son texte cumule « exagération, distorsion des faits et mensonge ». Le « buzz » a été évoqué sur lepoint.fr, décortiqué par doctissimo.fr, et a fait la une de l’émission « La tête au carré » sur France Inter le 28 mars.
« J’ai reçu la pétition une dizaine de fois ! Ceux qui l’ont écrite manquent d’informations et de connaissances, ils font une très mauvaise présentation des faits qui crée polémique et controverse. Le message est complètement erroné ! », s’emporte Loïc Bureau. Docteur en pharmacie, responsable de l’Institut de formation des acteurs de santé (IFAS) et professeur associé à l’UFR des sciences pharmaceutiques de l’université Rennes 1, il travaille depuis des mois sur la directive 2004/24/EC, ou Traditional Herbal Medicinal Products Directive (THMPD), du 30 mars 2004, adoptée par l’Assemblée nationale en avril 2007 et qui entre en vigueur le 30 avril 2011.
Régime simplifié.
Cette directive prévoit en fait une procédure d’enregistrement simplifiée pour les médicaments traditionnels à base de plantes, c’est-à-dire ceux dont on peut apporter la preuve de leur usage antérieur depuis au moins trente ans, dont quinze ans minimum dans l’Union européenne. Les références sur le marché doivent faire une demande d’enregistrement ou d’actualisation d’AMM (autorisation de mise sur le marché) au plus tard le 30 avril prochain. « On parle de régime simplifié car ces médicaments sautent l’étape des essais cliniques. L’objectif est de mettre de l’ordre dans les centaines de produits en circulation qui n’ont pas à être assimilés à des médicaments. Aucune référence ne sera retirée du marché, mais celles qui n’auront pas déposé de dossier d’enregistrement ou qui n’obtiendront pas l’aval des autorités sanitaires ne pourront se présenter comme étant un médicament », explique Frédéric Vincent, porte-parole de la direction générale de la santé et des consommateurs (DG SANCO) à la Commission européenne. Néanmoins, Cécile Dumoulin, rapporteure de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a rappelé en séance de travail que « sur les 600 médicaments existants, seulement 200 resteront sur le marché ». Pour Jean-François Cavallier, à la tête de l’herboristerie Larmignat à Châtellerault (Vienne), « la directive plantes n’a rien de choquant, elle va dans le bon sens en clarifiant l’usage des plantes médicinales et en luttant contre le charlatanisme ».
Le coût de l’enregistrement varie d’un pays à l’autre, la France faisant partie des pays de la fourchette haute. Néanmoins, on parle plutôt d’un investissement de 10 000 à 17 000 euros par plante, plutôt que 100 000 ou 180 000 euros comme l’annonce le Collectif.
Accidents graves.
En France, la transposition ne devrait poser aucun problème car l’Europe « n’a fait qu’adopter le système qui préexistait en France – le dossier d’AMM dit allégé pour les phytomédicaments, mis en place dans les années 1980 – pour le généraliser aux autres États membres », explique Loïc Bureau. Les petits acteurs du secteur seraient peu concernés car ils travaillent principalement sur le champ des compléments alimentaires. Ils ont néanmoins des raisons de s’inquiéter. En nutraceutique, il est permis d’utiliser les 148 plantes dites libéralisées (inscrites à la pharmacopée mais bénéficiant d’une exception qui leur permet d’être vendues pas des non-professionnels). Cette liste définit les formes sous lesquelles les plantes peuvent être utilisées, mais nombre de compléments alimentaires ne respectant pas ce cadre réglementaire ont été requalifiés en médicaments par la Cour de cassation.
Faut-il le rappeler, tout ce qui est naturel n’est pas synonyme d’inoffensif. « Il y a eu beaucoup d’accidents graves avec les plantes médicinales, souligne Pierre Champy, maître de conférence en charge de l’enseignement de la phytothérapie à la faculté de pharmacie Châtenay-Malabry, intervenant dans l’émission « La Tête au carré ». La germandrée petit chêne, utilisée dans des compléments alimentaires dans le but de maigrir, a causé un grand nombre d’hépatites. Les accidents sont aussi liés à l’utilisation de la mauvaise partie de la plante, à la mauvaise qualité des produits, au choix d’un mauvais mode d’administration. Légiférer sur le médicament à base de plante donne des garanties : contrôle des matières premières, du procédé de fabrication, de chaque lot, de la teneur en métaux lourds, etc. » Le blog de CorteX* résume l’idée générale : « S’agit-il de défendre des pratiques uniquement parce qu’elles sont naturelles ? En matière de santé, il serait préférable de défendre des pratiques efficaces. S’opposer aux pratiques des laboratoires pharmaceutiques ne devrait pas nous faire renoncer à la seule méthode efficace pour décider ce qui est bon ou mauvais pour nous : la démarche scientifique. »
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